Sous le signe de la narration, la 12e édition de la Biennale de Lyon, inaugurée le 12 septembre dernier, accueille 77 artistes venus du monde entier. Ils ont en commun d’expérimenter et de renouveler à travers leurs œuvres les modalités et les mécanismes du récit dans le champ des arts visuels.
Pour témoigner de l’état de l’art actuel, Gunnar B. Kvaran, directeur du Musée Astrup Fearnley à Oslo et commissaire d’exposition de la biennale, a choisi d’octroyer une large place à une jeune génération d’artistes aux cotés d’autres plus chevronnés comme Érro, Yoko Ono, Matthew Barney, Fabrice Hyber ou encore Tom Sachs. Répartie sur cinq lieux d’expositions – La Sucrière, le Musée d’art contemporain, la Fondation Bullukian, la Chaufferie de l’Antiquaille et l’église Saint-Just –, avec comme événement central l’exposition internationale Entre-temps… Brusquement, Et ensuite présentée à La Sucrière, la Biennale de Lyon se déploie dans la ville à travers plus de 200 projets et manifestations portés par des artistes et des galeries d’art*.
La multiplicité des propositions plastiques, des matériaux, des techniques et technologies utilisés, nous dévoile une jeune génération d’artistes en phase avec la complexité du monde d’aujourd’hui. Chacun d’eux donne à voir des « œuvres-récits », riches ou complexes, parfois impudiques et violentes mais toujours parées de poésie. Si quelques jours ne suffisent pas à découvrir l’ensemble des richesses de cette foisonnante biennale, notons l’imposante et prolifique installation de Fabrice Hyber. Trônant au centre d’une grande salle, elle s’interdit au regard du visiteur qui, pour y accéder, doit franchir une palissade de bois : l’installation dévoile un univers onirique composé d’éléments constitutifs de l’œuvre de l’artiste, « les ingrédients de mes rêves et de mes désirs », souligne Fabrice Hyber.* Voir les guides édités par la Biennale Résonance et Veduta.


Non loin de là, l’installation de Tavares Strachan, composée de sculptures et de dessins, raconte l’histoire oubliée de la première femme cosmonaute américaine, Sally Ride, qui n’eut pas droit au statut d’héroïne eu égard à son homosexualité et sa personnalité fantasque. Sur un écran géant défilent les images d’un film d’animation de Ian Cheng. L’écriture du scénario, confié à un logiciel, propose un récit sans fin dont chaque élément s’agence au gré d’algorithmes évolutifs. Se dessinent alors des univers chaotiques, dont la poésie réside dans l’imprévu et le graphisme subtil de l’artiste.

Au second étage de La Sucrière c’est toute la poésie des peuples du Grand Nord qui s’affiche avec l’œuvre de Gabríela Friðriksdóttir. Ici, l’artiste a créé un environnement mélancolique dont les éléments soigneusement agencés – vidéo, sculpture, dessin, texte ou peinture – composent des cosmologies fictives inspirées du folklore islandais et des grandes mythologies nordiques.


Au Musée d’art contemporain, Dineo Seshee Bopape présente une œuvre intitulée But that is not the important part of the story, une installation dont elle rappelle qu’elle a d’abord été présentée sous la forme d’une performance en Afrique du Sud, son pays d’origine. Au croisement d’un geste artistique brutal et d’une poésie immatérielle, l’artiste aborde les questions raciales comme celle du genre, évoquant tour à tour dans ses pièces la politique, la psychologie ou la sexualité.

Plus loin, soulevant un rideau, le visiteur pénètre dans une salle jonchée de vêtements au sol qui semblent vouloir lui barrer le passage ; hésitant, ce dernier traverse un fatras d’objets, de sculptures, de peintures au milieu desquels l’artiste australien Bjarne Melgaarda disposé plusieurs mises en scène présentées sous forme d’écorchés de maison de poupées : un petit air enfantin de prime abord, si ce n’est le sujet et le lieu évoqué, celui du club SM (sado-maso) le plus prisé d’Anvers, en Belgique.

Comment l’esprit peut-il perdre la mémoire ? Les œuvres récentes d’Hiraki Sawa s’inspirent de l’histoire d’un de ses amis qui, ayant subitement perdu la mémoire, doit réinventer sa vie. L’esthétique poétique repose ici sur la qualité de l’image et sa lenteur, sur des incrustations discrètes, sur des jeux d’échos et d’échelle. L’artiste interroge les structures cognitives de la mémoire.
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De son côté, la Fondation Bullukian présente une série de photographies de l’artiste américain Roe Ethridge, qui est l’auteur de la campagne visuelle de la Biennale de Lyon. Elle abrite également dans ses jardins une installation interactive via twitter de Yoko Ono (#onosummerdream). L’artiste encourage le visiteur à écrire ses rêves d’été, des textes courts qui seront diffusés tout au long de la biennale sur un panneau d’affichage lumineux.
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Ne manquez pas de vous rendre à l’église Saint-Just pour découvrir Barbie Slave Ship de Tom Sachs, une histoire de l’esclavage au XVIIIe siècle astucieusement mis au goût du jour grâce à des poupées Barbie. Une critique envers les trompeuses utopies du modernisme et les fables de la société de consommation. Au Plateau, à l’Hôtel de Région, une exposition inédite regroupe divers travaux de l’artiste Laurent Mulot, Les fantômes de la liberté. Une déambulation ludique où se croisent l’art et la science, le conte et le territoire. Laurent Mulot est représenté par la galerie lyonnaise Françoise Besson.
