La première exposition des « Femmes guerrières, Femmes en combat » s’est tenue du 5 mars au 7 mai 2022 à La Topographie de l’Art à Paris. Du 4 février au 2 juillet 2023 leur champ de bataille se déplace à Bethune : Corine Borgnet, Céline Cléron, Rachel Labastie, Léa Le Bricomte, Isabelle Lévénez, Milena Massardier, Myriam Mechita, ORLAN, Nazanin Pouyandeh, Maryline Terrier, et Brigitte Zieger ont investi Labanque, où l’on peut (re)découvrir leurs installations, peintures, sculptures ou céramique, parmi des œuvres inédites, réalisées in situ.
« Il fût, dans tous les temps et dans toutes les nations, des femmes remarquables par leur courageet leur détermination dans des circonstances exceptionnelles et mouvementées, notamment dans les guerres. Depuis la plus haute Antiquité, les contemporains de telles héroïnes ont été interloqués par la relation de hauts faits qu’ils n’auraient pu auparavant attribuer qu’à des hommes particulièrement virils. De là, sans doute, cette suspicion latente qui rôde autour des grandes guerrières qui ont marqué leur siècle de leurs exploits : s’agissait-il vraiment de femmes ou n’étaient-elles pas de ces êtres bizarres, mi-hommes, mi-femmes, que l’on traite pudiquement de viragos ? Et pourquoi, si ce n’est pour ne pas encourir l’opprobre, prenaient-elles soin généralement de s’habiller en hommes ? »
De cette définition du Petit dictionnaire des femmes guerrières, deux Isabelle s’entretiennent, bien avant que les iraniennes en force ne se rebellent et que soit assailli tout le territoire de l’Ukraine. L’une, Isabelle Lévénez est artiste plasticienne et une véritable guerrière sur bien des fronts. L’autre, Isabelle de Maison Rouge est historienne de l’art et défend depuis longtemps la cause des femmes dans le milieu de l’art contemporain. Toutes deux choisissent les onze artistes qui participent à cette aventure et l’histoire (re)démarre. Sauf qu’entre temps, Isabelle Lévénez (1970 – 2020) lève le camp dans des conditions tragiques. Si cette exposition est dédiée à toutes les femmes artistes, au courage des iraniennes, à la ténacité des ukrainiennes, elle rend particulièrement hommage – « femmage » préfère ORLAN – à la mémoire d’Isabelle Lévénez qui sur notre visuel d’ouverture, incarne si magistralement dans une de ses performances, le martyr de Saint Sébastien.
L’exposition Femmes Guerrières, Femmes en combat fut inaugurée par une performance de l’artiste Olga Kisseleva, Rivière de lait (aux berges de kissel) avec la chorégraphe Chiara Taviani, la danseuse Virginie Baroux et la compositrice Catherine Braslavsky dans le cadre du projet La Voie lactée par Olga Kisseleva, Taisya Polishchuk et Tatiana Drozd. « L’exposition rappelle qu’il n’a pas toujours suffi aux femmes artistes de se définir comme artistes pour être reconnues comme telles, souligne Isabelle de Maison Rouge (co)commissaire. La présence des femmes dans le milieu de l’art contemporain reste confidentielle malgré de très importantes avancées dans ce domaine, avec une meilleure visibilité accordée à leurs œuvres. » Ainsi cette nouvelle bataille entend « rendre perceptible l’engagement de certaines artistes pour des causes qui ne recoupent pas nécessairement leurs intérêts ou exclusivement leurs préoccupations de genre. Ce sont ici des “indociles” qui prennent une part active à l’action sociale et politique, dans un espace public qui pendant des siècles, leur a été hostile, voire interdit, poursuit Isabelle de Maison rouge citant Louise Michel en renfort : “La première fois qu’on défend sa cause par les armes, on vit la lutte si complètement qu’on n’est plus soi-même qu’un projectile”. Une allégorie qui résume bien l’attitude de ces femmes, artistes plasticiennes se comportant en guerrières, comme s’il était impensable, aujourd’hui encore, d’envisager leur participation autrement que comme l’usurpation de prérogatives masculines, par la mise en concurrence des attributs de la virilité ?-c‘est la question que pose cette exposition, explicite la critique et historienne de l’art Isabelle de Maisonrouge : La combattante, en définitive, serait-elle condamnée à rester un fantasme masculin ? »
Contact> Labanque, 44 place Georges-Clemenceau 62400 Béthune. Tél. : 03 21 63 04 70
Visuel d’ouverture> Isabelle Lévénez, Saint Sébastien, photographie ©Isabelle Lévénez