Iglika Christova à la recherche de l’unité du vivant

Spécialement conçue pour le PARCC (Paris-Centre de Recherche Cardiovasculaire, Hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris), Micro-poétique est composée de treize créations imaginées en lien avec les treize équipes de recherche* que compte l’établissement. Accueillie au rez-de-chaussée, l’installation donne à voir ce que peut être une œuvre à l’intersection de l’art et de la science. Avec elle, Iglika Christova poursuit une quête à la fois esthétique et universitaire, plastique et théorique. Le trait de l’artiste-doctorante entraîne le visiteur aux confins du dessin et de la microscopie.

Micro-poétique, équipe 1, Iglika Christova.

Le PARCC de l’hôpital européen Georges-Pompidou s’intéresse précisément aux pathologies cardiovasculaires. Dans ce lieu de recherche et d’enseignement, la connaissance est au cœur des préoccupations. Chercheurs, enseignants, étudiants, tous viennent ici en explorateurs du microcosme. Ils veulent observer, analyser, comprendre et provoquer des avancées médicales. C’est également par attrait pour la science qu’Iglika Christova en pousse la porte. Engagée dans une recherche universitaire, l’artiste travaille sur la relation entre le dessin et la microscopie. L’an dernier, elle y présente Un coup de gènes jamais n’abolira le hasard. Réalisé en collaboration avec la biologiste Paula Fontanilla, ce dialogue entre dessin et images scientifiques aborde la question des risques liés à la technique de transgénèse végétale. C’est un peu plus tard, en poussant une des portes du hall d’accueil, qu’Iglika Christova remarque que le couloir s’offrant à elle possède treize grandes vitres donnant sur une cour, soit autant que le nombre d’équipes de recherche du PARCC. Se disant que le hasard n’existe pas, l’artiste propose à Alain Tedgui, le directeur de l’établissement, l’idée de réaliser treize créations en lien avec les travaux des treize unités de recherche. Treize vitrauphanies qui laissent passer la lumière et sont désormais installées de façon pérenne. Treize œuvres qui se laissent admirer tant du dedans que du dehors et se rassemblent sous le nom de Micro-poétique. « Chaque chef d’équipe m’a envoyé une image, généralement de microscopie, mais parfois aussi des graphiques. C’est à partir de ces documents que j’ai pu décliner mes explorations. L’image scientifique est le point de départ, la source matricielle du dessin. » Il s’agit alors pour l’artiste de saisir par le trait la structure offerte, de l’interpréter, de lui associer d’autres formes pour tenter d’en révéler l’essence. Le dessin en noir et blanc dégage une écriture, principe même de la structure observée. Pas question de mimêsis, l’heure est à l’imagination fertile et par nature subjective.
« J’ai échangé avec toutes les équipes sur leurs objets d’étude. Ici, par exemple, nous pouvons observer la croissance d’une tumeur. Savoir que c’est une maladie change notre perception. J’ai donc extrait de manière esthétisante l’essentiel de cette forme sans en raconter plus car, intrinsèquement, elle possède une narrativité suffisante. Là, ce sont des calculs informatiques sur le génome qui sont devenus le motif récurrent de l’œuvre. » La répétition crée un ordre nouveau. Chaque interprétation performe l’image scientifique et la métamorphose. Pour Iglika Christova, c’est une autre façon de regarder. Une culture de cellules souches a poussé en forme de cœur, or l’équipe à laquelle elle appartient s’intéresse précisément à cet organe. « Les scientifiques n’ont pas d’explication, moi non plus, mais le fait de l’interpréter artistiquement crée un dialogue transversal qui, finalement, nous prouve combien le vivant nous dépasse. » Subtilement, les œuvres distillent une certitude : l’infiniment petit serait le pendant de l’infiniment grand. Ou, pour évoquer le très ésotérique Hermès Trismégiste : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ». Les vaisseaux sanguins n’évoquent-ils pas les racines d’un arbre ? « Il existe des liens formels entre des éléments qui, a priori, sont très éloignés les uns des autres. Au-delà de la recherche esthétique, je tente non pas de me saisir du vivant, mais de me rapprocher de son mystère, d’essayer d’être en rapport avec un monde qui nous échappe. Je suis à la recherche de ce que je nomme l’unité du vivant. Comprendre pourquoi on va retrouver les mêmes formes à l’intérieur comme à l’extérieur de corps très différents, dans le microcosme comme dans le macrocosme. C’est très étonnant d’observer ces correspondances formelles. Selon la théorie du Big Bang, tout était un. » Le trait, à force de tarauder le vivant, convoque en nous nos origines et notre nature profonde. La quête plastique devient alors philosophique.

* Le PARCC est composé actuellement de 13 équipes dirigées par Chantal Boulanger (équipe 1), Bertrand Tavitian & Olivier Clément (équipe 2), Nabila Bouatia-Naji & Xavier Jeunemaitre (équipe 3), Xavier Jouven & Jean-Philippe Empana (équipe 4), Hafid Ait-Oufella & Ziad Mallat (équipe 5), Jean-Sébastien Silvestre & Philippe Menasche (équipe 6), Jean-Sébastien Hulot (équipe 7), Pierre-Louis Tharaux & Eric Camerer (équipe 8), Anne Eichmann (équipe 9), Eric Tartour (équipe 10), Judith Favier & Anne-Paule Roqueplo (équipe 11), Maria-Christina Zennaro (équipe 12), Alexandre Loupy (équipe 13).

Contacts

Micro-poétique est installée au PARCC, hôpital européen Georges-Pompidou, 56, rue Leblanc, 75015 Paris.
Le site de l’artiste : www.iglikachristova.com.

Crédits photos

Image d’ouverture : Vue de l’installation Micro-poétique au PARCC © Iglika Christova – Toutes les images sont créditées © Iglika Christova

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