Un petit tour à Tours

Après avoir salué la réouverture des galeries à Paris, ArtsHebdoMédias a décidé d’arpenter les rues de Tours. La cité au patrimoine remarquable voit rouvrir les uns après les autres ses lieux d’art. C’est le moment d’aller leur rendre visite et d’exprimer votre joie de les retrouver. Reportage sensible réalisé par la jeune garde d’ArtsHebdoMédias.

Tours, jeudi 4 juin. Dans la tasse, le café est déjà froid. Tout à la joie d’un matin en terrasse, j’ai oublié de le boire. C’est bon d’être librement dehors, de prendre son temps. Sur la place du Grand-Marché les gens passent, l’air plutôt satisfait. Au centre, la créature de Xavier Veilhan les accueille à bras ouverts. C’est à cette sculpture emblématique et très prisée des tourangeaux que l’endroit doit d’être surnommé la « place du Monstre ». L’œuvre est une invitation à se lever. Un p’tit tour à Tours : ça vous dirait ? Direction place Plumereau. Plume pour les intimes. Véritable symbole de la vie étudiante, cette place médiévale est, à ce jour, la première d’Europe ayant autant de bars et de cafés au mètre carré ! Pour l’heure, les terrasses y sont réduites, gestes « barrière » obligent, mais demeurent néanmoins fortement remplies. Le lieu revient à la vie.

La monstre de Xavier Veilhan, du Grand-Marché.

Quelques hochements de tête à de vieilles connaissances, une salutation aux serveurs, avant d’emprunter la rue Colbert, animée et riche de ses galeries. Comment ont-elles vécu le confinement ? Une petite enquête auprès des galeristes s’impose. Pour beaucoup, la période est difficile. La fermeture liée au Covid-19 a eu un impact négatif sur les ventes et donc sur le revenu des galeries et par conséquent des artistes. Parfois même, une fermeture définitive a été envisagée. Néanmoins, tout le monde veut croire en la reprise. Les expositions sont soit prolongées, soit renouvelées et l’ouverture à de nouveaux artistes est facilitée. L’objectif premier est de communiquer au mieux pour attirer les visiteurs et de potentiels acheteurs. Il faut à tout prix faire passer le message : « Soutenez vos galeries, soutenez l’art ! » Mission accomplie.

Vue de la galerie Rousseau, rue Colbert.

Facilement oublié, le château de Tours accueille de nombreux artistes à l’occasion d’expositions variées et souvent renouvelées. De l’art contemporain dans un lieu historique… un vrai plaisir ! L’endroit est presque désert. La réouverture se fait en toute discrétion pour la plus grande joie de quelques-uns : un vacancier au bonnet solidement enfoncé sur le crâne, un couple d’amoureux, et Jeanne, étudiante en histoire de l’art. Une connaissance. Amusés par ce hasard, nous décidons de visiter ensemble les trois expositions du château et parcourons les premières salles médiévales à la découverte des photographies de René Jacques (1908-2003). De ses premières images, aux célèbres clichés de rues parisiennes en passant par un tour de France et des scènes de tournages cinématographiques. Parcourir ainsi en quelques minutes une vie entière a quelque chose de vertigineux. Au deuxième étage, apparaissent les paysages à la limite de l’abstraction de Claude Lepoitevin. De la couleur, de la nature, une invitation à la contemplation. Dehors, la pluie tombe. La météo n’avait pas menti. On se sent à l’abri. Troisième étage. Un tout autre univers s’offre à nous, celui de Jorge Carrasco (1919-2006). Une simple citation parmi les œuvres donne le ton : « L’art est amour ! » Et nous voilà embarqués dans la passion de la vie, une passion charnelle ! Colorées et psychédéliques, sculptures et peintures suggestives, particulièrement érotiques, se donnent à voir. Il fait gris dehors et le vent s’est levé. Avant de quitter les lieux, je dois admettre n’avoir jamais imaginé être ému par une poitrine en céramique !

Peinture de Claude Lepoitevin, 2018.

Nous sortons. Jeanne me donne son avis sur le déconfinement : « Oh, tu sais, à Tours, la vie a vite redémarré ! A peine quelques jours après l’autorisation de sortir, la Ville a dû fermer les quais, il y avait trop de monde. Les gens ne sont pas vraiment inquiets. On porte le masque et on fait gaffe mais les habitudes d’avant reprennent facilement le dessus. Désormais les terrasses sont de nouveau accessibles. Plus question de nous tenir enfermés ! Comme les cinémas et les théâtres n’ont pas encore rouvert, les gens se tournent vers le musée et autres lieux d’art. Nous sommes nombreux dans ma promo à avoir choisi cette option. Il faut aider à relancer tout ça. »

Terrasse du Balkanic, le jeudi 4 juin 2020.

Retour rue Colbert, café le Balkanic. En temps normal, le lieu propose une ou deux expositions d’artistes locaux. Mais, la réouverture est trop récente, les cimaises sont vides. Il faudra revenir. Impossible de s’intéresser à l’art à Tours sans rendre visite au Centre de Création Contemporaine Olivier Debré (CCCOD). Rendez-vous a été pris avec Charlotte Manceau, chargée de communication du site. Le masque est obligatoire. Il n’y a pas foule en ce premier jour de réouverture. L’institution se réveille doucement de ses quelque deux mois de congés forcés. Si les événements sanitaires ont considérablement réduit les activités prévues initialement, il demeure tout de même l’essentiel : trois expositions. Nous filons vers la galerie noire découvrir La géographie du totem de Fabien Verschaere. Je retombe en enfance, amusé et transporté par cet art foisonnant, fantastique et décalé. Marqué par ses voyages en Afrique et en Asie, l’artiste déploie une exposition telle une danse chamanique, où aquarelles, dessins et installations sont liés, comme les objets d’un rituel sacré. L’art, vecteur de spiritualité.

Vue de l’exposition Déplacements de Dominique Blain.

Au deuxième étage, Déplacements de Dominique Blain. Ici, la réflexion porte sur différents mouvements, qu’ils soient humains ou artistiques. Des photographies, parfois monumentales reviennent sur la Seconde Guerre Mondiale, époque où les déplacements d’œuvres d’art étaient légion autant que ceux des populations. Un peu plus loin, un travail numérique porte sur des flux de migrants. Une mise en perspective très émouvante qui donne à voir et à penser.

Vue de l’exposition Dans l’ombre le monde commence, Mathieu Dufois.

Troisième étage, Mathieu Dufois. Son exposition Dans l’ombre le monde commence présente les œuvres consécutives à son séjour au Fayoum Art Center en Egypte (2018), organisé par le CCCOD. Dans une première salle, un court-métrage d’animation, la quête d’un homme à la recherche de son ombre. A la vie, à la mort. La réflexion se poursuit. Dans les couloirs annexes, le story-board laisse sans voix tant la technique de l’artiste tourangeau fascine. Ses dessins si pleins de détails qu’on pourrait croire à des photographies captivent. Impossible de ne pas se laisser emporter par ce trait et la quiétude du lieu. Mais la visite touche à sa fin. A tous ceux qui ne pourront pas se rendre à Tours prochainement, sachez que le CCCOD s’invite chez vous grâce à un espace dédié sur son site web. Cliquez !

Street-art, rue Capitaine-Pougnon.

Dehors, le soleil est de retour. C’est heureux car l’heure est venue de découvrir quelques œuvres de street art. Il faut s’éloigner du vieux Tours et du centre-ville pour aller plus avant, vers les quartiers résidentiels. Rue du Capitaine-Pougnon, dans le quartier Giraudeau, du street art s’offre au regard. Rue Edouard Vaillant, c’est le tour de fresques signées Monsieur Plume. Je retourne à la place du même nom. Il est l’heure de célébrer encore et encore la réouverture des terrasses !

Fresque de Monsieur Plume.
Crédits photos

Image d’ouverture : La géographie du totem de Fabien Verschaere au CCCOD. ©Photo François Fernandez, CCCOD, Tours. Le monstre de Xavier Veilhan, la galerie Rousseau, Erotica, le Balkanic et les vues de street art ©Photos PEM. La peinture de Claude Lepoitevin ©Claude Lepoitevin, Château de ToursLes vues d’exposition du CCCOD ©Photos François Fernandez, CCCOD, Tours