Jacqueline Dauriac

« Il peut être difficile d’appréhender le travail de Jacqueline Dauriac, tant sa subtilité n’a d’égal que le soin avec lequel l’artiste néantise la matière au profit de la seule lumière, de la couleur pure et diffuse, de la sensation enfin d’être quelque part au milieu d’un rêve. C’est que Jacqueline Dauriac semble faire preuve d’une application particulière à ne rien laisser de trop encombrant à l’art, ainsi qu’elle me le confiera lors de l’une de nos entrevues : “L’idéal serait qu’il n’y ait plus d’objet.” Une première approche consisterait à décrire les dispositifs mis en œuvre : ici, des plaques de verre teintées qu’un rai de lumière traverse pour venir se répandre au mur en mille nuances bleutées ou rougeoyantes ; là, un caisson de forme simple (un rond, un trapèze) dont la lumière colorée vient éclabousser le corps d’une femme en noir, ou en rouge. Décrire ainsi les choses revient cependant à commencer par la fin, dévoiler le “truc” et s’empêcher d’y croire. Aussi convient-il de s’y prendre autrement, de tendre l’oreille au récit que l’artiste nous livre de ses rencontres et de ses fascinations. Reprendre l’histoire depuis le début pour retracer non pas l’itinéraire d’une femme, mais celui de son regard. (...) Car enfin, le dispositif ne doit pas être ici le sujet de notre attention. Sa radicalité et sa simplicité (une forme simple, des couleurs pures) servent avant tout à créer un environnement propice à notre adhésion, dégager une perspective affective dont les lignes de fuites convergent toutes vers la femme invitée à notre convoitise, présence libre et charismatique. (...) Le regard qu’elle pose sur le monde et ses merveilles prend alors la forme d’une caresse, suivant le parti de s’écarter de la représentation pour se saisir du sujet à pleine main, à plein désir, et nous le présenter dans son plus simple appareil. La quête d’un plaisir sans remords, servie par une approche sensuelle qui trouve son point d’orgue dans les récents dessins sur calque que Jacqueline Dauriac réalise du bout des doigts, elle qui dans un rire me confiera au terme de nos échanges : “Caresser la peinture, c’est quand même mieux que de faire de la peinture !” » Thibault Bissirier (galerie Isabelle Gounod). Visuel : Cercle jaune avec femme en rouge, Jacqueline Dauriac, 1985. Réactivation en 2018 avec Marina Cherkasova. Photo © Olivier Buhagiar.