L’œil distingue des pans de forêts, entrevoit des marais, soupçonne des grottes, des collines ou de simples escarpements… Et toujours le noir et blanc domine. Ces paysages immobiles et immuables, empreints de mélancolie, de mystère et de mysticisme peuplent les dessins à l’encre, mais aussi les toiles et installations de Yehudit Sasportas. Née en Israël, la jeune femme a vécu une partie de son enfance au Maroc, avant de revenir dans son pays natal, puis de s’installer en Allemagne. Aujourd’hui, elle partage sa vie entre Berlin et Tel Aviv et puise son inspiration à la fois de ses racines, nourries de coutumes ancestrales, mais aussi de la culture, de la philosophie et de la spiritualité occidentales.
Les liens subtils et indéfectibles qu’elle a su tisser entre tradition et modernité, passé révolu et futur incertain, entre éléments fossiles et images numériques, ont permis à l’artiste de développer une œuvre puissante et touchante ; il en émane un étonnant et riche contraste, privilège de son expérience de vie au Proche-Orient et de la relation qu’elle entretient avec l’extrême rationalité de l’Occident. Ainsi sa connaissance des oliveraies d’Israël comme celle des sommets suisses ou de la tradition picturale européenne du paysage, participent-elles, chacune à sa manière, à l’élaboration de son univers particulier, harmonieux et non sans mystère, qui a le pouvoir de nous entraîner bien au-delà des frontières du temps et de l’espace.
Si elle a exposé régulièrement ces dernières années en Europe et aux Etats-Unis, avec une participation remarquée à la 52e Biennale de Venise en 2007, c’est la première fois depuis cinq ans que l’artiste bénéficie d’une exposition personnelle dans son pays d’origine. Deux installations sont actuellement présentées à Tel Aviv. La première, Ghardy Local Voices, met en scène, dans une grande pièce obscure, six écrans vidéo sur lesquels défilent lentement des images, dessinées ou peintes, de forêts, marais et autres paysages, sombres et en noir et blanc. La seconde, Magnetic Hearts, a été réalisée à partir d’un procédé de dessin développé par l’artiste dans son studio berlinois, procédé mêlant le thème classique de la nature morte – elle prend ici pour modèles des plantes marécageuses cueillies dans les environs de Berlin – avec un processus électromagnétique ; les tiges sont munies de minuscules aimants qui induisent du mouvement entre elles, l’animation ainsi générée inspirant directement le tracé de l’œuvre. Yehudit Sasportas participera également, à la fin du mois, à l’édition 2009, à Paris, de la Fiac.