Avec DDESSIN,
le futur n’attend pas !

C’est avec une joie redoublée qu’ArtsHebdoMédias annonce la tenue de DDESSIN cette année. Initialement prévu au printemps, le salon a eu la sagesse de reporter ses dates à la rentrée et nous y sommes. Quel plaisir de célébrer la fin de l’été tout en dessin ! Pour sa 8e édition, l’événement investira du 16 au 20 septembre la verrière de l’Atelier Richelieu, à deux pas du Palais de la Bourse. Les visiteurs pourront y découvrir les artistes d’une vingtaine de galeries françaises, des solo shows, la pépinière d’artistes, le coup de cœur de l’édition 2020 et d’autres surprises encore. Notamment celle concoctée par ArtsHebdoMédias. En effet, partenaires du salon depuis 7 ans, nous serons heureux de vous y présenter notre premier Objet Média Non Identifié ! Sous le masque, poindront les sourires. A n’en pas douter !

Si DDESSIN est devenu un rendez-vous essentiel pour qui aime le dessin contemporain, sa fondatrice Eve de Medeiros rappelle qu’en 2013 son succès n’avait rien d’évident : « Aujourd’hui, tout le monde s’intéresse au dessin contemporain. Cependant il ne faut pas oublier qu’il y a huit ans, à l’exception du dessin ancien, il ne s’agissait pas d’un médium reconnu. Pour preuve, les artistes ne montraient pas leurs travaux dessinés. » Dans un tel contexte, le pari était audacieux d’autant plus que la manifestation entendait suivre des principes de découverte, de décloisonnement et d’ouverture. Depuis lors, le salon défend une expression plurielle du dessin tant du point de vue géographique que de l’innovation formelle. Au fil des éditions, DDESSIN a su inclure des pratiques diverses – dessin numérique ou augmenté, dessin en mouvement… –, témoins d’une scène vivante en perpétuel renouvellement, et imposer sa volonté de donner de la visibilité à de jeunes artistes en les exposant aux côtés de participants plus renommés, ou à faire « re-connaître » certains talents insuffisamment mis en avant. Ainsi la Coréenne peu connue en France, Yoon Ji-Eun, lauréate de DDESSIN {19}, est aujourd’hui représentée par la galerie Maria Lund et bénéficiera cette année d’un solo show. En 2018, Eve de Medeiros a franchi un cap supplémentaire et lancé la Pépinière d’artistes, partant du constat « qu’il est impossible pour des artistes qui ne sont pas représentés par une galerie de se faire connaître ». Cette année, pour sa troisième édition, la Pépinière accueille Clothilde Anty, Ursula Caruel, Margaux Derhy, Natacha Ivanova, Roxane Kisiel et Clovis Retif. Autant de talents aux identités graphiques fortes, sans craindre de faire la part belle à des artistes engagé.e.s et femmes. Deux d’entre elles présenteront notamment des œuvres textiles dessinées. Une façon de mettre en lumière une pratique qui suscite aujourd’hui un intérêt grandissant et de rappeler que DDESSIN {13} présentait déjà les œuvres brodées de Lucie Picandet. Preuve que chaque édition décline une part du dessin au futur.

Samuel N’Gabo Zimmer, l’artiste coup de cœur 2020

Né en 1986, l’artiste franco-rwandais Samuel N’Gabo Zimmer est autodidacte. C’est au cours d’une formation en botanique qu’il réalise ses premières esquisses, afin de l’aider à mémoriser la morphologie des plantes. Un sujet qui s’est emparé de lui et qui aujourd’hui encore continue de l’inspirer. Samuel N’Gabo Zimmer se passionne pour les éco-systèmes et la vie des arbres. Sur une base de papier blanc et d’encre noir qu’il retravaille pour obtenir une matière vivante, il crée le mouvement. Mouvement dont on ne perçoit pas l’origine mais qui innerve tout le dessin, à l’image d’un souffle vital. Par des visions d’entrelacs de branches et de racines, il révèle les interactions secrètes d’un monde végétal fait de liens, de systèmes de coopération et d’entrecroisements. En lui attribuant son coup de cœur, Eve de Medeiros éclaire un artiste attentif et dévoué à son sujet, qui aborde subtilement le thème de l’ancrage, à contre-pied des attentes.

Sans titre 5, Samuel N’Gabo Zimmer, 2019.

Les métamorphoses de la mémoire de Margaux Derhy

Bien des énigmes, des non-dits, des angoisses, des bêtes noires, des hantises se trouvent secrètement contenues dans les couleurs vives avec lesquelles Margaux Derhy, par touches, marque ses toiles. Attrayantes, punchy… L’œil qui s’attarde en vient vite à reconsidérer ces impressions pigmentées puis les trouver inquiétantes. Une hésitation des sens et des émotions indissociable du sujet de la jeune artiste, qui explore l’ambivalence du passé et des souvenirs de l’enfance.Poursuivant actuellement sa formation au Royal College of Art de Londres, Margaux Derhy a développé une large gamme de pratiques (tissu, sérigraphie, céramique…). Mémoire vive réunit une série de toiles et de broderies prenant pour point de départ des photographies familiales ou la trace visuelle de moments passés. Des bribes de moments joyeux de vacances à la plage, de complicité fraternelle, de déjeuners qui s’attardent… à partir desquels Margaux Derhy compose de nouveaux tableaux, des images inédites. Par ce procédé, elle ravive ses souvenirs, puis les reconfigure, les transforme ou même les supprime en les remplaçant par une version alternative, plus onirique. Une tension entre deux mouvements contraires qui exprime un rapport conflictuel au passé, entre nostalgie des instants perdus et résurgence de traumatismes. Passionnée de neurosciences, Margaux Derhy rejoue ainsi avec brio et sensibilité les mécanismes de la mémoire, qui préfère souvent s’illusionner afin de laisser au présent la place de s’épanouir plutôt que de porter le poids parfois douloureux des souvenirs intacts. C’est cette histoire complexe et très intime qui est véhiculée par les couleurs. Pour exprimer le flou qui entoure ses souvenirs, et pour les réenchanter, Margaux Derhy a fait le choix d’un jaune fluorescent. Une teinte étrange, communément perçue comme un symbole de rejet ou de trahison, qu’elle appose le plus souvent à l’endroit des visages, remplaçant leurs traits par des tâches, tandis que l’essentiel du paysage est plongé dans un fond bleu cobalt des plus fantasmagoriques. Le sentiment qui accompagne les scènes représentées demeure mystérieux, ambigu. Cependant, de la photographie à la toile puis de la toile au dessin brodé – qu’elle réalise toujours avec le même artisan couturier, dans le même atelier en Afrique du Sud –, Margaux Derhy parvient à ce qui est pour elle l’essentiel : une mise à distance apaisante du passé. « A présent, j’ai davantage la vision de mes tableaux à l’esprit que celle, réelle, des souvenirs. »

Self portrait, Margaux Derhy, 2020.

Les personnages fugitifs de Clothilde Anty

Si les dessins épurés de Clothilde Anty ont l’apparente spontanéité d’une ébauche, la subtilité et le sens ne se livrent pas au premier abord. A la façon d’un haïku, l’artiste cherche davantage à évoquer par le trait une idée ou un état de conscience qu’à décrire une chose. « Ce sont des réflexions, des pensées existentielles ou philosophiques qui amènent le trait et la couleur sur le papier et qui tendent à aller chercher l’émotion », explique-t-elle. La création est un moyen de formuler autrement ses idées, de les considérer visuellement. Pour sa deuxième année consécutive de participation à DDESSIN, l’artiste présente plusieurs œuvres appartenant à ce qu’elle surnomme la série des « têtes rouges ». Réalisées dans un mélange d’aquarelle et de lavis d’encre de Chine, les « têtes rouges » allient la puissance du trait, fort, incisif, au lâché prise et au langage émotionnel de la couleur. Ces travaux fonctionnent aussi bien ensemble qu’individuellement. Déclinaisons sur le thème de l’enfant intérieur, de la quête de soi et du devenir d’un être qui porte déjà en lui le poids de son passé, on y observe des situations d’interactions sociales ou des scènes en solitaire. Toutes ont été réalisées d’un même geste : Clothilde Anty commence par marquer la feuille d’une tâche rouge puis tire ensuite le trait de façon très maîtrisée, traçant des personnages aux contours pour le moins fugitifs. Impossible de savoir à quoi ils pensent, ce qu’ils se disent ou même ce qu’ils font : on ne peut que le présumer. Et voilà que se révèle la portée méditative de ces dessins « haïkus ». Leurs titres, extraits d’un texte poétique de l’artiste, pourraient bien contenir quelques clés – ou des énigmes supplémentaires. L’imprécision et le doute sont des effets recherchés par Clothilde Anty. Les corps qu’elle représente, humains ou en devenir, figuratifs ou abstraits, suggèrent davantage le sentiment d’une présence qu’une identité sexuée. Les espaces laissés vides, le caractère intuitif des couleurs et l’indétermination des formes se font l’écho des sujets développés, des sujets métaphysiques ou introspectifs qui se refusent à toute idée de vérité absolue. A travers ses personnages remplis de vide, Clothilde Anty nous rappelle ce qui, en nous-même et autour de nous, demeure flou, invisible ou secret. Cette part d’ombre essentielle, mais pas nécessairement triste.

Certaines choses restent, Clothilde Anty, 2019.

Clovis Retif et le parti pris du délaissé

Cadet des artistes de la Pépinière, à 24 ans, Clovis Retif n’a pas ses yeux dans sa poche. En s’emparant des éléments qui constituent l’environnement du quotidien, y compris les plus délectables, son œil témoigne d’une hypersensibilité et d’une conscience profonde de notre condition contemporaine, de ses questionnements et contradictions. Diplômé de l’Ecole d’art de Saint-Luc Tournai, Clovis Retif a auparavant suivi une formation en design d’espace et de produits, d’où peut-être une certaine tendance à aborder des thèmes sociaux par le biais de leurs avatars spatiaux ou matériels. Virtuose du crayon graphite, il détourne le genre de la nature morte en l’adaptant au goût du jour et à ses objets qu’il passe en revue : robinetterie chromée, emballages de junk-food, poubelles éventrées, chaussures de sport, éboulis… La précision des détails et les jeux d’ombre créent un effet visuel au réalisme saisissant, faussement photographique. Car le jeune artiste n’a pas pour intention de produire des trompe-l’œil. S’il travaille souvent à partir de clichés pris dans la rue, il souligne que l’utilisation exclusive du noir et blanc ainsi que le maintien d’un fond vierge en arrière-plan permettent de décontextualiser les objets, de briser l’impression de « vrai ». Tandis que le choix des objets représentés ne doit rien au hasard : Clovis Retif en fait usage comme des formes d’incarnation, des symboles, ou encore des totems. Autant qu’aux choses, il s’intéresse aux situations, aux idées et processus qui les traversent. Dans la série Des-Consommations, il s’attarde sur le contenu d’un carton que les passants ont spontanément transformé en poubelle, du seul fait qu’il a été déposé sur le trottoir. Une façon de décrire l’influence qu’exerce notre environnement sur nous, ainsi que certains réflexes de déculpabilisation que notre conscience met en œuvre. Ainsi, s’accumulent les ordures dans le paysage urbain, tant et si bien qu’il nous faut la médiation d’un dessin pour véritablement nous en étonner.
Miroir de sa génération, l’œuvre de Clovis Retif nous parle d’un âge où les aspirations à un mode de vie plus durable se heurtent aux angoisses du futur, au devenir poubelle de la planète et aux injonctions à consommer. Son regard qui dérange – en même temps qu’il compose et ordonne des tableaux – se porte vers certaines formes constitutives de cette condition : des biens périssables, obsolètes, usés. Un possible écho à l’historien et critique d’art Nicolas Bourriaud qui constate l’intégration de l’« exforme » dans l’art – entendu de l’exclus, des rebuts, des déchets, « de ce qui est rejeté, et qui, d’être rejeté, ne cesse de faire retour et de réclamer sa place »*. Car en les incluant dans ses œuvres, Clovis Retif laisse entrevoir que les choses ont une existence bien plus longue et complexe que suppose le statut de marchandise qu’on leur accorde.

*Nicolas Bourriaud, L’Exforme : art, idéologie et rejet, PUF, 2017.

Des-Caisses, Clovis Retif, 2019.

Le vitalisme texturé de Roxane Kisiel

Jolie surprise parmi les jeunes talents de la pépinière 2020, Roxane Kisiel impulse un rafraîchissant vent d’irrévérence avec sa pratique du dessin hors norme et hors support papier. Son thème de prédilection ? La mort comme poétique de l’ouverture des corps. Profonde et mélancolique sans être macabre, l’artiste de 28 ans y voit surtout une manière détournée de s’intéresser à ce qui fait la vie, à l’insaisissable élément vital. Observant la dynamique fluctuante des corps, et particulièrement le processus de rigidification qui les parcourt lorsqu’ils s’éteignent, Roxane Kisiel en déduit que le mouvement serait la propriété essentielle de la vie. Pour en rendre compte, elle puise dans le large éventail de matières à sa disposition – tissus, fils, papiers, perles… –, puis travaille les volumes. Elle choisit souvent d’utiliser l’élément textile, pour sa fluidité et ses capacités à se déformer. Il lui permet de figurer tantôt la présence du souffle vital – quand le tissu s’anime – tantôt sa perte – quand il retombe à la manière d’une substance compacte et inerte. Le caractère transitoire et fragile du mouvement vital, le mystère de son origine et de ses oscillations se trouvent ainsi exprimés. Avec le projet Rivière – composé de travaux de broderies sur des gants anciens mis en scène dans une installation sur les rives du Gardon –, Roxane Kisiel abat les frontières entre le corps et le paysage. Le cuir et le tissu des gants, en écho aux textures organiques, sont innervés par tout un réseau de fils rouges qui se déploie sur les éléments environnants – les rochers et la rivière – en les abondant de leur mouvement. « Avec le fil, il ne s’agit plus de tracer mais de transpercer la matière », précise l’artiste. Par cette technique, les différents éléments se trouvent interdépendants, reliés comme un seul et même corps. Une façon de replacer l’homme au cœur de son éco-système et d’exprimer les formes multiples de la vie qui sont ici en symbiose.

Rivière, Roxane Kisiel, 2020.

La mosaïque du subconscient de Natacha Ivanova

Extraterrestres, cygnes blancs, plantes vivaces, femmes en armures de guerrières… L’univers sensuel et étrange de Natacha Ivanova, à l’orée du fantastique, semble sans limites. L’artiste russe mélange les genres et références, croise les éléments sauvages et domestiques et jongle avec les motifs, le tout dans un effet très rococo aux couleurs puissantes. Puzzle d’images, de visions hallucinées, ses œuvres pourraient évoquer une expérience psychédélique. Leur matière est pourtant de l’ordre du réel, mais d’un réel qui se situe hors de la perception. Ancienne élève de l’Ecole des beaux-arts de Paris sous le mentorat de Jean-Michel Alberola, la créativité de Natacha Ivanova emprunte des chemins sinueux, qui plongent dans les tréfonds de l’intériorité et du subconscient pour en démêler le langage. Inspirée par la psychanalyse de Jung, elle conteste néanmoins le rapport d’influence : « La découverte des travaux de Jung a été libératrice car elle a donné un sens à une démarche que j’appliquais déjà dans mon processus de travail. J’analyse depuis toujours mes propres images psychiques en laissant surgir ce qui vient. Il s’agit de laisser son subconscient s’exprimer librement ». Et en abaissant les barrières de sa psyché, Natacha Ivanova accède à la représentation d’un véritable bestiaire d’êtres et de symboles qui peuplent son esprit et ses rêves. Réaliser une série de masques à la main, dans un geste presque rituel, lui a permis de reproduire ce travail lent et fastidieux de l’esprit pour accéder à un niveau dissimulé de lui-même, qui impose de se transformer, d’effacer un temps sa personnalité. Son travail de collage sur des papiers peints uniques créés en collaboration avec Natalia Pivko retranscrit pour sa part le caractère aléatoire du surgissement des images du subconscient, à partir desquelles il s’agit ensuite de composer une sorte de cohérence ou de récit. « L’idée de subconscient collectif fait référence aux images partagées. Les animaux sont notamment rattachés à des symboliques très anciennes, à des significations totémiques largement répandues. Mais il existe aussi des images plus subjectives, ou la possibilité d’apporter à des symboles existants, comme la Sainte Agathe, une signification contemporaine ou plus personnelle », explique l’artiste. A travers les nombreux archétypes féminins qu’elle représente dans ses travaux – femmes soldats, divinités puissantes, aventurières –, Natacha Ivanova s’attache particulièrement à signifier la manifestation d’un inconscient féminin de plus en plus prégnant et vindicatif, qu’on devine proche de se révéler à la conscience.

Détail d’un collage de quatre papiers peints de 4m x 2m qui sera présenté pour la première fois par Natacha Ivanova à l’occasion de DDessin {20}.

La nature indocile d’Ursula Caruel

Originaire de la grande forêt des Ardennes, Ursula Caruel, qui vit actuellement à Arles, a gardé la mémoire de ses racines. Terreau, herbes, bois, feuillage, charbon… Son univers convoque une grande diversité d’éléments minéraux et végétaux – rendus présents par les motifs aussi bien que par les matériaux employés – et tisse le récit d’un monde où la nature reprend ses droits – où peut-être ne les a-t-elle jamais perdus. Artiste ou chamane ? De fait, Ursula Caruel s’est toujours, instinctivement, sentie en harmonie avec les milieux les plus sauvages, gardés intactes de l’empreinte humaine. Pour elle, la forêt est source d’une esthétique ainsi que de toute une philosophie de vie qu’elle tente de transmettre par la création, comme pour rétablir le dialogue entre deux mondes opaques – l’humain et le non-humain – et invoquer un nouveau rapport entre eux nourri d’empathie et d’émerveillement. Elle s’attelle à exhiber ce que de son regard, elle voit : les chatoyantes nuances de vert, les nervures sinueuses des feuilles, le veinage exprimant la mémoire des troncs… Ses œuvres dépeignent une nature foisonnante, remplie d’énergie, envahissante mais pleine de tendresse, et attirent notre regard sur les conséquences des feux de forêt sur le paysage.
Ayant à cœur d’inscrire son art en continuité avec le milieu naturel, Ursula Caruel réalise de nombreuses installations in situ ou bien en utilisant des ressources locales, au gré de ses déplacements entre différents lieux de résidence artistique. Elle a mis au point une approche bio-mimétique du dessin, déployant une analogie entre le développement de la végétation et celui des excursions du trait sur le papier : « Je fais en sorte que mon dessin soit au plus près du végétal. Si le végétal pousse, alors le dessin doit également pousser », s’exclame-t-elle. Aussi, impossible de limiter ses productions aux dimensions étriquées d’une feuille. A l’atelier Richelieu, elle présentera une grande installation simulant la croissance d’un pin qui apparaîtra sous les yeux du public à taille réelle. En agençant sur place une série de petits formats, l’artiste limitera l’empreinte carbone liée au transport de ses œuvres. Détail qui lui importe vraiment.
Avec la série Tentation, où elle revisite le mythe du jardin d’Eden et de son fruit défendu, Ursula Caruel inverse la logique traditionnelle. Plutôt que d’appréhender la nature avec les concepts trop humains de la raison, elle utilise des éléments du monde végétal pour produire un discours sur l’humanité. En somme une démarche symbiotique où le vivant traduit le vivant. Sur une toile qui imite la peau d’une pomme Granny, une touffe de fils jaillit hors du cadre et se déploie librement dans les airs, évoquant tant les racines d’une plante qu’une chevelure indisciplinée. En agriculture, est qualifiée de « féral » une espèce végétale qui croît, de manière subspontanée, hors de l’espace destiné à sa culture. Voyant ainsi l’esprit des forêts envahir le dessin de son élan vital débordant, non sans lien avec la crinière de la première femme qui aurait désobéi à l’injonction du Père, on serait tenté de voir une invitation à tendre l’oreille à cette nature – parfois indocile – qui au fond de nous s’exprime.

Tentation, Ursula Caruel, 2019.
Contact

DDessin {20}, du 16 au 20 septembre, Atelier Richelieu, Paris. Site Web.

Crédits photos

Image d’ouverture : Mémoire vive 15, Margaux Dehry, 2020. ©Margaux Dehry, photos Sans titre 5 ©Samuel N’Gabo Zimmer, Self portrait ©Margaux Derhy, Certaines choses restent ©Clothilde Anty, Des-Caisses ©Clovis Retif, Rivière ©Roxane Kisiel, Détail collage ©Natacha Ivanova, Tentation, ©Ursula Caruel