Il est des mondes fantastiques en art qui font coexister plus que d’autres des vérités non perceptibles. Ceux créés par l’artiste Corentin Grossmann renversent les diktats terrestres, inversent les échelles et empilent les références aux univers animal et végétal. Tout ici s’entremêle et se réinvente sans cesse dans des tableaux au graphite coloré. L’artiste français, récemment installé à Bruxelles, est actuellement l’invité de la galerie Jeanroch Dard, à Paris.
Tranches de saucisson en suspension, roches à l’aspect cotonneux, pommes de terre géantes, champignons bleus, lamas aux poils longs ou poissons terrestres : le monde de Corentin Grossmann s’amuse de la diversité du vivant. Certains grands formats s’apparentent aux représentations de Miyazaki ou de Dürer : à l’aune d’un paradis enchanteur, le chaos s’immisce par les interstices, se colle à la matérialité du monde. Teintées d’exotisme par la présence de palmiers ou d’animaux sauvages, ses œuvres engendrent une profondeur utopique. « Mes parents nous emmenaient, mon frère et moi, à chaque fois que nous étions en vacances, dans le sud de la France. Je crois que ce mouvement pendulaire, du nord vers le sud, aura beaucoup nourri mon imaginaire. Finalement, ces palmiers, signes avant-coureurs de notre arrivée, conservent une dimension magique, confirmée plus tard par leur qualité d’icône mondiale du soleil, qu’ils veillent sur les villas californiennes ou les morts d’Haïti. » Avec une utilisation fantastique des jeux d’échelles, le dessinateur déstabilise notre perception des éléments. Il dérange tout ce qui pourrait permettre d’inscrire l’œuvre dans un contexte précis, que ce soit géographique, historique ou même esthétique. « Cela correspond à un désir de laisser l’œuvre ouverte, en déréglant les hiérarchies mais aussi en permettant de rejouer librement les interactions entre les différents éléments qui composent une scène. J’essaye de faire exister, simultanément, l’immense et l’infiniment petit qui se perçoit à travers le grain de mes dessins, travaillé à l’extrême », précise ce trentenaire lorrain, récemment installé à Bruxelles.
En explorateur qu’il voulait être enfant, Corentin Grossmann s’aventure depuis peu dans le monde de la céramique, telle une mise en volume de ses dessins. Le lama prend la forme d’une sculpture qui pleure – vraiment – des larmes de tristesse, un animal aquatique s’est transformé en peau ondulée, un perroquet n’a gardé que sa tête jaune « flashy ». Autant de mutations qui disent l’introspection vitale de ce dessinateur qui le mène vers un fascinant inconnu.
