Plus de quinze mille kilomètres séparent la banquise arctique du bush australien. Deux mondes que tout sépare ; la glace et le feu. Et pourtant ! Inuit d’un côté et aborigènes de l’autre, qu’il s’agisse de leur rapport à la nature ou des relations développées et entretenues avec l’homme blanc, ces peuples partagent une vision du monde et de l’existence riche d’enseignements. Ils la dévoilent notamment à travers leurs peintures et sculptures, mais aussi, depuis quelques dizaines d’années, au moyen d’autres médias telles la photographie, la vidéo ou l’installation. C’est en tout cas ce que s’applique à révéler la très belle exposition présentée à l’abbaye de Daoulas, en Bretagne, en offrant un regard et une lecture croisés de l’art à la fois ancestral et ancré dans notre univers contemporain auquel s’adonnent ces deux communautés.
Les populations inuit et aborigènes font preuve en effet d’une même connivence avec leur environnement naturel, ainsi que d’un goût pour les légendes et la mythologie des origines. Surtout, elles ont été confrontées à des expériences similaires depuis leur entrée en contact avec les Occidentaux qui, souvent, ont suscité un sursaut identitaire. Pour ces deux peuples, l’art est venu accompagner une affirmation de soi devenue nécessaire pour survivre sur leur propre territoire comme pour aller chercher une reconnaissance à l’extérieur de leurs frontières.
De la même manière que nous sont devenues familières les sculptures inuit en os de baleine, les références à l’ours, au phoque ou à l’oiseau, nous avons appris à déchiffrer le pointillisme propre à la peinture aborigène, à comprendre son langage poétique et symbolique, véritable hymne à la nature. Mais si l’exposition rappelle les spécificités et traditions de chacune de ces deux cultures, elle met également en lumière l’évolution relativement récente des formes prises par leur expression artistique. Un processus qui vient témoigner de la grande vitalité et de la lucidité affichées par la jeune génération. « J’ai compris que pour survivre, mon identité et ma culture ne pouvaient demeurer figées », explique ainsi Erica Lord, 32 ans, qui s’appuie sur les techniques du multimédia pour exprimer le fait que le temps est venu, pour les autochtones, en l’occurrence les Inuit, de se définir eux-mêmes et de contrôler leur représentation. « Mon travail est directement lié à ma terre, à mon pays et à mes ancêtres, estime pour sa part Daniel Walbidi, artiste aborigène âgé de 26 ans, c’est ce qui fait ce que je suis aujourd’hui et c’est ce que je sais peindre. »
Plus de 160 œuvres sont pour l’occasion réunies. Elles proviennent des collections du musée des Confluences de Lyon et d’autres collections publiques et privées et développent un dialogue aussi fascinant que passionnant.