Yoon Ji-Eun ou la force vitale
au cœur du dessin

YOON Ji-Eun, Je vois les paysages rêvés, (60 X 80 cm), 2017.

Alors que la 8e édition de DDessin aura lieu sous les verrières de l’Atelier Richelieu à Paris, du 16 au 20 septembre prochains, Yoon Ji-Eun, lauréate du prix DDessin 2019, prépare son retour en tant qu’invitée d’honneur du salon. L’artiste coréenne présentera, à cette occasion, une série réalisée lors de sa résidence au Sénégal et intitulée « Saint-Louis dans ma tête | Synchronicités ». Une confrontation sur le papier entre l’idée du lieu inconnu et la réalité de sa découverte. Avant qu’Yoon Ji-Eun nous confie ses premières impressions, revenons sur les événements marquants de sa jeune carrière.

Arrivée en France en 2007 pour compléter sa formation de plasticienne à l’ENSBA auprès de Jean-Michel Alberola, Yoon Ji-Eun excelle dans la pratique de la gravure sur bois. Une technique qu’elle a largement éprouvée durant sa formation initiale à l’Université Hongik de Séoul. Le bois est ainsi devenu l’allié incontournable de sa pratique. Un noble matériau que l’artiste travaille par des retraits et des ajouts de matière en suivant le fil du bois, en creusant ses veines et cernes de croissance pour en faire la trame de ses paysages. Une matière dont les strates évoquent le temps qui passe tout comme le temps de la création. Un motif récurrent qui revient souvent dans ses travaux sur papier où elle en redessine les contours, comme l’élément premier de la représentation du monde qu’elle nous laisse entrevoir. Un monde complexe que l’artiste fait exister, dans une même œuvre, à travers une simultanéité de temps, d’espaces et d’actions. Le passé, le présent et un possible futur se chevauchent et s’entremêlent tout comme les activités des hommes.

Voyage dans ma tête 19, 2020.

Jouant de perspectives, ici panoramique, là plongeante, passant d’une topographie monumentale à des scènes miniatures, l’artiste fait cheminer le spectateur au cœur d’une nature grandiose où les hommes sont minuscules. Ces derniers, affairés à des tâches anodines du quotidien, apparaissent comme les témoins d’une création qu’ils n’ont pas engendrée ; d’un air absent, ils en contemplent la majesté. Lorsque la main de l’homme surgit dans l’œuvre de Yoon Ji-Eun, elle se matérialise par des lignes ou des formes géométriques, contre lesquelles viennent se briser les courbes du paysage. Si l’artiste fait appel à un large panel de techniques, allant du dessin à la sculpture en passant par la gravure et la peinture, au sein de l’œuvre, l’épure domine, gagne en force avec une gamme de couleurs subtiles et un dessin remarquablement précis. De l’art coréen, elle semble avoir hérité des aspects les plus anciens comme la représentation de vastes paysages d’où émane une poésie incomparable. Derrière la douceur du trait et un calme apparent, l’artiste nous donne à voir le bruit du monde et le tumulte des hommes.

YOON Ji-Eun, Sur une page. Crayon,crayons de couleur, acrylique, sculpture sur bois, (63,5 x 87 cm), 2019.
Sur une page, crayons de couleur, acrylique, sculpture sur bois, 2019.

Tout juste de retour de son séjour à Saint-Louis du Sénégal, Yoon Ji-Eun nous confie avoir été surprise par la profusion de couleurs présente dans la ville et ses étals, un patchwork qui lui semblait refléter l’accumulation du temps. Dans ses œuvres réalisées à l’aquarelle, cette riche palette colorée vient se substituer aux cernes du bois pour scander la marche du temps. Interpellée, au cours de ses déambulations, par les vestiges de cette ancienne ville coloniale, la décrépitude des bâtiments et l’immense pauvreté de la population, l’artiste n’a pu s’empêcher d’évoquer l’histoire de son pays, notamment son annexion par le Japon dans les années 1960-1970. Les traces et l’abrasion produites par le temps étant au cœur de ses nouvelles recherches, l’artiste semble avoir trouvé en terre sénégalaise un terreau idéal. De sa belle rencontre avec le philosophe Souleymane Bachir Diagne, Yoon Ji-Eun se souvient précisément de la notion de force vitale. Une notion qui s’est immiscée dans son esprit pour donner sens à la réalité qu’elle découvrait. Et de conclure : « Tout ce que je voyais et entendais était tellement étranger à mon environnement habituel, ce fut une réelle découverte qui me marquera à jamais ».

Voyage dans ma tête 13, 2020.
Contact

Yoon Ji-Eun est représentée par la Galerie Maria Lund, sa résidence à Saint-Louis du Sénégal lui a été offerte conjointement par DDessin et l’Institut Français de Saint-Louis du Sénégal, dirigé par Marc Monsallier.

Crédits photos

Image d’ouverture : Je vois des paysages rêvés, Yoon Ji-Eun, 2020. Aquarelle, crayon et crayons de couleur sur papier. © Yoon Ji-Eun & Galerie Maria Lund, Paris. Sur une page, Voyage dans ma tête 13. Voyage dans ma tête 19 © Yoon Ji-Eun & Galerie Maria Lund, Paris.