Deux festivals, trois foires et d’innombrables expositions, rencontres et conférences : en ce mois de novembre, Paris est toute entière dédiée à la photographie. Parmi les incontournables, la prestigieuse foire annuelle Paris Photo se tient, jusqu’à dimanche soir, au Grand Palais. S’y côtoient les grands noms de la discipline comme les jeunes talents les plus prometteurs.
Heureux, les amoureux des beaux clichés, qui, avec un peu de sous en poche – de quelques centaines d’euros jusqu’à plusieurs dizaines de milliers – s’engagent dans le dédale des allées de Paris Photo ! Pour cette seizième édition, installée depuis l’an dernier sous la verrière du Grand Palais, 128 galeries du monde entier – soit 37 de plus qu’en 2011 – sont venues présenter près de 1000 artistes dans leurs espaces éphémères.
De quoi trouver son bonheur, certes, mais attention : de même que l’amateur de photo documentaire s’y retrouvera davantage que celui d’art contemporain, les fans d’auteurs « classiques » feront une meilleure pêche que les découvreurs de talents émergents. Un sentiment accentué par la possibilité de suivre un parcours retraçant « L’histoire de la photographie du XIXe siècle à nos jours » : une initiative de la foire, qui se veut aussi une exposition. Hôtesse des manifestations les plus prestigieuses depuis plus de 100 ans, la nef abrite ainsi pour l’occasion quelques grands noms entrés dans l’histoire de la discipline, tels que Nadar, Kertesz, Doisneau ou encore Mann Ray, mais aussi des dizaines d’artistes contemporains d’envergure parmi lesquels Paul Graham, Gerhard Richter, Michael Wolf ou Georges Rousse. « Les classiques sont les œuvres qui se vendent le mieux et sont les plus regardées, explique une galeriste berlinoise. Parfois, un grand nom permet d’attirer le public vers nos cimaises, où il découvrira également un jeune artiste moins connu. »
La percée des Chinois et des pays nordiques
De fait, hors des sentiers battus, d’autres belles images se font jour. Comme les intéressantes propositions de jeunes artistes chinois et celles venues de Scandinavie ou des anciens pays du bloc de l’Est. A noter également, l’exposition très réussie des Jeunes Talents SFR, qui instille une bouffée de fraîcheur à l’événement. Mais, si les retrouvailles avec des trésors bien connus de la photographie restent agréables, on est surpris, presque dérangé, de les voir exposés aux côtés d’œuvres beaucoup plus modernes et bien éloignées des préoccupations des courants classiques. Une curiosité chromique et chronologique, qui vient rappeler que Paris Photo demeure avant tout une foire ; laquelle, cette année, joue la carte de la sécurité. Et entame un nouveau tournant dans son histoire, puisqu’elle s’exportera pour la première fois, fin avril 2013, à Los Angeles.
Quelques coups de cœurLa galerie Magda Danysz (Paris et Shanghai) a décidé de mettre en valeur les clichés de deux jeunes artistes chinois : Feng Fangyu et Wang Tong. Le premier nous emmène dans des paysages insulaires, humides et brumeux, où se tiennent immobiles, comme pétrifiés, des personnages à têtes d’animaux. De ces immenses tirages en noir et blanc se dégage une atmosphère onirique à la fois fantaisiste et très zen. Son compatriote Wang Tong a choisi, quant à lui, de se mettre en scène dans divers lieux de Shanghai où ont été prises des photos de Mao. L’occasion d’apprécier, ou pas, les transformations de la cité.
Les clichés de Feng Fangyu sont vendus entre 2 800 et 3 200 euros. Ceux de Wang Tong sont proposés à partir de 4 800 euros, selon le format.
La galerie M+B (Los Angeles) présente la jeune artiste Alex Prager, une Américaine de 33 ans dont la photographie grand format 3:56 am Milwood Avenue plonge le spectateur au cœur d’une grande étendue d’eau sombre dans laquelle s’enfonce une maison. Il émane de cette scène singulière, qui se déroule par une nuit noire, une quiétude déroutante. Un autre cliché, plus petit et placé à son côté, Eye#1 (Flood), nous montre un œil en gros plan que l’on imagine assistant au drame. Suscitant tour à tour amusement et inquiétude, cet extrait de la série Compulsion interpelle notre façon d’appréhender le réel.
Les deux photographies ont été vendue chacune 16 500 euros.
L’œuvre a été vendue pour 10 000 euros.
La Robert Koch gallery (San Francisco) a choisi de mettre en avant le photographe hongrois Tamas Dezso, qui nous emmène dans les paysages enneigés, et à l’ambiance feutrée, de Roumanie. Coup de cœur pour le cliché Dump et le très beau contraste révélé par un magnifique vol de mouettes, se déployant dans un ciel limpide, juste au-dessus d’un dépôt d’ordures. A 34 ans, ce jeune artiste a déjà reçu un prix au célèbre concours World Press Photo.
Dump est vendu 7 500 euros.
Environ 14 000 euros le cliché.