Toujours les Français parlent de Berlin ! Mais l’Allemagne ne peut se résumer à sa capitale. Son vaste territoire possède un réseau très important et dynamique de lieux d’art aux programmations aussi riches que variées. Tout l’été, l’Argentin Tomás Saraceno invite à découvrir sa monumentale installation In Orbit sous la verrière du K21, à Düsseldorf. Près de Sarrebruck, l’ancienne friche sidérurgique de Völklingen accueille quelque 80 artistes pour une biennale d’art urbain. A Karlsruhe, c’est la fête ! Pour le 300e anniversaire de la ville, le ZKM se plie en quatre. Une manifestation prolifique se déploie dans ses murs et bien au-delà durant… 300 jours ! Olafur Eliasson, quant à lui, est célébré à la Langen Foundation, à Neuss, tandis qu’un petit détour par Stuttgart s’impose pour découvrir une exposition collective à la Staatsgalerie. A l’affiche, des noms stars de l’art contemporain. Parmi eux, Georg Baselitz, Anselm Kiefer, Neo Rauch, Bruce Nauman et Jeff Koons. De quoi afficher des kilomètres supplémentaires au compteur de votre automobile !
En orbite avec Tomás Saraceno
Animé par une insatiable volonté d’expérimenter la réalité pour proposer d’autres façons de vivre, d’apprendre et de partager, l’Argentin Tomás Saraceno déploie depuis plus de dix ans des cadres théoriques, empruntant aux savoirs de l’ingénierie, la physique, la chimie, l’aéronautique et de la science des matériaux pour développer une démarche interdisciplinaire proposant une nouvelle utilisation de l’espace, où les limites habituelles de l’architecture sont systématiquement repoussées. In Orbit en est un parfait exemple. Il s’agit d’une installation monumentale, suspendue jusqu’à fin décembre à 25 m de hauteur sous la verrière du K21 de Düsseldorf – l’ancien Parlement de Rhénanie-du-Nord-Westphalie – et constituée de 2 500 m2 de filets d’acier déployés sur trois niveaux et parsemés de plusieurs sphères gonflables de 8,5 m de diamètre, à travers lesquelles le visiteur est invité à circuler. Trois années de collaboration avec des ingénieurs, des architectes et des biologistes ont été nécessaires à son élaboration. « Pour moi, cette pièce représente l’espace-temps, une toile d’araignée en trois dimensions, les ramifications du tissu cérébral, la matière noire ou encore la structure de l’univers, confiait l’artiste lors de la mise en place de la pièce, en juin 2013. Avec In Orbit, les proportions provoquent un nouveau rapport au monde, le corps humain devient une planète, une molécule ou un trou noir social. »
Retour de l’art urbain à la Völklinger Hütte
Installé dans une ancienne friche sidérurgique, à Völklingen, près de Sarrebruck, le Centre européen d’art et de culture industrielle accueille la deuxième édition de sa biennale d’art urbain, qui réunit quelque 80 artistes – de grands noms de la scène internationale comme de jeunes talents – et propose cette année un focus inédit sur les artistes d’origine maghrébine et égyptienne. Parmi ces derniers, nombreux sont ceux qui témoignent à travers leurs œuvres de leur désenchantement ayant fait suite aux mouvements protestataires ayant secoué la région depuis 2011, à l’image de cette affiche électorale – rendue célèbre par la campagne présidentielle américaine de 2008 –, sur laquelle le portrait de Barack Obama a été remplacé par celui du maréchal Abdel Fattah al-Sissi, au pouvoir en Egypte depuis l’été 2013, et le mot « hope » (espoir) par « joke » (farce). Une intervention signée du jeune artiste de 25 ans Nazeer. Plus de 120 fresques et installations sont à découvrir jusqu’au 1er novembre le long d’un parcours sillonnant les bâtiments, mais aussi les espaces extérieurs de la Völklinger Hütte, plusieurs artistes ayant réalisé leurs œuvres sur place.
La mondialisation version ZKMA l’occasion du 300e anniversaire de la ville de Karlsruhe, le centre d’art ZKM – institution clé dans le paysage européen des arts numériques et des nouveaux médias – a inauguré en juin dernier une manifestation qui se déploie dans ses espaces, mais aussi hors les murs, durant très exactement 300 jours ! Thème fédérateur de l’événement : une réflexion autour du phénomène de la mondialisation qui, allié au développement de la numérisation, conditionne notre quotidien comme notre futur. Une multitude de propositions sont au programme de cet événement au long cours, parmi lesquelles La star, c’est la ville, dans le cadre de laquelle des installations et des performances sont présentées jusqu’à fin septembre à travers Karlsruhe avec la volonté d’interagir avec les nombreux chantiers relatifs aux grands projets urbanistiques de transport lancés par la ville. Au ZKM, un étonnant nuage artificiel (Cloudscapes) est notamment à découvrir, jusqu’au 27 septembre, déposé là par l’architecte Tetsuo Kondo – avec le concours de la société Transsolar Energietechnik GmbH de Stuttgart ; fruit d’une savante alliance entre ingénierie climatique et science architecturale, il invite tout autant à imaginer comment l’homme pourrait demain influencer les phénomènes naturels qu’à se rappeler son rôle actuel, plus que jamais néfaste, sur son environnement.
Plongée dans l’univers de Lynn Hershman Leeson
La relation entretenue par l’homme avec la technologie, l’identité, la surveillance, l’utilisation des médias comme outil de lutte contre la censure et la répression politique sont quelques-uns des thèmes phares explorés depuis plus de quarante ans par Lynn Hershman Leeson. Née en 1941, l’artiste et réalisatrice américaine s’appuie tour à tour sur la photographie, la vidéo, le cinéma, la performance, l’installation et les arts médiatiques interactifs. Autant de modes d’expression dont l’exposition Civic Radar se fait le témoin, offrant un large aperçu de son parcours, depuis ses œuvres précoces, pour certaines présentées pour la première fois, jusqu’à ses créations les plus récentes, qui intègrent notamment des éléments de robotique et des savoirs pointus en termes de génétique et de biotechnologies. A découvrir jusqu’au 11 octobre à la Deichtorhallen – Collection Falckenberg de Hambourg.Né en 1931, Heinz Mack est notamment connu pour avoir fondé, en 1958 avec Otto Piene (disparu en 2014), le groupe allemand ZERO – auquel se joindra Günther Uecker –, qui entendait faire table rase du passé et mener une réflexion esthétique autour de nouveaux moyens d’utiliser la surface de la toile ; le dynamisme du mouvement circulaire, la pureté de la couleur blanche et les infinies variations de la lumière étaient alors au cœur de leurs préoccupations. Jusqu’au 20 septembre, le Musée Frieder Burda de Baden-Baden expose une série de Reliefs de l’artiste allemand, qui témoigne là encore de son exploration du phénomène de la lumière, par le biais de techniques les plus diverses : depuis des petits formats muraux à des photographies de larges espaces dessinés sur le sable du désert – Heinz Mack fut aussi l’un des précurseurs du land art –, l’exposition, conçue en étroite collaboration avec l’intéressé, offre un bel aperçu de sa démarche singulière.
Olafur Eliasson, l’invitation à expérimenter
Olafur Eliasson place le questionnement et l’expérience au cœur de sa démarche. A travers des œuvres où s’entremêlent les notions d’espace, de temporalité, de science et de design, il explore inlassablement la relation nouée entre la nature et la technologie, invitant la première à devenir actrice de ses sculptures. La lumière et ses effets, la couleur et les formes géométriques sont parmi les éléments récurrents de son travail. Avec plus de 40 œuvres, la collection berlinoise Boros peut se targuer d’apporter l’un des plus fervents soutiens au travail de l’artiste danois – d’origine islandaise, il est installé dans la capitale allemande –, qui se traduit aussi par le prêt de pièces et l’organisation d’expositions. C’est dans ce cadre que la Fondation Langen accueille dans son espace de Neuss, près de Düsseldorf, une sélection de photographies et d’installations mises en résonance avec l’architecture minimaliste du lieu – conçue par le Japonais Tadao Ando au début des années 2000 – et offrant au public une approche rétrospective de quelque vingt années de recherches. A « expérimenter » jusqu’au 18 octobre !
Les outils de mémoire de Paulina Olowska
Née en 1976 à Gdansk, la Polonaise Paulina Olowska place au cœur de sa réflexion artistique le passé communiste de son pays, la nostalgie critique qui lui est encore aujourd’hui associée ainsi que la fascination qu’a longtemps exercée la société de consommation occidentale sur ses concitoyens – peu à peu remplacée par la mode et la publicité. Récipiendaire du Aachen Art Prize 2014, elle est cet été l’invitée du Ludwig Forum, jusqu’au 20 septembre à Aix-la-Chapelle, où elle présente Needle/Nadel, un projet conçu spécifiquement pour les lieux, dont elle s’attache à prendre en compte l’histoire – le bâtiment a entre autres abrité jusqu’en 1988 la plus grande usine au monde de parapluies. Elle y explore ainsi les notions de production, qu’elle soit industrielle ou artistique, en s’appuyant sur des techniques les plus diverses : sculpture et peinture cohabitent ainsi avec des matériaux et objets recyclés, des ouvrages d’artisanat, des créations textiles et céramiques.
L’atelier transposé de Michael Beutler à Berlin
En avril dernier, l’artiste allemand Michael Beutler (né en 1976) s’est littéralement installé dans le hall historique du Musée Hamburger Bahnhof, à Berlin, le transformant ni plus ni moins en un vaste atelier de création. Moby Dick est une œuvre « in progress », destinée à évoluer quotidiennement sous les yeux des visiteurs jusqu’à début septembre : l’artiste y élabore notamment des sculptures avec ses assistants ; tout un espace est consacré à la présentation d’esquisses, de fragments de matériaux utilisés et d’extraits vidéo détaillant les techniques abordées. Le tout dans un souci de dialogue avec l’architecture spécifique de l’institution – une ancienne gare – et d’échange avec le public : plusieurs conférences et ateliers, en présence de l’artiste, sont programmés tout au long de la durée de l’exposition. Treize visions du monde à StuttgartGeorg Baselitz, Katharina Fritsch, Katharina Grosse, Ingrid Hartlieb, Anselm Kiefer, A. R. Penck, Neo Rauch, Karin Sander, Pia Stadtbäumer et Rosemarie Trockel ; de différentes générations, tous ces artistes ont néanmoins en commun leur nationalité, allemande, comme leur appartenance à la scène artistique internationale. Jusqu’au 27 septembre, la Staatsgalerie de Stuttgart se propose de mettre en regard leurs œuvres, qui ont rejoint au fil des ans ses collections, avec celles de trois illustres Américains Dan Flavin – disparu en 1996 –, Bruce Nauman et Jeff Koons. Dessins, gravures, peintures, photographies, sculptures, installations, une diversité de pratiques qui se fait l’écho de l’éclectisme de l’ensemble des démarches ici réunies, chacun des treize invités offrant sa vision singulière du monde et de ses habitants.
Deux pour le prix d’un à Cologne
Surprise ! Remis chaque année depuis vingt ans par la Gesellschaft für Moderne Kunst – association de soutien au Musée Ludwig de Cologne – à un artiste contemporain déjà bien établi sur la scène internationale, le Wolfgang Hahn Prize a récompensé cette année deux créateurs au lieu d’un : l’Américaine R. H. Quaytman et l’Allemand Michael Krebber. Née en 1961 et installée à New York, la première a la particularité d’avoir articulé, depuis le début des années 2000, sa démarche comme un livre : composant différents chapitres picturaux relatifs à la forme, au contenu, comme à l’histoire de l’art. Le second vit pour sa part à Cologne, où il a vu le jour en 1954 ; il propose une approche conceptuelle de la peinture, questionne ses origines, explore les frontières du tableau, la tension représentation/abstraction. Deux pratiques picturales à appréhender jusqu’au 30 août.
Blickachsen, dixième !
Initiée en 1997 dans le but de présenter les œuvres d’artistes de renommée internationale comme de promouvoir de jeunes talents, la biennale de sculpture Blickachsen tient sa dixième édition – conçue en collaboration avec le Middelheim Museum d’Anvers, en Belgique – jusqu’au 4 octobre dans les parcs historiques des thermes et du château de Bad Homburg, près de Francfort, mais aussi, pour la première fois, dans plusieurs autres espaces en plein air répartis dans les environs de la grande ville de Hesse. « L’une des particularités de Blickachsen est l’importance donnée à l’interaction entre l’art et la nature, insiste Christian K. Scheffel, fondateur et commissaire de la manifestation. Les sculptures sont toutes en accès libre, disséminées dans l’espace public. Cela permet à la fois d’atteindre un nombre bien plus large de visiteurs qu’un musée, mais aussi d’établir, par la variété des emplacements choisis, un dialogue des plus fascinants entre les œuvres et leur environnement immédiat, qu’il soit naturel ou architectural. » Wim Delvoye, David Nash, Joana Vasconcelos, Bernar Venet et Erwin Wurm sont quelques-uns des 33 invités de cette édition anniversaire. Un prix réservé à la jeune création – Best Young Artist Award – doit être décerné en septembre. Pour l’anecdote, ce sont deux Français qui ont remporté ceux de 2013 et de 2011 : Camille Henrot et Vincent Olinet. En lice cette année, citons les Belges Filip Gilissen et Gerard Herman, ainsi que l’Allemande Kati Heck, respectivement nés en 1980, 1989 et 1979.
Retrouvez cet article et quelque 300 événements estivaux d’art contemporain, sélectionnés par notre rédaction en France et en Europe, dans le numéro spécial Eté 2015 de l’e-magazine pour tablettes numériques ArtsHebdo|Médias. Téléchargez à cet effet gratuitement notre application sur l’Appstore ou sur Google Play.