Séjour en Arcadie
avec Ethan Murrow

Dans une carriole à roulettes illuminée de soleil, une mer somnole. L’oreille croit entendre le clapotis des vagues tant l’œil est impressionné par la touche précise de l’artiste. Ethan Murrow est actuellement l’invité de la galerie parisienne Les Filles du Calvaire. Avec Pollen Song, l’Américain nous entraîne dans des paysages et scènes insolites. Un univers très théâtral déployé à travers des dessins et peintures réalisés ces deux dernières années. Par des mises en scène surprenantes inspirées de ses souvenirs, Ethan Murrow nous invite à découvrir son rapport à la nature, singulier et optimiste. Pollen Song est une mélodie bucolique à apprécier jusqu’au 23 octobre.

Elevé dans une ferme du Vermont rural, Ethan Murrow grandit entouré par la nature. Attiré par sa mélodie, il passe de longs moments paisibles à l’écouter. « J’aimais la chaleur intense après une pluie battante, lorsque le bourdonnement des abeilles, le vrombissement des insectes et le gazouillis des oiseaux formaient une constante harmonie. » A l’activité agricole, il préfère la contemplation. L’artiste, qui habite maintenant en ville, se souvient avec nostalgie de ce contact privilégié à la terre. Inspiré par ses souvenirs d’enfance, il imprègne ses scènes fictionnelles et absurdes d’une dimension autobiographique. Ses œuvres sont une manière de renouer avec un certain mode de vie plus naturel, tout en évoquant une forme de lutte écologique collective pour préserver l’environnement.

Optimistic Harvest, Ethan Murrow, 2021.

Les grands paysages déchaînés, inspirés de la tradition romantique, sont décalés par des mises en scène théâtrales, astuces et autres artifices qui dévoilent l’envers du décor. Un personnage, autoreprésentation de l’artiste, en est le centre : « J’envisage souvent mes récits comme des autoportraits et ces œuvres n’y échappent pas, je suis ici le protagoniste, celui qui rêve d’un panier débordant de fruits et qui sans doute a manqué les panneaux de circulation devant lui ! », explique-t-il. Ce héros hybride, à la fois humain et végétal, se lance dans des aventures épiques mêlant plaisir et lutte acharnée, où parfois il échoue. Têtu, il tente d’appréhender la nature d’une façon personnelle, utopique mais toujours positive, comme le vieil homme de Marathon, parcourant le désert à vélo, portant sur son dos ce qui semble être une véritable arche de Noé végétale.

Ethan Murrow, Marathon, 2021.

Il est aussi question de passions dans l’œuvre de Murrow, d’un rapport vivant et engagé avec son environnement. Un corps-à-corps obstiné avec le paysage qui rappelle le travail de la terre : « A la ferme, j’ai rapidement appris, en essayant et en faisant des erreurs, que toutes récoltes impliquent bien plus que la vision romantique de mon enfance. » Vision qui transparaît, comme par dérision, dans les vagues tourmentées et la lumière céleste de la grande composition murale réalisée in situ. De cet exercice particulièrement prisé par lui, Ethan Murrow détourne les codes par des changements d’échelles et de perspectives. Tandis que l’extravagance de son récit contraste avec une touche minutieuse et réaliste. De son côté, le dessin Pollen Song se joue de l’histoire de l’art romantique, notamment américaine : l’artiste y réinterprète Kindred Spirits, toile réalisée au XIXe siècle par Asher Brown Durand, un des paysagistes de la Hudson River School.

Ethan Murrow, Chanter Highflow, 2021.

La peinture d’Ethan Murrow invite à une réflexion sur les cycles de la vie, de la nature et de leurs processus : « Si nous nous baissions tous vers le sol, reniflions et écoutions, nous irions probablement mieux. Les humains dans mes dessins veulent tout essayer, croire en la magie, parler aux abeilles, chanter une berceuse à une plante et rire de joie quand une baie est bien juteuse. » En somme, vivre en Arcadie.

Contact

Pollen Song, jusqu’au 23 octobre à la galerie Les Filles du Calvaire.  Site web de la galerie.

Crédits photos

Image d’ouverture :  Optimistic Harvest, Ethan Murrow. © Ethan Murrow, courtesy galerie Les filles du Calvaire, photo Shenying Chen. Vue de l’exposition Pollen Song, galerie Les Filles du Calvaire. © Ethan Murrow, photo Shenying Chen. Marathon, Ethan Murrow, 2021. ©Ethan Murrow, courtesy galerie Les Filles du Calvaire. Chanter Highflow, Ethan Murrow, 2021. © Ethan Murrow, courtesy galerie Les Filles du Calvaire.

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