Georg Baselitz – L’humanité trahie

L’Hôtel des Arts de Toulon consacre une exposition aux dix dernières années de création du maître allemand.

Georg Baselitz
Der Hirte, Remix (Le berger), Georg Baselitz, 2008.

« Ce à quoi je ne pourrai jamais échapper, c’est à l’Allemagne et le fait que je suis Allemand », observait Georg Baselitz il y a quelque temps. Ce constat, l’homme l’a mis à profit pour y puiser son inspiration, la mettre au cœur de son œuvre. Né en 1938 dans ce qui deviendra la République démocratique allemande, il entreprend des études artistiques à Berlin-Est ; expulsé après deux semestres pour « immaturité sociopolitique » il les poursuit côté ouest. Il découvre alors une société sans doute plus libre et ouverte d’esprit mais traumatisée, écrasée par le poids de la culpabilité depuis la défaite. Pas question pour lui d’entrer, comme cette « génération passive » à laquelle il appartient, dans le jeu de l’amnésie collective dominante qui se traduit notamment par le développement de la peinture abstraite. Il préfère engager le débat, aussi douloureux soit-il, avec son histoire et celle de son pays. Refusant tout au long de sa carrière de se plier aux convenances sociétales ou d’être affilié aux différents mouvements artistiques du moment, Georg Baselitz s’engage dans une peinture insoumise, provocatrice, voire outrancière – il peint ses personnages à l’envers, plusieurs toiles de sa toute première exposition à Berlin seront saisies par la justice pour « outrage public aux bonnes mœurs » –, mais également innovatrice, audacieuse et puissante. Son travail subversif, de sape, se confronte à la misère des corps ; immense cri face à la mort, sombre exorcisme de corps rapiécés, suspendus tête en bas à la manière du Bœuf écorché de Soutine découvert dans les années 1960. Qu’il sculpte ou grave, le peintre reste ancré dans la figuration, hanté par la représentation improbable du réel, car le monde, aussi tourmenté et désordonné soit-il, doit être illustré, assumé et dénoncé, sinon combattu.

Georg Baselitz
Spaziergang (Promenade), gravure, Georg Baselitz, 2004.

L’exposition qui lui est consacrée à Toulon porte sur les dix dernières années de son activité créatrice, marquées par un retour de l’artiste sur son passé. S’inspirant de vieilles photos de famille, de souvenirs d’enfance et d’adolescence, il se lance dans de nouvelles expériences picturales. Ayant jusque-là joué avec l’épaisseur de la matière, assénée à grands coups de pinceau, il s’applique désormais à diluer à l’extrême sa peinture à l’huile. Les couleurs vives et violentes auxquelles il nous a habitués se font plus douces et rejoignent les pastels. Et choisissant de revenir sur quelques-unes de ses œuvres antérieures, il engage avec elles un échange empreint d’espièglerie et les réinterprète comme pour leur offrir une plus juste place dans l’univers de l’art contemporain. Sans rien renier du contexte et des enjeux de leur conception première. Bien au contraire. A l’occasion de son soixante-dixième anniversaire, il y a un an, ne réaffirmait-il pas : « Plus que jamais, la spécificité allemande est le thème de mon œuvre. »

Contact

Jusqu’au 27 septembre Hôtel des Arts de Toulon, 236, bd du Général-Leclerc, 83093, Toulon, France.
Tél. : 04 94 91 69 18 www.hdatoulon.fr.

Crédits photos

Image d’ouverture : Bandit (Remix), Georg Baselitz, 2007 © Georg Baselitz – Spaziergang (Promenade) © Georg Baselitz – Der Hirte, Remix (Le berger) © Georg Baselitz

Retrouvez Georg Baselitz sur le site Gallery Locator.

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