Vinca Coudé, la grâce d’une guerrière

Dans le cadre de notre partenariat avec Libr-critique.com, qui depuis 2005 défend les pensées atypiques et les écritures exigeantes, nous publions aujourd’hui la chronique du poète et critique littéraire Pascal Boulanger sur la peinture de Vinca Coudé. Pour lire la totalité du texte, il vous suffira de cliquer !

L’œil c’est le cercle et à partir de cet œil, par le pinceau et sa flèche décochée, s’inventent des cibles, des fictions, des paysages dans des paysages où résonnent aussi bien les émeutes du cœur que les rumeurs du monde. Une co-naissance a lieu dans le lieu même d’un espace ouvert et en extension. Le geste de Vinca Coudé travaille le creusement, il ploie, déploie, reploie le corps même de ce creux, celui de la femme réceptacle qui reçoit et aussi offre un entrelacs de visions et de mouvements ; cônes, collines du dos, des fesses et des seins, allées verticales et courbées des jambes et des bras… Le charnel n’est jamais resserré dans ces peintures, ni fixé, encore moins vociférant et féroce, comme, par exemple, dans les Woman de de Kooning. Le charnel agit plutôt par vibration et rayonnement, sans surcharge, à la fois délié et tendu, libéré et inquiet. Il est inséparable d’une poétique et d’une érotique, avec, sur la toile de lin, des lignes et des traits de couleurs qui suintent (larmes, sang, mouillure du désir), brouillant et même effaçant la masse du corps quand il n’est que pesanteur. Car ce qui se donne à voir avant tout, c’est la jouissance des formes, leur force et leur vulnérabilité, leur poéticité sensuelle.

Face au monde, acrylique/encre sur toile de lin brut libre, 160 x135 cm, juin 2024. ©Vinca Coudé

Vinca Coudé, qui a pratiqué des arts martiaux, intériorise, sédimente et lance des formats et des vitesses, des souffles et des vides, rejouant en guerrière des cycles entamés, sans jamais s’encombrer de jouissance narcissique ni de puritanisme abstrait. Son art qui s’incarne loin de l’indifférencié rayonne à la pointe du feu de la vérité ressentie. Les corps ne sont pas en représentation, ils se nouent et se dénouent, s’offrent de dos, de biais, de profil, se voilent par la chevelure, se dévoilent dans les rondeurs apaisantes et maternelles. Se dévoile aussi le dessous des choses, le dessous de jupes soulevées en quelque sorte, là où se joue le désir, ponctué par des coulées colorées de brun, de noir, de sang ou bien de bleu, de blanc et de larmes. Il y a dans les peintures de Vinca Coudé une puissance d’abandon et de grâce, une ouverture qui n’est rendue possible que par une déchirure. Il y a aussi une fragilité et même une vulnérabilité qui nous oblige à une distance d’âme. Les points de contact et de cristallisation sont, en effet, ténus et délicats. Ce n’est pas de retrait qu’il s’agit mais d’un tremblement qui met l’espace de la toile à bonne distance, c’est-à-dire entre la lourde promiscuité, les concessions spectaculaires à la rétine et l’absence radicale de tout bouquet. Ces corps de formes et de couleurs sont donc présents mais dans l’éloignement. Ils sont touchants car on sent bien qu’ils mènent une vie secrète ; ils ondulent et flottent comme suspendus et en apesanteur, comme eau-dormante dans l’amour. De cette profondeur intime surgit alors non pas la prise mais la sur-prise devant l’inattendu et pourtant le déjà-là. Le silence de cette peinture n’est pas somnolence mais conscience méditée et multipliée. Et beauté seule.

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Image d’ouverture> Trêve, acrylique/encre sur toile de lin libre, 140 x 170 cm, juin 2024. ©Vinca Coudé

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