La galerie parisienne Intuiti a ouvert un deuxième espace à Bruxelles. Ses fondateurs, Christophe Gratadou et Stéphane Mortier, souhaitent ainsi explorer de nouveaux horizons et offrir à la trentaine d’artistes qu’ils représentent une visibilité élargie.
La Belgique, réputée éden des collectionneurs, est logiquement devenue celui des galeristes français. Ils sont plusieurs, ces dernières années, à avoir ouvert une extension de leur établissement à Bruxelles. Que ce soit pour lutter contre la morosité de l’Hexagone, rencontrer un public autre ou de nouveaux artistes, profiter du légendaire esprit décalé des gens du pays ou déguster d’excellents beignets de crevettes grises, les marchands parisiens ont depuis longtemps un œil dans la capitale belge et désormais un pied. C’est le cas de la galerie Intuiti, installée dans le Marais depuis 2008, qui vient d’investir un bel espace dans un lieu atypique du quartier de La Bascule, à Bruxelles. Le building Rivoli, initialement prévu pour abriter des commerces, s’est depuis peu transformé en un pôle d’attraction pour les amateurs d’art contemporain. La galerie commerçante n’accueille plus aujourd’hui que des lieux dévolus à l’art, ou presque : un coiffeur « historique » résiste à la poussée artistique ! Un rappel à la fois nostalgique et sympathique des premières années d’activité de l’immeuble. Partout ailleurs, des cimaises ont poussé sous l’impulsion de Francesco Rossi, premier galeriste à s’y être installé et initiateur de l’arrivée de certains autres. Car il ne s’agit pas ici de faire cavalier seul, mais plutôt de cheminer de concert. C’est ainsi que dimanche dernier a eu lieu le premier Rivoli open Sunday. Habituellement fermées ce jour-là, toutes les galeries ont fait une exception afin d’offrir au public la possibilité de profiter du repos dominical pour découvrir l’art de leur temps. Au rez-de-chaussée de la galerie Intuiti, « The Bachelor’s collection », à l’étage « Cherry on the cake ». Ces deux espaces respectivement consacrés aux jeunes artistes et à leurs aînés viennent parfaitement illustrer l’esprit de l’établissement. « Nous avons toujours choisi de mettre en avant, d’une part, des jeunes talents et, d’autre part, des créateurs aguerris dont la reconnaissance de l’œuvre a parfois été occultée par les vicissitudes du monde de l’art et de son marché. Notre démarche à Bruxelles ne pouvait être différente de celle conduite à Paris. Il n’a jamais été question d’ouvrir un deuxième lieu, mais plutôt d’offrir un prolongement au premier. Pendant cinq ans, nous nous sommes consacrés à amplifier la notoriété des artistes que nous représentons, maintenant nous cherchons à augmenter la visibilité de leurs œuvres », précise Christophe Gratadou, cofondateur avec Stéphane Mortier d’Intuiti. C’est dans cette alternance « d’anciens et de modernes » que la galerie a plongé ses racines. Dans une volonté farouche d’ancrer chaque choix dans l’histoire de l’art et de dérouler, malgré la diversité des pièces sélectionnées, un même fil, d’exposition en exposition. Dans l’espace bruxellois, une intense mise en scène affiche l’ADN de la galerie. Tous les artistes qu’elle soutient sont représentés. « Cet accrochage, façon cabinet de curiosités, montre non seulement la richesse des expressions mises en avant par Intuiti, mais aussi la cohérence qui s’installe quand elles sont en présence les unes des autres », précise Rosalie Mortier – fille de Stéphane –, qui dirige l’extension bruxelloise. Parfois un peu déconcertés, les visiteurs se laissent rapidement emporter par l’enthousiasme de la jeune femme, qui ne se lasse pas de commenter les pièces, de présenter les artistes, d’accompagner tout un chacun durant sa visite. Les œuvres ont envahi littéralement l’espace, certaines posées au sol interpellent. « Tout le monde ne comprend pas, poursuit Rosalie Mortier, mais l’important est de créer une proximité, l’envie de s’approcher, de découvrir… » Fidèle à ses principes, Intuiti possède aujourd’hui le don d’ubiquité. Faisant fi des distances, elle envisage de présenter simultanément le même artiste à Paris et à Bruxelles. Projet qui sera peut-être réalisé prochainement avec les photographies de Vincent Peal, images extraites de la série Bruxelles, ville ouverte. Peut-être aussi l’occasion de la sortie d’un nouveau 75 gr. Cette publication, inspirée par les dazibaos chinois – affiche rédigée par qui veut et placardée dans l’espace public –, donne à explorer de façon étonnante l’œuvre d’un unique artiste. Composée d’éléments divers fournis par celui-ci, la simple feuille de papier imprimée recto/verso reflète son univers. Un objet à la fois anecdotique et essentiel, léger et profond. Témoin de l’originalité et de la pertinence de la démarche d’Intuiti.