Ma pratique artistique se nourrit de l’attention que je porte aux objets domestiques. Leurs apparences me fascinent ; je cherche à comprendre ce qui dans leur façon d’être nous permet de nous sentir entourés, accueillis. Mes propres objets cherchent à s’approprier leur capacité à solliciter nos corps sans utiliser les mots. Ils sont hybrides, ambigus, décalés. De leurs modèles ils ne copient que les apparences : s’ils évoquent un pot, une lampe, ou un meuble, jamais ils n’en revendiquent les fonctions. J’aime que face à eux nous nous sentions à la fois sollicités et empêchés d’agir, et je contredis systématiquement les invitations que leurs formes adressent à nos corps par des choix de matériaux, de technique ou d’échelle qui nous maintiennent à distance. Je les veux délibérément superflus, décoratifs; je leur apprends à ne pas nous servir. Je veux que nous percevions leur pauvreté, leur humilité, la distance qu’ils nous imposent comme un don, une invitation à nous tenir debout, en face d’eux, sans vouloir les remplir, ni les écraser. Marie-Pierre Bufflier, 2015.
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