De la Finlande au Portugal – Des apparences trompeuses

De la première biennale d’art urbain accueillie dans une ancienne usine sidérurgique allemande aux travaux de l’architecte Lion d’or de Venise Akihisa Hirata, présentés en Belgique, en passant par une éloquente rétrospective de quarante années de création de l’Américaine Cindy Sherman, à découvrir à Oslo, l’Europe fourmille de propositions estivales « art contemporain ». Nous avons décidé de mettre l’accent sur quelques expositions pointues, mais suffisamment diverses pour que vous ayez le choix. Bonne balade !La terre en émoi à Genève

Le Musée Ariana est installé dans un palais du XIXe siècle, habité par 23 000 œuvres et objets datant du Moyen Age à nos jours, qui côtoient cet été les créations de huit artistes de la scène de la céramique contemporaine française. Unis par une vision commune nourrie de terroir, d’Orient et de terres africaines, ceux-ci inventent un nouveau langage, utilisant la plasticité du matériau pour sculpter le vide. A découvrir, les œuvres de Claude Champy, Bernard Dejonghe, Philippe Godderidge, Jacqueline Lerat – figure tutélaire du groupe, décédée en 2009 –, Michel Muraour, Setsuko Nagasawa, Daniel Pontoreau et Camille Virot.

Jusqu’au 8 septembre.

Les cruelles vérités de Cindy Sherman

Prenant comme point de départ la représentation féminine en photographie, son médium de prédilection, Cindy Sherman décline une série de clichés qui sont autant de reflets des multiples facettes de la condition humaine. A la fois drôles et cruels, repoussants et trompeurs, ils renvoient à notre propre appréhension du monde tout en ouvrant la porte à de nouvelles interprétations de la banalité du quotidien. Comme toujours, l’artiste américaine utilise sa propre image comme modèle, continuant inlassablement d’interroger la notion d’identité, questionnement qui constitue le cœur de sa démarche. Elle apparaît tour à tour « en » star de cinéma, pin-up ou monstres semblant sortir d’un monde fantastique, grignotant peu à peu ce qui subsiste d’humanité dans le décor comme dans le personnage. Présentée au Musée Astrup Fearnley d’Oslo, l’exposition offre un bel éclairage sur près de quarante années d’une trajectoire exceptionnelle.

Jusqu’au 22 septembre.

Deux étoiles au Grand Hornu

Passionné par la mise au point de solutions géométriques simples et élégantes, s’inspirant des millions d’années d’expérience de la nature, le Japonais Akihisa Hirata – Lion d’or de la Biennale d’architecture de Venise en 2012 – conçoit sa discipline et l’écologie comme indissociables et intiment liées, tant dans la forme que dans la fonction. Avec humour, ironie, voire parfois une sorte de violence, Stefan Sagmeister a fait de la critique un des principaux modes opératoires de son métier de graphiste. Ses propositions décalées, où performance et installation jouent les premiers rôles, témoignent de l’effacement progressif – chez lui radical – de la frontière séparant art et design. Les deux créateurs font chacun l’objet d’une exposition personnelle, pour la première fois en Belgique, au Grand Hornu Images, près de Mons. Akihisa Hirata y présente Tangling, une installation se déroulant à la manière d’une boucle aux multiples circonvolutions et servant de cimaise à des centaines de croquis, une interview de l’architecte, un paysage sonore et des films spécifiquement conçus pour l’occasion. Stefan Sagmeister offre au regard une série de travaux décortiquant les contraintes que la société de consommation impose à son travail, comme autant de mises en scène singulières du langage qu’il compose. A savourer sans modération.

Jusqu’au 18 août.

Ludo, photo Hans-Georg Merkel / Courtesy Weltkulturerbe Völklinger Hütte
Pop Corn, Ludo, 2012
Joana Vasconcelos, Unidade Infinita Projectos
Full Steam Ahead (Red #1), Joana Vasconcelos, 2012
Helsinki fait fi de l’innocence

Le Kiasma, Musée d’art contemporain d’Helsinki, consacre une exposition aux œuvres de Jouko Lehtola, acquises ces dernières années par l’institution. Après s’être fait connaître, dans les années 1990, pour son regard sur le monde de la musique rock, ses stars et son public, le photographe a peu à peu développé un travail critique, voire sombre, sur les dérives de nos sociétés : squats portant les traces d’overdoses, objets acteurs de la violence domestique, accidents de voitures, signes extérieurs de misère et d’exclusion chez les jeunes… sont autant d’images illustrant cette autre facette de sa démarche, profondément ancrée dans sa propre expérience. S’il s’intéresse également de près à ses contemporains, Dan Perjovschi traduit, pour sa part, ses observations par le biais du dessin. L’artiste roumain habille ici une salle entière de ses croquis à la fois critiques, sans complexes et plein d’humour, offrant de nouvelles pistes de compréhension du monde.

Jusqu’au 18 août.

Jouko Lehtola / Courtesy Finnish National Gallery / Central Art Archives / Petri Virtanen
A Dog on Red Background (série Dogs), Jouko Lehtola, 2004
Biennale d’art urbain à Sarrebrück

Après avoir rejoint en 1994 l’illustre liste du patrimoine mondial de l’Unesco, l’ancienne usine sidérurgique de Völklinger, près de Sarrebrück, a été reconvertie en Centre européen d’art et de culture industrielle. Depuis une petite quinzaine d’années, l’immense Völklinger Hütte accueille des centaines de milliers de visiteurs par an autour d’expositions et manifestations variées. L’institution inaugure en 2013 une Biennale d’art urbain. Une quarantaine d’artistes – dont Cope2, JonOne, Invader, Jef Aérosol et Speedy Graphito – sont venus accrocher aux cimaises de béton leurs toiles, au côté de plusieurs sculptures et installations. « C’est un lieu qui me rappelle l’environnement urbain dans lequel tout a commencé pour les graffeurs, près des voies ferrées, etc. Pour moi, c’est impeccable ici ! », confiait Reso, artiste franco-allemand originaire de la région, en avril dernier à la radio publique britannique BBC.

Jusqu’au 1er novembre.

Joana Vasconcelos, princesse lisboète

L’artiste portugaise, porte-drapeau de son pays à la 55e Biennale de Venise, prend ses quartiers d’été au Palacio da Ajuda, ancienne résidence de la famille royale à Lisbonne. On y retrouve Marilyn, paire d’escarpins géants, tout en casseroles scintillantes, présent lors du passage de la jeune femme à Versailles l’an dernier, tout comme Cœur rouge indépendant, savant et somptueux enchevêtrement… de couverts en plastique rouge ! Onze nouvelles œuvres sont également présentées, qui font la part belle aux techniques artisanales portugaises – sur lesquelles s’appuie l’artiste depuis ses débuts –, notamment celles de la faïence et du crochet. Parmi elles, Maria Pia, une reine des abeilles bleue, occupe avec majesté la chambre à coucher de l’ancienne souveraine. La prise en compte de l’espace d’exposition est pour Joana Vasconcelos essentielle, indispensable au dialogue qu’elle entretient depuis près de 20 ans entre modernité et tradition.

Jusqu’au 25 août.

Cindy Sherman, courtesy Metro Pictures New York
Sans titre #470, Cindy Sherman, 2008

(Avec Samantha Deman)Retrouvez cet article et quelque 300 événements estivaux d’art contemporain, sélectionnés par notre rédaction en France et en Europe, dans le numéro spécial Eté 2013 de l’e-magazine pour tablettes numériques ArtsHebdo|Médias. Téléchargez à cet effet gratuitement notre application sur l’Appstore ou sur Google Play.

GALERIE

Contact
Musée Kiasma, Mannerheiminaukio 2, 00100 Helsinki, Finlande.
Tél. : +358 (0)9 17 33 65 01 www.kiasma.fi.

Crédits photos
Good © Stefan Sagmeister,A Dog on Red Background (série Dogs) © Jouko Lehtola / Courtesy Finnish National Gallery / Central Art Archives / Petri Virtanen,Pop Corn © Ludo, photo Hans-Georg Merkel / Courtesy Weltkulturerbe Völklinger Hütte,La Cabane © Speedy Graphito, photo Hans-Georg Merkel / Courtesy Weltkulturerbe Völklinger Hütte,Untitled #150 © Cindy Sherman, courtesy Metro Pictures New York,Sans titre #470 © Cindy Sherman, courtesy Metro Pictures New York,Full Steam Ahead (Red #1) © Joana Vasconcelos, Unidade Infinita Projectos