Sawako Kabuki et les quatre besoins capitaux


Capitaux pour ne pas dire capiteux tant il nous monte à la tête un parfum de scandale voluptueux, une fraîcheur  enivrante, un désir délectable aux effluves inavouables plongé(e)s dans les scénarii intimes de Sawako Kabuki dont les roses pastel et la couleur chair lissée d’une ligne claire animée nous enivre le corps à la galerie Miyu à Paris. Rendez-vous du 24 février au 8 avril 2023, au 101 rue du Temple, dans les entrailles de la nouvelle galerie dédiée à l’art du dessin animé pour se délecter de quatre films insensés et d’une vingtaine d’œuvres plastiques implicites,  entièrement réalisés par l’artiste japonaise Sawako Kabuki.

Les films de Sawako Kabuki sont reconnus pour aborder des sujets parfois tabous sans s’encombrer d’aucune pudeur : relations toxiques, boulimie, menstruations, tabous corporels… Mais elle dépasse la provocation pour aborder frontalement ce qui est d’habitude honteux ou caché. À travers l’exposition Butt Therapy,  l’artiste présente des œuvres originales qui dépeignent, comme elle le dit, « les quatre nécessités – ou désirs – de la vie, comme la nourriture, le sexe, le sommeil (relaxation) et l’excrétion ».

Sawako Kabuki est née en 1990 à Tokyo. C’est  son premier solo show en Europe : après avoir obtenu une licence de design graphique à l’Université d’art de Tama (Japon), elle a travaillé comme assistante réalisatrice, puis a finalisé sa maîtrise. Ses films diffusés dans plus de 20 pays (à Ottawa, Zagreb, Rotterdam, à Sundance et au SXSW festival, à Austin) ont été récompensés lors de nombreux festivals internationaux  notamment lors de l’incontournable festival international du film d’animation d’Annecy où Summer’s Puke is Winter’s Delight (2016) fut le premier film étudiant japonais primé au palmarès du festival. Quatre de ses courts-métrages : Anal Juke, Master Blaster,  Takoyaki Story et le fameux Summer’s Puke is Winter’s Delight en question sont montrés au sous-sol, dans l’espace de projection de la Galerie Miyu ; quant au film I’m Late, il sera projeté lors de séances spéciales durant toute la durée de l’exposition.

Untitled, 2022 © Sawako Kabuki

Les œuvres de Sawako Kabuki  mettent à l’honneur la nudité et la sexualité dans des animations parfois aussi comiques que dérangeantes. Le corps exulte à l’écran : il danse, il vomit, il chie, il nique, il vit ! La démarche de Kabuki et son ambition créative – thérapeutique et libre de tout tabou – explorent le matériel de son inconscient pour libérer des univers des scenarii de l’intime qui nous sont communs mais  restent indicibles. Kabuki parle de Ça !  Elle exprime nos désirs, nos humeurs, nos dégouts  avec un humour joyeux communicatif exubérant et sensuel. Son style se distingue par une animation colorée totalement libre et rythmée au tempo de musiques originales « jazzy », « minimales free » ou « électro  pop » expérimentées sur mesure par ses deux complices Shinsuke Sugahara et Seinosuke Saeki.

L’artiste, qui danse chez elle pour trouver la fluidité de l’animation qu’elle souhaite transmettre, révèle par des traits intuitifs, automatiques, des associations de pensées familières. Ainsi, les actions répétitives, presque méditatives, nécessaires pour produire ses dessins deviennent vivantes grâce à la multitude de figures animées présentes dans l’exposition. On y retrouve de façon récurrente des vagues de minuscules personnages, semblables à des fluides corporels, grouillant sous la peau, les dents et les ongles de corps dénudés, où ils sont grattés, épilés, déféqués… Instinctives et pop, convoquant par ses tonalités et l’extravagance du trait, les grandes heures du dessin psychédélique animé – on pense au « Yellow submarine » des Beatles – ses œuvres sortent du cadre ; elles débordent par le nombre de corps représentés. Ces figures dénudées font partie de ce que Sawako Kabuki appelle la « butt therapy »  : autrement dit la « thérapie du cul » ou encore pourrait-on dire  « du trou de balle » à voir défiler sur l’une de ses NFT exposée en vitrine (Freshness), les œufs de saumon entrant dans la confection d’un maki, comme autant de jolies perles oranges dans la raie des  fesses ; une façon pour l’artiste de calmer son esprit : « Cela a un effet de méditation sur moi », explique celle qui à partir de ses expériences et ses fantasmes intimes partagés, exprime la condition humaine avec une singulière drôlerie et une réjouissante maestria rarement égalée !

Freshness : Edition 1 of 1 : Freshness – 10 seconds – 1080 x 1920 px Digital animation loop.  Capture d’écran. Courtesy Gallery Miyu

Pendant toute la durée de l’exposition, la Galerie Miyu nous propose de découvrir, voire d’acquérir en ligne quatre NFT de Kabuki : Pancakes, Eggeflation, Sparkle Sprinkles, ou Freshness dont le prix de réserve s’élève à 8,8 K dollars. A vous de  faire une offre ici ! La galerie Miyu sera également présente sur le salon du dessin contemporain Drawing Now, au carreau du temple  à Paris du 23 au 26 mars prochain où elle a choisi de présenter le travail de quatre artistes : Rachel Gutgarts, Florent Morin, Cyril Pedrosa et Alice Saey. Sera alors mise en vente  sur le stand, une œuvre NFT achetable en euros  ! 

Informations complémentaires>  

Sawako Kabuki , Butt Therapy du 24 février au 8 avril.  Vernissage le jeudi 23 février, de 16h à 22h. Accueil et visites en présence de l’artiste, le samedi 25 février de 15h à 18h. Galerie Miyu, 101 rue du Temple, à Paris.

Visuel d’ouverture> Untitled, 2022. ©Sawako Kabuki, Butt Therapy

Auteures :  Véronique Godé avec le concours de Barbara Soyer

 

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