Jacques Migayrou | La Grande Belleza

« La peinture de Migayrou sème le trouble, elle perturbe tant par l’organisation pittoresque de la composition que par la palette. Paradoxalement simples et complexes les compositions se délestent des lois de la perspective et sont réduites à une hiérarchie des plans. Les surfaces sont ordonnées et traitées en aplat, les figures et les formes sont étirées et animées d’une douceur languide. Les proportions parfois exagérées marquent un effet d’étrangeté. La ligne est sinueuse. Les arbres et les motifs architecturaux tels des remparts sont dominants. Les corps sont théâtralisés, mis en scène au moyen de couleurs contrastées et de l’éloquence de la posture. Les sujets féminins sont travaillés sans détails et en torsion musculaire. D’une pâleur minérale ou d’un éblouissement phosphorique, ils sont le point de lumière central de l’oeuvre. Quant aux personnages masculins, le corps est figé, mutilé et décapité, exposé en contrapposto, il incarne l’esprit grec et affirme cette quête de la beauté. (…) La force émotionnelle du langage plastique de Jacques Migayrou ne réside pas uniquement dans le choix des couleurs et de la citation, elle vient également des thématiques abordées. Le paysage tient une place importante et devient le sujet privilégié des oeuvres récentes de l’artiste. Il transcrit sur la toile la sensation des variations colorées, la lumière et le sentiment de l’éphémère. La transcription des effets atmosphériques et des mouvements de la nature apparaissent comme le reflet des émotions. L’artiste accède à une plus grande liberté picturale et émotionnelle. Dès lors, la couleur est un miroir magique qui, si nous savons le flatter, nous révèle nos désirs, nos peurs, nos angoisses, nos pensées cachées, et nous dit des choses essentielles sur le monde, et sur nousmêmes. C’est ainsi que la couleur est à son paroxysme, que la lumière est majesté. Ces deux éléments s’imposent comme des alliés et deviennent une autre réalité : la matière qui assure la réussite de l’oeuvre et rend possible cette approche intime du sensible de l’autre côté de la toile. » Marie-Agnès Charpin, artiste et commissaire d’exposition. Visuel : Forêt (détail), Jacques Migayrou, 2015. Photo Pierre Vallet.