Jamais Venise ne perd de ses charmes, elle en change. D’année en année, de saison en saison, de biennale en biennale. Celle qui s’y déroule jusqu’au 24 novembre se nomme : May You Live In Interesting Times. Traduire : « Puissiez-vous vivre à une époque intéressante ». Difficile d’en douter, tant notre monde plein de contradictions offre de défis à relever, d’espoirs à entretenir, de solutions à trouver, de combats à mener… Certes, l’époque est qualifiée de difficile mais impossible de la trouver sans intérêt. Pour en juger, des artistes du monde entier invitent à sa rencontre, à l’Arsenal et aux Giardini mais aussi dans de nombreux palais et autres lieux de la cité des Doges. In et off s’allient pour un programme dense à déguster sans aucune modération.

Les journées sont encore belles à Venise et la rentrée passée, il n’est pas interdit d’avoir envie d’une échappée. La 58e édition de la Biennale internationale d’art et de nombreuses expositions associées attendent les retardataires. Des œuvres pensées sur tous les continents dressent un état du monde certes très singulier, mais non moins éclairant. Il serait dommage de ne pas s’y intéresser. A travers des formes extrêmement diverses et soignées, les artistes expriment non seulement leur recherche et originalité plastiques mais aussi leurs préoccupations et sentiments sur une époque contemporaine paradoxale et troublée. Il est évidemment question d’écologie, de rapport et de retour à la nature, de catastrophes annoncées et, comme tout est lié, des sociétés humaines, de leurs comportements, manquements et rêves, de l’économie mondiale, de la technologie hyper galopante, de l’industrie vitale et vorace, de leurs potentiels et de leurs abîmes. L’art dans son foisonnement s’efforce de rendre visible et lisible la complexité, la dureté et la beauté de notre temps. Arpenter la Biennale de Venise, c’est assurément suivre bien des chemins, au propre comme au figuré.

Entre l’Arsenal et les Giardini, de multiples découvertes sont possibles. Non seulement, il y a de nombreux pavillons nationaux installés dans la ville, mais la plupart de ses institutions ou lieux culturels en profitent pour proposer une programmation dans le ton. Citons pour exemple la Galerie de l’Académie des Beaux-Arts, qui pour la première fois expose un artiste vivant – la peinture de Baselitz est aux cimaises jusqu’au 6 octobre –, le Palazzo Grassi, qui met Luc Tuymans à l’honneur, la Fondation Prada, qui accueille sur ses trois étages une exceptionnelle rétrospective de Jannis Kounellis (1936-2017) pensée par Germano Celant, la basilique abbatiale San Giorgio Maggiore, qui valorise superbement l’œuvre de Sean Scully, la Fondation Faurschou, qui a choisi de présenter sept artistes ayant la particularité d’être nés et d’avoir grandi en Chine à des moments différents de l’histoire du pays, et la Punta della Dogana, qui propose une exposition collective, Lugo e Segni, de 36 artistes dont Lucas Arruda, Hicham Berrada et Edith Dekyndt, invités à la résidence de la Collection Pinault à Lens.

De plus, des institutions privées ou publiques, artistiques ou universitaires, font tout spécialement le voyage pour défendre des artistes ou des projets qui leur sont chers. Elles font leur nid dans des palais, d’anciennes fabriques, des églises, voire des boutiques. Parmi les événements qu’elles ont engendrés, notons la surprenante Force Field, consacrée à la scène émergente polonaise et orchestrée par la Fondation Rodziny Starakow, Diversity for peace!, dont les fenêtres donnent sur la place Saint-Marc et les artistes célèbrent par leur éclectisme tant culturel que plastique la liberté de créer, et le Research Pavilion, présent pour la troisième fois à Venise sous l’impulsion de l’Université des arts d’Helsinki, dont l’objectif est d’attirer des artistes et des chercheurs internationaux pour collaborer et partager leurs travaux. Avant d’entamer un parcours d’œuvres « officielles », un clin d’œil à Shen Jindong. Représenté en France par la galerie Dock Sud, à Sète, le peintre chinois a investi le Giardino Bianco Art Space. Rue Garibaldi, à quelques centaines de mètres de l’entrée des Giardini, il a accroché tout son petit monde inspiré par la culture populaire chinoise, l’esthétique communiste et l’enfance. L’endroit et charmant. L’accueil aussi.
Glasstress, l’invitation à souffler

« Off » de la Biennale de Venise, la sixième édition de Glasstress compte parmi les expositions à découvrir. Sous l’égide des artistes Vik Muniz et Koen Vanmechelen, la manifestation, habituellement organisée au Palazzo Franchetti par la Fondation Berengo, a investi un nouveau lieu, à Murano. Une ancienne verrerie qui avait accueilli, il y a deux ans, la superbe installation The Unplayed Notes Factory de Loris Gréaud. Né de la volonté d’Adriano Berengo d’associer le savoir-faire des verriers à l’imagination des artistes contemporains – les pièces sont produites pour l’événement et forment au fil des ans une collection remarquable –, Glasstress présente des pièces qui dévoile l’art des maîtres souffleurs de verre à son paroxysme. Parmi les essentiels, citons l’incroyable suspension en opaline, Blossom Chandelier (2017), d’Ai Weiwei, le cœur composé de matraques en verre translucide, Cardiac Arrest VIII (2011), de Kendell Geers et l’échafaudage aussi spectaculaire que fragile, Work 2 (2013), de Fiona Banner. Parmi les nouveautés, des pièces frappantes. Deux mains sortent du mur tenant une ceinture telle une promesse de correction. Soulignée par des ombres multiples, In my Hand de Monica Bonvicini menace. A quelques mètres, River Woman de Prune Nourry est un enchantement de finesse et de légèreté. L’homme représenté par son système vasculaire devient un arbre anthropomorphe aux ramifications souples et complexes. Un mimétisme qui clame combien leur sort est lié. Autre pièce étonnante que celle de Pedro Friedeberg. En verre et miroir colorés, s’étale sur le mur blanc un singulier jeu de cartes. Si son nom évoque le jardin d’enfants (Tarot Kindergarten), l’œuvre est un trésor d’évocations beaucoup plus large. L’œil y repère la roue de la fortune, le pendu, la justice, le diable, l’amoureux… Si le sujet est identifiable, son traitement n’est en rien habituel. Ceints d’un uniforme au style fasciste, deux personnages siamois arborent une perruque qui transforment leur tête de mort en tête de clown. La mort et son double. Des dizaines de bras tendus forment les raies d’un astre identifié sur une petite banderole brandie par des Mickey ancienne génération. L’iconographie déployée par l’artiste Mexicain réputé pour ses sculptures et gravures surréalistes propose un syncrétisme des formes et des cultures. Dommage que Friedeberg ne soit pas présent pour en révéler les secrets et prédire l’avenir !
Jusqu’au 24 novembre, Fondazione Berengo Art Space, Campiello Della Pescheria, Murano. Fermé le mercredi. Entrée 7 €. Tarif réduit 5 €.

Mais entrons maintenant dans le vif du sujet. La Biennale désigne deux types de monstration : d’une part l’exposition internationale, installée dans le bâtiment central de l’Arsenal et le Pavillon central des Giardini, et d’autre part les représentations nationales réparties entre ces deux pôles, dans la Sérénissime ainsi que dans certaines îles environnantes. La première est concoctée par le directeur artistique de l’événement, différent pour chaque édition – cette année, il s’agit de l’Américain Ralph Rugoff, directeur de la Hayward Gallery, à Londres, depuis 2006. La programmation des secondes est laissée à la discrétion de chaque pays qui possède un mode propre de désignation des artistes. La France, par exemple, a confié son pavillon à Laure Prouvost, qui y développe une réflexion autour des notions de génération et d’identité dans un monde observé à l’échelle globale et environnementale. Les propositions et les artistes se comptent par centaines. Autant dire que relater l’ensemble, voire seulement l’intéressant, est mission impossible. Les lignes suivantes se contenteront donc de quelques prises de position sensibles et subjectives. Quelques seulement.

Pourquoi ne pas commencer par un coup de cœur ? La vidéo présentée par Alex Da Corte. Connu en France pour avoir participé à la 13e Biennale de Lyon (2015-2016), l’artiste américain offre un moment de respiration et d’enthousiasme au cœur de l’Arsenal. Alors que le visiteur a déjà été sollicité mille fois par le chaos qui s’exhibe un peu partout, servi par des œuvres très léchées comme les images de guerre mises en scène par Christian Marclay ou les événements politiques représentés à l’huile par Michael Armitage, Da Corte propose Rubber Pencil Devil, une succession de 57 « tableaux » illustrant un moment ou un personnage emblématique de la culture populaire américaine du XXe siècle et au-delà. Fragments revisités de dessins animés, de publicités, de comédies musicales… et scènes jouées par l’artiste composent un album enjoué d’images inscrites dans la mémoire collective cinématographique et audiovisuelle. L’œil amusé retrouve en action Daffy Duck comme Bart Simpson, une bouteille de ketchup comme la statue de la Liberté. Installée sur une table à repasser, la panthère rose lisse son pelage avec un fer, puis, histoire de jouer au fantôme, apparaît bien planquée sous un drap blanc laissant échapper deux de ses pattes singulièrement colorées et poilues. Effet garanti ! A gauche de l’écran, un paysage en couleur. A droite, sa continuité en noir et blanc accueille un chien « cartoon » de profil tout en nuances de gris. Casquette sur la tête et buste caché par un vêtement à manches longues, il observe circonspect la délimitation, puis l’enjambe. Surprise ! La partie de son corps qui repose sur le gazon vert est en couleur. Ses poils sont jaunes et son tee-shirt rouge. Une pancarte indique la « fin du technicolor ». Les trouvailles sont nombreuses et l’humour omniprésent.

Egalement à l’Arsenal, l’installation de Mari Katayama mérite un regard attentif. Souffrant d’une maladie congénitale rare, qui affecte ses membres, elle a choisi de se faire amputer des deux jambes à l’âge de neuf ans afin d’être appareillée. Ayant appris la couture avec l’une de ses grands-mères, l’artiste japonaise crée des formes dans lesquelles elle insère son corps ou qu’elle pose près d’elle lors de la réalisation de spectaculaires autoportraits photographiques. A Venise, ils sont accompagnés de nombreux objets confectionnés ou collectionnés par elle, toujours en lien avec le caractère difforme d’une part de son anatomie. Née en 1987, la jeune femme prend la pose. Tantôt femme-enfant, tantôt poupée, voire prostituée, elle apparaît comme une figure iconique. Il y a quelque chose de Freaks (Tod Browning, 1932) dans cette œuvre-là. Le corps impossible à ignorer exige d’être regardé. Effrayant et émouvant.

A signaler dans cette même enfilade de bâtiments, la présence de deux installations forçant l’attention : Biologizing the Machine (tentacular trouble) d’Anicka Yi et Market de Zhanna Kadyrova. La première nous met face à d’imposants cocons renfermant une vie tumultueuse. La plasticienne coréenne inscrit son travail à la frontière de la science et de la fiction. Elle s’intéresse aux possibilités de faire dialoguer machines et vie organique. La seconde nous emmène au marché. L’artiste ukrainienne reproduit un étal de primeurs et de charcuterie dont les fruits, saucissons, jambons et autres salamis sont réalisés en carreaux de céramique, ciment, béton et pierre naturelle. La première version de Market a été réalisée en 2017 pour un salon d’art à Monaco, durant lequel l’artiste vendait les pièces au poids, un euro par gramme, faisant ainsi fi de tous les usages en vigueur du marché de l’art et ramenant les œuvres au niveau d’une marchandise vitale, soit la nourriture.
Passer du temps au V-A-C

La fête bat son plein ! Un homme en toque pointe son majeur vers le ciel, une femme aux biceps de déménageur installe son matériel au-dessous d’un concombre géant, un homme médite en tailleur juché sur un ballon orange, un autre tricote sous un parasol à franges très seventies, un autre encore peint assis devant une voiture de police (inscriptions en cyrillique), tandis qu’une belle blonde très gironde (notre photo d’ouverture), gainée dans une robe rose flashy, tient un biberon dans ses doigts longs d’ongles multicolores tout en chantant dans un micro-cravate ! Décor de carton-pâte complètement décalé – ne découvre-t-on pas deux animaux hybrides à l’air de suricate, au marquage blanc d’un Corgi et à l’attitude de marmotte ! –, personnages loufoques, distribution de gâteaux orientaux et médiatrices du V-A-C Zattere complètement sidérées par tant de saltimbanques, de brouhaha, de folie, quoi ! La fondation créée à Moscou en 2009 poursuit son chemin en tissant un lien très particulier tant avec les artistes qu’avec le public. Les expositions qu’elle produit sont pointues et toujours l’occasion d’une fête. Si celle décrite précédemment n’a duré que trois jours, il est encore possible de découvrir Time, Forward!. Imaginée par Omar Kholeif et Maria Kramar, l’exposition présente 13 œuvres* dont le moteur est le temps. Face aux innombrables flux numériques charriant images, informations et autres communications, est-il possible de résister cherchent à savoir les propositions. Chacune d’entre elles abordent le sujet sous un angle original. Un exemple. Avec From Apple to Kleptomaniac, Trevor Paglen s’attaque au maching learning. L’artiste américain nous donne à voir des murs d’images comme si nous étions des robots sommés de se forger une représentation du monde. Ces images extraites d’une banque de données forte de plusieurs millions de photos classées en milliers de catégories servent habituellement à l’apprentissage des Intelligences Artificielles. Reconnaître une pomme ou une volaille est chose facile et sans grand risque de se tromper ; en revanche comment illustrer un capitaliste, un hypocrite, un millionnaire ou un professeur associé ? Très vite la question du jugement de valeur se pose. Quels peuvent donc être les préjugés des robots ? Sont-ils capables de discernement, de distance, de liberté ? D’autres interrogations et réflexions suivent forcément.
* Artistes invités : Rosa Barba, Aleksandra Domanović, Valentin Fetisov, Joana Hadjithomas and Khalil Joreige, Daria Irincheeva, Alexandra Sukhareva, Christopher Kulendran Thomas in collaboration with Annika Kuhlmann, Adam Linder, Haroon Mirza, Trevor Paglen, Walid Raad, James Richards, Kirill Savchenkov, Where Dogs Run.
Jusqu’au 20 octobre, V-A-C Zattere, Dorsoduro 1401, Venise. Fermé le mercredi. Entrée gratuite.

Avant d’évoquer les pavillons nationaux, quelques mots sur la présence remarquée de nombreuses œuvres technologiques. Au fil des allées, entre peintures, sculptures, vidéos et installations, des pièces usant des technologies les plus diverses sont à découvrir. Que ce soit, par exemple, The Heart Atrophies d’Antoine Catala et ses différentes métamorphoses en 3D d’un cœur, data-verse 1, le monumental mur d’informations cryptées de Ryoji Ikeda, Endodrome, l’expérience immersive en VR proposé par Dominique Gonzalez-Foerster, ou BOB (Bag of Beliefs), la fantastique créature virtuelle d’Ian Cheng avec laquelle le public peut interagir via une application pour smartphone. Outil technologique qui s’est fait une place à la biennale tant côté médiation que côté création. Le pavillon chinois étant probablement l’acteur principal de sa promotion. Concernant les sélections nationales, quatre pays se distinguent par des propositions inattendues et attrayantes. L’Islande et Chromo Sapiens, une caverne de stalactites en fourrure synthétique douce et incroyablement colorée signée Hrafnhildur Arnardóttir ; la Belgique et Mondo Cane, une mise en scène très controversée d’automates imaginée par Jos de Gruyter (Mention spéciale du jury) ; la Croatie et Traces of Disappearing (In Three Acts), film d’animation et installations photographiques réalisés par Igor Grubić décrivant l’après-guerre en Croatie, particulièrement le passage du socialisme au capitalisme ; et pour finir la Lituanie et Sun & Sea (Marina), performance pensée par Lina Lapelyte, Vaiva Grainyte et Rugile Barzdziukaite, sur laquelle il faut s’arrêter un instant.

Il n’échappe à personne que le Pavillon de la Lituanie a reçu le Lion d’or. Il pourrait donc être opportuniste d’encenser la proposition ayant reçu la plus haute distinction. Certes, mais peu importe, car elle le vaut bien. Imaginez un bâtiment dans lequel vous empruntez un escalier pour atteindre un étage en mezzanine. De là, accoudé à une rambarde en bois, vous observez… la plage. Rien de plus simple. Une plage comme toutes les autres avec sa diversité d’occupants et d’activités. Elle est animée d’une vie paisible entre jeux de ballon, pique-niques et lectures. Tout à la contemplation de la scène se déroulant sous vos pieds, vous dressez l’oreille. Un chant monte. Une voix. Puis plus rien. Puis plusieurs voix. Ainsi de suite. Vous êtes subjugué. Les chanteurs sont en maillot. Tantôt allongés sur leur serviette – qui a chanté sait que la station debout est la plus favorable pour l’exercice – ou assis sur leur pliant. C’est juste enchanteur. Puis un bruit, le « craquement lent d’une Terre épuisée, un halètement », comme le décrivent les artistes. Impossible de mieux faire pour évoquer le sort de notre planète, passé au second plan des préoccupations d’une société souvent occupée à se faire plaisir à tout prix. Attention, la performance n’est donnée que le mercredi et le samedi de 10 h à 18 h. Avant de prendre congé, il reste à citer quelques propositions qui auraient largement mérité des investigations : la sculpture Epistemologies (limping cabinet) de Jesse Darling, la série d’aquarelles Bloom d’Ed Atkins, l’installation robotique Can’t Help Myself de Sun Yuan et Peng Yu, les Cubes peints d’Ad Minoliti et l’ensemble de pièces présentées par Tavares Strachan. Alors une seule chose à faire maintenant : foncer à Venise !
Artivism se sert de la mémoire pour agir

Installé sur le Grand Canal, le Palazzo Dandolo accueille une exposition indispensable. Organisée par l’Institut Auschwitz pour la paix et la réconciliation, Artivism donne à voir les qualités les plus enviables de l’art : sa capacité à contrer la violence, à promouvoir les droits de l’homme, et à faire évoluer positivement les sociétés. Si la manifestation rappelle les atrocités du XXe siècle (1,5 million d’Arméniens assassinés par des Turcs ottomans ; 6 millions de Juifs éliminés par les nazis ; les disparitions massives liées aux dictatures d’Amérique latine, les massacres de population au Cambodge, au Rwanda comme en Bosnie) et alerte sur la poursuite de tels agissements (à ce jour, des groupes de personnes continuent d’être la cible de persécutions et de destructions en raison de leur identité, comme au Myanmar, par exemple), elle s’attache surtout à révéler la puissance transformatrice de l’art. L’exposition présente le travail de six artistes et collectifs professionnels ou amateurs ayant utilisé les arts comme un moyen de contrer la violence identitaire. Toutes les œuvres proviennent d’un contexte « post-atrocité » différent. Citons pour exemple Što te Nema, installation performance, monument nomade composé de tasses à café traditionnelles qu’Aida Šehović dresse chaque année en mémoire des 8 000 musulmans de Bosnie morts à Srebrenica le 11 juillet 1995. Chaque projet artistique représente une région du monde (Argentine, Bosnie-Herzégovine, Canada, Indonésie, Kurdistan irakien et Afrique du Sud) et répond à des réalités historiques comme politiques très spécifiques. Cependant, tous sont des témoins actifs qui démontrent que la reconnaissance et la prévention de la violence de masse n’incombe pas seulement aux instances du pouvoir. Mais qu’elle est bel et bien l’affaire de chacun. Sur le rebord d’une fenêtre, un petit livre résiste lui aussi. Il arbore en couverture la définition du mot silence. Absence de bruit, fait de se taire, moment où l’on cesse de parler, fait de ne pas vouloir ou de ne pas pouvoir s’exprimer… Les images se forment. Les réflexions s’enchaînent. Faut-il faire silence, rompre le silence ? Demander une minute de silence, lutter contre la loi du silence ? Parfois un seul mot suffit pour poser la question de la violence.
Jusqu’au 24 novembre, Palazzo Dandolo, San Toma, Venise. Du mercredi au dimanche.