Des lectures de l’Iliade et de l’Odyssée Martin Ferniot retient cette question sur le destin de l’homme : qu’est-ce qu’une vie bonne pour les mortels ? Sans doute précisément vivre moins, aimer moins et s’arrêter un peu plus. Aussi, l’ensemble de ses dessins rassemblés à l’occasion de sa première exposition personnelle à la galerie Isabelle Gounod doit-il s’appréhender comme un voyage onirique et personnel dont chaque œuvre constituerait une station, une pause nécessaire en guise d’antidote au péché d’hubris qui nous menace. Guidé par des intentions simples et délesté de toute forme de violence, l’artiste a ici puisé son inspiration dans le vaste corpus d’images disponibles en open source sur le site internet de la Public Library de New York qu’il se réapproprie pour composer des scènes réduites à l’essentiel que ne laissent pas d’influencer l’histoire de l’art, la littérature ou le cinéma. Les photographies anonymes et les scènes de compétition sportives prennent alors l’apparence de scènes bibliques, épiques ou symboliques : une mère à l’enfant console et se recueille, un équipage homérique fend les flots à coups de rames, un homme allongé gît là entre mort et songe, comme un étrange dormeur du val. La technique de Martin Ferniot qui mêle le crayon et l’aquarelle vient renforcer la gravité de ces images sans profondeur et toutes entières précipitées à la surface du papier. Aux hachures verticales de son dessin viennent en effet répondre les fondus de l’aquarelle, appliquée à la verticale et par couches successives pour obtenir de saisissants effets d’opalescence et qui, soumise aux lois de la pesanteur, vient cerner de ses coulures les personnages. Une lutte semble s’être engagée entre fond et figures, littéralement « liquidées » par leur propre environnement et dont l’évanescente présence grise a parfois même cédé la place à de simples trouées fantomatiques pour ne plus signaler leur présence qu’en creux. Le temps est ici suspendu, l’espace fuit de toute part et l’artiste se joue d’une indistinction suffisante pour toucher non pas à l’universel mais au très commun : les souvenirs d’une enfance à jamais habitée par la présence maternelle rassurante et le vœu formulé de devenir homme parmi les autres. Visuel : Martin Ferniot, Sans titre, 2017.
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