Pierre Weiss | Telstar

« Les premiers mots que Pierre Weiss a prononcés lorsque je suis arrivée à son atelier sont les suivants : “J’ai les réponses, mais as-tu des questions ?”. Ce texte pourrait se terminer ici, dans cet espace indéfini de la parole où tout peut être exprimé, ou rien encore, c’est au choix, puisque les possibles langagiers — ceux de toute parole portée sur une œuvre d’art — s’illimitent en se confrontant à une matière qui résiste, tout comme à l’épaisseur d’un être, ou de toute vie authentique d’artiste. C’est ainsi que je fais connaissance avec des toiles de coton brut écru, tirées sur châssis de bois. Sur chacune d’elles, une ligne de peinture coupe l’espace verticalement. Cette ligne n’est pas de démarcation, départageant deux espaces, mais bien d’un autre ordre ; car le fil de soie brodé qui la recouvre, la suture en une cicatrice gracieuse, fait de ce tissage d’écriture une tentative d’incision ou de blessure. Cette ligne, constituée des milliers de lignes qui l’épaississent, a une histoire : celle des Territoires compressés, que l’artiste travaille à bras le corps, à bras tendu, à bras levé, depuis plus de dix années. Une même image de grille, de cage, de treillage ou de clapier (le sens nous appartient en tant que spectateur) est répétée à l’infini ; et sur elle, l’œil distingue une trace verticale, une ligne ou plusieurs lignes, qui se répètent et jamais ne se croisent. (…) Il y a des œuvres qui se tournent inlassablement vers la dramatisation des faits, et d’autres qui engagent un avenir. Alors, bien sûr que nous pourrions voir ici des prisons, des barres d’immeubles, des portes closes. Mais, sans doute est-il davantage question d’effraction, de ce qui brise et de ce bifurque, de ce qui se libère et fait confiance au Possible. » Léa Bismuth, commissaire de l’exposition. Visuel : Détail d’une œuvre signée Pierre Weiss.