De singuliers états du monde

Les formes et mouvements de la Terre et du ciel sont depuis des siècles au cœur des préoccupations scientifiques et source d’inspiration pour les artistes. L’exposition Globes, architectures et sciences explorent le monde, qui se tient actuellement à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris, montre combien les architectes s’y sont, eux aussi, bien souvent référés. Au fil d’un parcours présentant quelque 90 projets et tissant des liens avec la géographie, l’astronomie et la science-fiction, c’est toute une histoire transversale de l’architecture, fruit d’une rencontre entre culture populaire et recherche savante, qui est ici dévoilée.

Roden Crater, James Turrell.

Cela tient sans doute à sa perfection : le globe hante l’histoire des représentations. Si la figure de la sphère architecturale trouve ses racines au sein de l’Empire romain et au Moyen Orient, elle n’apparaît en Occident qu’à partir du XVIIe siècle. L’exposition Globes retrace l’épopée de ces architectures spectaculaires qui ont su mobiliser autant les architectes que les astronomes, mathématiciens, peintres ou gens du spectacle partis à la découverte de la Terre et du ciel et de leur représentation. Ainsi naîtront les premiers globes terrestre, les voûtes célestes, la mappemonde, l’observatoire ou encore le planétarium. Symbole de perfection, la sphère sera utilisée pour célébrer les aspirations révolutionnaires, universalistes ou impérialistes, tel le globe-auditorium de Grigori Gidoni, tournant autour d’une faucille et d’un marteau. La conquête de la Lune offrira un tremplin idéal aux imaginaires artistiques de toute sorte. Enfant maléfique naturel de cette imagination, Death Star (l’étoile de la mort) sera l’une des principales « vedettes » de Star Wars. Cette planète artificielle, dont l’organisation est à peine esquissée dans le film, fera l’objet de nombreuses publications qui en préciseront son aménagement et en raconteront l’histoire de son architecture. La fin des années 1960 correspond également à de nouvelles quêtes. Ainsi se rassemblent, près de Pondichéry en Inde, ceux qui allaient donner naissance à Auroville. Au cœur de cette cité expérimentale, est érigé le Matrimandir, sphère dorée de 36 mètres de diamètre, abritant une vaste salle de méditation. Cette structure évoque le soleil et la figure de l’œil est explicitement évoquée par la coupe du projet.
Dans son livre New York délire, l’architecte Rem Koolhaas présente la sphère comme une figure récurrente dans l’histoire de l’architecture occidentale. Présenté ici, son projet de Convention and exhibition Center aux Emirats Arabes Unis (daté de 2006) et dont la référence formelle à l’Etoile noire de la saga Star Wars ne peut laisser indifférent, interpelle par sa volonté de rupture. C’est une quête de la perception qui pousse quant à lui l’artiste américain James Turrell à investir, à la fin des années 1970, Roden Crater, un volcan endormi et rongé par les vents depuis plus de quatre mille ans situé dans le désert de l’Arizona. L’artiste s’y applique depuis à parfaire les bords du cône du volcan, à y excaver tunnels et chambres afin d’aménager une série d’espaces neutres dont les formes sont pensées pour intensifier la perception des lumières célestes. Le parcours initiatique ainsi conçu à travers lieux astronomiques ancestraux et chambres de culte des indiens Hopis s’achève au centre du site. De cet endroit, baptisé Œil du cratère, le visiteur est invité à observer le ciel à travers un dôme de verre. De son coté, l’ingénieur américain Bryan Beaulieu inscrit son projet Building a new world – The Great globe project (notre photo d’ouverture) dans la lignée du Globe terrestre d’Elisée Reclus (1830-1905), invitant de jeunes écoliers du monde entier à représenter leur territoire sous la forme d’un des 10,5 millions de triangles constituant la sphère géodésique au 1/100 000 de la planète (128 mètres de diamètre). Le fruit de tous ces travaux devrait être installé non loin du Roden Crater de James Turrell. Pour Bryan Beaulieu, « la construction d’un globe est à la fois la prise de conscience et la retranscription de l’état du monde ».
Forte d’un grand nombre de maquettes, plans, extraits de conférences et autres simulations observables via des casques de réalité augmentée, l’exposition Globes met en évidence les visions successives de l’homme sur sa planète : d’un fragment du cosmos à la Renaissance au milieu à protéger aujourd’hui, en passant par l’enjeu scientifique à partir de l’époque des Lumières.

Lle Matrimandir.

Et pourtant, il tourne…

C’est au début des années 1980 que l’Italien Ofeo Bartolucci a entrepris la construction de ce qu’il souhaitait être le plus grand globe rotatif du monde, s’octroyant au passage le record jusqu’alors détenu par le globe de Roger Babson (10 mètres de diamètre pour un poids de 25 tonnes), construit en 1955 et installé sur le campus du Babson College dans le Massachusetts. Inaugurée en 1988 dans la commune de Colombara Di Appecchio, au pied des Apennins, et emplie sur ses trois étages d’objets glanés durant ses voyages, Mappamondo della pace est une œuvre conçue par l’ancien maçon comme un appel à la paix.

Contact

Globes, architectures et sciences explorent le monde, jusqu’au 26 mars à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris.

Crédits photos

Image d’ouverture : The Great globe project © Bryan Beaulieu – Roden Crater © James Turrell – Matrimandir © DR

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