Philippe Huart – Ce délicat crissement du papier d’emballage

Philippe Huart fait partie de ces artistes provocateurs qui usent de la métaphore, voire de la caricature ou même de la contrefaçon pour nous montrer le monde tel qu’il est, et s’en insurger. A l’instar d’Andy Warhol, l’artiste détourne allègrement les marques et les objets de la vie courante, fustigeant le pouvoir pernicieux de l’image, et les travers de l’homme livré à ses pulsions irrationnelles de consommation qui s’y assujettit. Ici, l’objet de tous les délits est une friandise haute en couleur dont la suavité le dispute à la notoriété et qui distille insidieusement son aimable poison : nous avons nommé le bonbon. « C’est l’objet qui m’intéresse, tant par sa dimension esthétique que par le symbole qu’il représente », précise l’artiste.

Influencé par le pop art et la culture américaine, ce peintre hyperréaliste cerne en cadrages très serrés les sucreries « made in USA » glanées au fil de ses voyages outre-Atlantique. Guimauve, sucettes gélatinées ou réglisses se pressent dans ses toiles comme dans d’immenses bocaux de confiseurs. L’œil ne peut résister au diktat des couleurs « flashy » – jaune citron, rose bonbon (of course !), rouge fraise –, et on en devinerait presque, ultime défense à notre gourmandise, le délicat crissement du papier d’emballage translucide ou moiré rose ou bleu des sucres d’orge. « Une accumulation de confiseries telle que la gloutonnerie peut virer à la nausée. Ce qui m’intéresse, c’est cette force immense qui se dégage alors de la toile… » Pour illustrer cette image d’un monde tout sucre, tout miel, l’artiste a pour habitude d’inscrire au centre de la toile : ici « rainbow », là « sunshine », doux reflets poétiques de nos désirs avoués. Instinctivement, on cherche avec curiosité leur déclinaison dans les autres toiles. En vain. La gourmandise, « star » des sept péchés capitaux, est devenue « overshoot », « dosed » ou « stp » (nom d’une drogue datant des années 1970 signifiant « serenity, tranquility and peace »), termes empruntés aux drogues dures, et s’applique avec ironie aux gélules qui s’immiscent dans nos ordonnances, tout aussi colorées et séduisantes !

Avec cette série intitulée Junk food, Philippe Huart nous envoie un message ambivalent, tonique et décalé. En effet, regroupés en une seule et même famille, sucre, médicaments et drogues provoquent un certain malaise qui souligne l’ambiguïté du propos. « J’essaye de créer le bonbon le plus brillant possible pour offrir un aliment très plaisant…, et fondre de plaisir. Puis, comme le réalisateur David Lynch sait si bien le montrer dans ses films, je cherche à dévoiler l’envers du décor, le double sens de cette vie américaine si lisse, si parfaite… » A éviter tout jugement lapidaire, l’artiste n’en explore pas moins le versant toxique de notre dépendance aux « nourritures » plus ou moins frelatées qui flattent nos papilles jusqu’à la dépendance, ainsi que notre propension à ignorer l’impact des marques sur nos habitudes de consommation. « J’essaie d’aller vers l’abstraction totale des références des produits que je peins ou dessine », concède-t-il. Aussi imagine-t-on très bien ces œuvres dans l’espace public commentées d’un laconique « A consommer sans modération ! »

Courtesy Galerie Olivier Waltman
Sunshine Pop 2010, Philippe Huart, 2010

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Jusqu’au 9 octobre 
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