Passionnée d’architecture et de photographie, Marion Hislen est la présidente de l’association Fetart, qu’elle a créée en 2005 dans le but de promouvoir les jeunes photographes et de favoriser leur insertion dans le monde professionnel à l’échelle européenne. C’est dans le même esprit qu’elle initie, il y a quatre ans, le festival Circulation(s), qui se tient actuellement au Centquatre, à Paris. Rencontre.
ArtsHebdo|Médias. – Jusqu’à présent, le festival Circulation(s) se déroulait dans les jardins de Bagatelle, dans le bois de Boulogne, à Paris. Pourquoi avoir décidé d’investir le Centquatre ?
Marion Hislen. – Le parc était certes un bel endroit, mais très excentré et difficile d’accès en transports en commun. De ce fait, le lieu nous coupait d’une partie de notre public. Le Centquatre correspond beaucoup plus à notre état d’esprit en terme de gratuité, de diversité et de pratiques spontanées. Il nous rapproche par ailleurs du XXe arrondissement, où se situe le siège de notre association, Fetart.
Voilà quatre ans que Circulation(s) existe. Comment est-il perçu par le public et le milieu professionnel ?
Nous sommes reconnus, tant par le public que par les professionnels de la photographie. Pour autant, nous ne faisons pas partie du sérail, ce qui nous confère un statut atypique et à part. Nous ne sommes ni un lieu, ni une institution, ni nés d’une institution, et bénéficions de ce fait d’une liberté énorme. Nous n’avons pas non plus vocation à suivre un certain esthétisme ; du coup, contrairement à une galerie ou un musée, nous pouvons nous permettre de montrer des œuvres qui ne passeraient au travers d’aucun jury. Le travail de Marina Poliakova, par exemple, qui met en scène des hommes nus dans la nature pour évoquer la domination masculine en Ukraine (Bridegrooms ?), a suscité de nombreux débats et aurait difficilement trouvé une place ailleurs, notamment à cause de son esthétique particulière, très kitsch. Mais, peut-être est-ce justement le rôle des festivals que de s’engager sur des voies où les marchands ne peuvent pas aller.
L’accès au Centquatre, un partenariat avec la RATP, tout semble sourire à Circulation(s) cette année ?
Il est vrai qu’en regardant autour de nous, on pourrait croire que tout se passe bien. Et pourtant, cette année fut la plus difficile en termes pécuniaires. Nous avons fonctionné avec un budget de 40 000 euros et perdu trois financiers. En cause la crise, bien sûr, mais également le fait que les entreprises françaises ne possèdent que très peu la culture du mécénat. L’Etat ne nous aide pas non plus. Nous comprenons que les caisses soient vides, mais il ne s’agit pas que d’argent ; nous en sommes d’ailleurs la preuve vivante. Il s’agit aussi de moyens humains et matériels. Il pourrait au moins prêter des cimaises, des câbles, un peu d’éclairage… Et puis mettre en place des boîtes à outils, organiser des rencontres entre des lieux et des commissaires, créer des liens ! Observez-vous des tendances parmi les candidatures que vous recevez ?
A chaque édition, sa tendance : il y a trois ans, tous les photographes allaient se perdre dans la forêt et en ramenaient des clichés. L’an dernier la mode était à l’introspection, à la recherche des racines, la quête d’identité. Cette année, les travaux que nous avons reçus se sont révélés plus combattifs, militants, souvent teintés d’ironie et glissant vers le social. De notre côté, nous avons fait très attention à ne pas présenter de sujets trop moroses, évoquant des questions existentielles. Celles-ci se trouvent forcément au centre du travail des jeunes photographes qui ont du mal à s’en sortir. C’est déjà difficile pour ceux qui sont installés, alors pour eux… En outre, nous recevons de nombreuses candidatures des pays de l’Est, comme la Pologne, mais très peu de Grande-Bretagne ou d’Espagne où il y a visiblement un problème de réseautage.
Quels sont vos coups de cœur ?
Mes préférences vont vers la photographie plasticienne : j’aime beaucoup le travail du Polonais Przemek Dzienis, I can’t speak, I’m sorry ; je suis fan du collectif danois Put Put et de sa série Assembly. J’ai également un faible pour l’univers fantastique du Français Thomas Rousset (Prabérians).
Des projets pour l’an prochain ?
Notre rêve serait de pouvoir nous salarier, au moins à mi-temps, car nous sommes encore toutes bénévoles, nous travaillons et utilisons notre temps libre pour nous occuper de Fetart et du festival, ce qui demande un temps considérable ! Pour être honnête, à l’heure d’aujourd’hui, nous n’avons pas réuni les moyens pour financer Circulation(s) 2015… Mais nous y arriverons, nous nous débrouillerons !