Nichée au cœur d’une cité qui fut au cours des siècles observatrice autant qu’actrice de quelques-unes des mutations majeures de nos sociétés occidentales, la Villa Médicis présente actuellement à Rome cinq expositions monographiques qui témoignent d’un monde en devenir, à la fois multiple et de plus en plus complexe. Témoins privilégiés des mouvements migratoires et des métissages culturels, économiques et politiques, les artistes invités se trouvent au cœur des débats et des conflits qui interpellent nos sociétés. Chacun s’interroge sur les fluctuations et les incertitudes qui taraudent notre monde, et particulièrement l’Europe. L’un est d’origine algérienne, un autre est né en Albanie, qui aux Etats-Unis ou en France. Ni contempteurs ni encenseurs, tous s’appuient sur l’intimité et la spécificité de leur propre expérience d’homme et de femme confrontés à la globalisation et ayant fait le choix de s’en nourrir plutôt que de s’en défier. Du passé, il ne saurait être question de faire table rase, bien au contraire, mais celui-ci ne constitue qu’une partie des éléments et des variables qui contribuent à façonner une personnalité, construire une identité.
Né à Constantine et installé à Paris, le plasticien Adel Abdessemed, qui présente ici une sculpture et deux vidéos, aime à apparenter ses œuvres à des actes clairs, francs et immédiats, plutôt qu’à des images. S’appuyant également sur la photographie, le dessin et la performance, il explore les limites sociales, culturelles et politiques spécifiques aux sociétés occidentales et musulmanes. La globalisation comme source de pression et de discorde est un autre des axes de sa réflexion.
L’exposition des œuvres de Stephen Dean vient pour sa part clore un séjour d’un an passé par l’artiste à la Villa Médicis. Peintre et vidéaste d’origine franco-américaine, il se plaît à remonter le fil de l’histoire de la peinture, pour y puiser inspiration et en nourrir son imagination. Parmi ses travaux : une série de vidéos met en scène des mouvements de foules, filmés au moyen d’une caméra thermique, qui nous entraîne dans un jeu de couleurs vives et pures où s’efface toute frontière entre figuration et abstraction.
Ellen Gallagher partage quant à elle son existence entre son Amérique natale et les Pays-Bas. Deux tableaux et une installation vidéo (dernier fruit d’une collaboration régulière avec Edgar Cleijne) nous invitent à pénétrer l’univers muable et mutable qu’elle a développé au fil des ans. La distinction entre réel et imaginaire importe peu, serait même superfétatoire, car l’un et l’autre sont devenus si intimement liés au gré des découpages, collages et juxtapositions opérés, qu’il devient futile de tenter de les différencier.
Originaire d’Albanie, Adrian Paci s’est établi en Italie voici une dizaine d’années. Maniant aussi bien le pinceau que la caméra, l’appareil photo ou l’art de l’installation, c’est avant tout à travers l’expérience de l’exil qu’il approfondit les thèmes de la migration, de la globalisation et des bouleversements ou des traumatismes qu’ils engendrent, notamment lorsque l’on se retrouve coupé à jamais de son pays d’origine.
La peinture est son langage, mais l’art pictural du Français Djamel Tatah s’inspire également de la photographie et du cinéma, du dessin et de l’histoire de l’art. L’exposition couvre plusieurs années d’exploration et de recherches sur les figures, celles de ses proches, de ses contemporains, habitants silencieux de ses toiles imposantes, au décor minimaliste. Rendus quasi immatériels, ses personnages sont comme des traces, les fils d’une trame aux tonalités à la fois familières et insaisissables.
Collectif, car porteur de démarches similaires, l’événement romain n’en réussit pas moins à préserver l’originalité et l’individualité de chacun des artistes, rendant ainsi l’expérience aussi dense que généreuse pour le public.
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