Trois photographes brésiliennes hissent la couleur

Dans le cadre de le la Saison France-Brésil, Sorbonne Artgallery, en partenariat avec Initial LABO, met à l’honneur trois femmes photographes brésiliennes qui explorent la notion d’identité à travers la couleur. L’exposition ID réunit les travaux de Márcia Charnizon, Angélica Dass et Juliana Sicoli, dont les œuvres, présentes dans la collection « Un fonds photographique brésilien à la BnF », témoignent d’une approche engagée de la photographie contemporaine. A suivre le texte écrit pour l’exposition par Héloise Conesa, Conservatrice du patrimoine, chargée de la collection de photographie contemporaine au département des Estampes et de la Photographie de la BnF.

Dans l’histoire de la photographie, le combat pour imposer la couleur quand l’esthétique visuelle était majoritairement dominée par le noir et blanc est, d’une certaine façon, lié aux revendications formulées pour accorder un rôle aux femmes dans la société. En témoigne, dès le début des années 1930, la série Goddesses de la photographe britannique Madame Yevonde (1893-1975) et son usage novateur de la couleur alors méprisée ou cantonnée à la publicité. Les trois artistes brésiliennes ici réunies ont en commun d’allier leurs choix chromatiques, oscillant entre douceur et violence, à la broderie, à la grille Pantone ou aux jeux de chasse aux mots. Dans leur approche féministe et plus largement humaniste, il importe moins de documenter que de faire image et leurs parti-pris créatifs contribuent à dénoncer les inégalités dans les rapports hommes/femmes mais également entre les diverses communautés noires, amazoniennes ou blanches qui composent le Brésil.

©Juliana Sicoli, Angélica Dass et Márcia Charnizon,

Ainsi, Juliana Sicoli, formée à la psychanalyse en parallèle de ses études en photographie, tisse dans sa série Ainda Assim Falo (Je parle encore) un récit unique qui entremêle images d’archives, peintures et interventions de découpe et de couture. Par le geste et le jeu chromatique, elle cherche à creuser la surface des apparences comme de l’image pour dévoiler des traumas plus profonds.

Vue de l’exposition ID. ©Juliana Sicoli, photo Elena Rudenko

Pour son projet Humanæ, initié en 2012 Angelica Dass répertorie sans distinction d’âge, de religion, de nationalité, de sexe ou de classe sociale, les portraits de 4 000 personnes dans 17 pays et 27 villes du monde, photographiées selon les normes classiques de la photographie anthropologique et du portrait légal (cadrage en buste, pose et éclairage frontaux). Elle établit ainsi une sorte de « palette humaine » mettant en valeur la diversité des carnations à la manière d’un nuancier Pantone mais valorisant aussi la continuité subtile de nos couleurs afin de créer plus d’égalité que de différence.

Vue de l’exposition ID. ©Angelica Dass, photo Elena Rudenko

Quant à Márcia Charnizon, dans Caça as palavras (La chasse aux mots), elle cherche à mettre au jour la violence des paroles prononcées à l’encontre des femmes.  Elle réunit ici des femmes de plus de 50 ans, protagonistes de leurs propres histoires, qui, dans un éclairage rouge semblable à la lumière inactinique d’un laboratoire argentique, montrent les marques que les mots stigmatisants ont laissé sur leurs corps nus.

Vue de l’exposition ID. ©Márcia Charnizon, photo Elena Rudenko

Chez ces trois artistes, la remise en question des représentations normatives que permettent la couleur et l’hybridation de la photographie avec d’autres médiums encourage de nouvelles façons de s’engager pour une reconnaissance de l’être humain dans sa diversité.

Héloise Conesa
Conservatrice du patrimoine

Infos pratiques> Vernissage le mercredi 9 avril de 18h30 à 21h30. ID, du 10 avril au 31 mai, Sorbonne Artgallery (galerie Soufflot du Centre Panthéon). Du lundi au samedi de 10h à 18h, au 12 place du Panthéon, Paris 5e. En raison des mesures de sécurité prises par l’université, la réservation d’un billet d’entrée à titre gracieux est nécessaire. Cliquez ici !

Image d’ouverture> Vue de l’exposition ID. ©Elena Rudenko