Takashi Hara, punk et zen à la fois

Si l’hiver a eu raison de vos sorties et que vos batteries sont à plat… un petit tour à la galerie A2Z, dans le sixième arrondissement parisien, vous fera le plus grand bien. Le peintre japonais Takashi Hara y présente ces travaux les plus récents alliant peinture et écriture. Réveil de l’œil assuré !

La peinture de Takashi Hara aime le paradoxe. Les pieds bien plantés dans le sol, le trentenaire impose à la toile ce qui en lui se joue. Rebelle à l’extérieur, l’artiste au look rock-punk pratique en son for intérieur la zen attitude. A l’atelier, la musique fait aussi le grand écart : des Sex Pistoles à Bob Marley. Son style jette des ponts mais ne s’ancre jamais définitivement dans une influence ou une autre. Si certains évoquent le néo-expressionnisme, l’abstraction lyrique, ou le Bad Painting, tous s’accordent à dire que cette peinture est une énergie. Le pinceau est d’abord guidé par un élan de vie avant même de travailler le trait pour rendre intelligibles les formes. Des toiles grands formats aimantent l’attention. Il n’y a rien de lécher dans ce travail. Les couleurs dégoulinent et leur surface plane s’augmente du volume de la matière picturale. Quelques-unes peintes au sol portent la marque des gouttes explosées au contact du sol. L’intéressé sourit et cite Cy Twombly comme artiste de référence. Pour la force et la vibration qui innervent son œuvre et aussi l’écriture déployée par son geste.
Takashi Hara est né au Japon mais a étudié aux Etats-Unis, où il vit aujourd’hui. Une double culture qu’il exprime non pas en les mélangeant mais en juxtaposant deux modes d’expression : la peinture et l’écriture. Si du côté du style, l’influence occidentale est palpable, du côté des mots, il en va autrement. Tantôt en anglais, tantôt en japonais, ces derniers surgissent un peu partout accompagnant des silhouettes qu’un temps l’œil a eu du mal à identifier mais qui maintenant s’affirment… un cochon, deux cochons, des cochons ! « Takashi Hara fait parler des cochons – animal le plus proche de l’Homme selon l’artiste. Jouant le rôle d’intercesseur entre notre condition animale et intellectuelle, la figure du cochon s’humanise et questionne le rythme des pensées et des rêveries de l’artiste. Les voix de ces animaux nous aident-elles à sortir de nos modes de pensée primaires pour (re) commencer à penser le monde autrement ? Nous invitent-elles à percevoir un monde détaché du matériel ? », s’interroge-t-on à la galerie. Comme dans Les Trois Petits Cochons, les personnages de Takashi Hara sont anthropomorphes. Abandonnant leurs pattes pour deux jambes et deux bras, ils fonctionnent comme des métaphores que leurs attitudes seules ne peuvent décrypter. Tantôt en bande, tantôt en couple ou carrément camouflés dans la matière de la toile, ils nous regardent et les mots qui les accompagnent parlent pour eux.
L’écriture de Takashi Hara n’est pas préméditée. Elle vient une fois les figures disposées dans l’espace de la toile. Les bribes de phrases se transforment parfois en question. « Qui es-tu ? », cherche à savoir l’animal. Les mots surgissent comme dans un rêve ou une psychanalyse. L’an dernier, une toile préfigurée cette série mais c’est la première fois que l’artiste en dit autant. Certains tableaux affichent un caractère autobiographique. Si la ressemblance n’est pas évidente au premier coup d’œil, il faut admettre que ce cochon à la coiffure hirsute et colorée n’est pas sans rappeler le peintre aux cheveux noirs mâtinés de vert ! Le voilà entouré de ses copains. Malgré le sourire bienveillant et la mine réjouit de Takashi Hara, les toiles cultivent un côté trash. L’esprit punk est toujours plus près d’un « no future », que d’un jardin zen. Assis sur de petits bancs rouges ou verts, des cochons blancs modelés par la main de l’artiste s’agitent. Oreilles au vent et bras accueillant, ils sont comme au spectacle ! Réjouis par la peinture et par nous qui la regardons.

Contact

Takashi Hara Cochons la voie !, jusqu’au 22 février, A2Z Gallery, Paris. (ajouter URL de la galerie).

Crédits photos

Image d’ouverture : Portrait de Takashi Hara à la A2Z Gallery. © photo MLD. One, Shake it, Wake it, Sunny, Determination. © Takashi Hara, courtesy A2Z Gallery. Little encouragement. © Takashi Hara, courtesy A2Z Gallery, photo MLD