Retour vers le futur avec Phil Macquet

Qu’est-ce que la peinture ? La question peut paraître saugrenue tant la réponse semble évidente et complexe. Évidente, car chacun en possède une définition singulière et intime. Complexe, car la somme de témoins et d’écrits la considérant est paralysante. Après autant de recherches, de réflexions, de déclarations d’amour et de mort, ArtsHebdoMédias sait que le sujet est inépuisable et ne demande qu’à renaître à tout moment. Ainsi notre enquête sur le terrain durera plusieurs mois durant lesquels nous publierons, au fur et à mesure, le fruit de nos rencontres et de nos surprises. Embarquement immédiat avec la série historique de Phil Macquet.

Les toiles sont identifiables entre mille. Elles affichent leurs pixels tel un cri de reconnaissance et déroulent une histoire du siècle rock en diable. Mêlant souvenirs intimes et mémoire collective, chaque peinture se présente comme une énigme dans le fond comme dans la forme. Notre regard est séduit par les aplats de couleurs pop et la familiarité des personnages. S’extirpant du noir, ces derniers sont au cœur de l’image, agissant à différents niveaux de sa trame. La narration visuelle reprend les codes adorés de Warhol tout en s’en dégageant avec une infinie gratitude. L’œil est saisi par cette société, qui frappe, danse et s’efface, née les pieds dans la guerre mais la tête dans les étoiles de la conquête spatiale. Il y a des slogans et des cris, des faits et des secrets, des convictions et des nostalgies. L’histoire, le cinéma, la musique, la politique, le rêve, rien ne quitte jamais la toile. Elle est une mémoire persistante comme cadrée dans un éther où flotterait à jamais tout ce qui a fait la modernité.
Tout au long du mémoire, le mot infographie est employé. Nous sommes en 1991 et celui de peinture est très majoritairement appliqué à des œuvres en deux dimensions réalisées par une main agissant sur la matière. Certes, depuis longtemps, la peinture traçait sa route. Les observateurs l’avaient vu caracoler de la paroi des cavernes au bois des retables, du sacré au politique, des débats philosophiques aux textes critiques, de la figure au signe, de l’illusion à la représentation… Au XXe siècle, tel un chat, elle meurt et renaît à l’envi. Pour suivre le fil d’une pensée non exhaustive et forcément subjective, retenons Pollock faisant corps avec la toile, Fontana la transformant en concept spatial, Klein voulant en faire un monde de la couleur pure et Buren décidant d’en définir le degré zéro. Quand certains décident de s’en affranchir totalement, la peinture demeure en creux. Elle seule porte toutes les couronnes et cela malgré qu’elle n’ait pas été classée première dans la liste des beaux-arts et que le nombre de disciplines érigées à sa hauteur se soient multipliées. Il ne manquera certainement pas de voix pour venir contredire une telle affirmation, mais je n’alignerai ni statistiques, ni démonstrations théoriques pour étayer ce qui est une intime conviction forgée par l’observation et la fréquentation assidue de l’art du siècle : toute œuvre contemporaine rêve un jour d’être une peinture, car aucun mystère n’est plus irréductible que le sien. Confer les écrits de Diderot, Kant, Nietzche, Hegel, Merleau-Ponty, Heidegger, Panofsky et bien d’autres.

Liberation, 1991. ©Phil Macquet
War, 1991. ©Phil Macquet

En 1991, donc, le 4 octobre précisément, un étudiant soutient sa maîtrise en arts plastiques et sciences de l’art, à Paris 1 Panthéon Sorbonne. Sous le titre improbable pour les non-initiés d’« Association d’idées et combinatoire associé, un traitement des sources multimédia », il décide, sans l’exprimer, d’offrir à la peinture un nouveau terrain de jeu. Son objectif : réaliser avec un ordinateur de « nouvelles images chargées de leur propre autonomie ». D’emblée, il explique avoir voulu adapter sa technique de pochoir à l’espace numérique. Pour lui, la machine est en mesure de simuler n’importe quel outil. Par ailleurs geek de la génération X, il est capable d’ajouter de nouvelles fonctions automatisées aux programmes, qu’il utilise communément, pour favoriser, par exemple, le changement d’échelle, la superposition, la duplication ou la texture. Attention, si ces manipulations sont informatiques, il est résolument exclu de laisser l’ordinateur prendre le pas sur la création. Toutes ses fonctionnalités sont paramétrées pour répondre aux intentions du jeune artiste. Son exploration cherche à définir les « apports de la technique numérique mise au service d’une exigence plastique personnelle ». Exigence qu’il a ciselée dans la rue, son atelier depuis l’adolescence.

A l’époque, le street art n’existe pas… il naît

Flash-back. Enfant, il recopie des tableaux pour se faire la main et épater ses parents. Hyperactif avant l’heure, le curieux s’adonne très tôt à l’informatique. Il a 10 ans quand la firme à la pomme présente son Apple II capable d’afficher des graphiques en couleur. Dévoreur de BD, de rock et de SF, le désormais adolescent s’empare de bombes aérosols. Parce que repeindre la maison n’est pas du goût de tout le monde, il sort (en douce) la nuit… Cela paraît fou, mais à l’époque, le street art n’existe pas… il naît. De solides amitiés se nouent. Bientôt, le protagoniste de notre histoire forme Docteur Table avec un pote (François Duquenne). Leurs personnages envahissent Lille et ses environs, mais leurs expéditions nocturnes se terminent parfois au poste, voire sont suivies de croquignolesques séances durant lesquelles la maréchaussée les regarde effacer à la brosse à dent leurs frasques ! Il faut dire que les compères façonnent leur légende. Tout de noir vêtus, masque à gaz sur le nez et chapeau sur la tête, ils titillent la France tranquille. Leurs pochoirs sont des trésors, qu’ils planquent sous les bagnoles pour éviter que la police ne réduise à néant des heures et des heures de découpe dans la cave. Mais le vent tourne sans trop attendre. Le 17 mai 1987, La Voix du Nord titre : « Jef Aérosol & Docteur Table au grand jour ». Performances, commandes, entrée au musée s’ensuivent. La ligne est trop droite. Le pochoir devient à la mode, tandis que le graff américain étend son influence en France. Les sorties nocturnes sont moins amusantes et la surprise est devenue une habitude. Heureusement, l’heure est aux études supérieures, au changement de géographie et de cap. Désormais les œuvres seront numériques et signées d’un seul nom : Phil Macquet.

Dr Table Adventure, 1991. ©Phil Macquet
Skate-Rock, 1991. ©Phil Macquet

Les premières images sont en noir et blanc. Non par choix, simplement la couleur numérique n’existe pas. A cette époque, pas de stylet, pas de palette graphique non plus. La pratique est pionnière et intimement liée aux capacités de l’artiste à s’emparer de l’ordinateur pour lui faire rendre art. Fabriquer soi-même de nouveaux pinceaux représente déjà une difficulté, mais devoir apprendre un nouveau langage, s’éloigner du geste maintes fois répété, changer son rapport physique à la matière est un véritable défi, une voie très escarpée. L’incertitude du résultat, commune à toute pratique artistique, est ici décuplée car la mémoire du corps ne sert désormais à rien. La main ne sait plus comment obtenir telle nuance, telle transparence, telle découpe… Elle ne sait plus faire naître un bleu ou une lumière. Elle n’est plus au centre, mais devient un acteur périphérique tandis qu’écrire des lignes de code doit permettre l’émergence de formes sophistiquées. Un rôle qui est désormais dévolu à l’ordinateur. Le circuit de l’intention artistique à sa réalisation doit être réinventé. D’autant que Phil Macquet n’a pas l’intention de changer de discipline et encore moins de niveler par le bas sa pratique. Il sait que le chemin est étroit, mais ouvre sur un vaste territoire qu’une vie ne suffira probablement pas à circonscrire. Le garçon est enthousiaste : bidouiller l’informatique l’a toujours amusé.
Collectées depuis des années, les images sont classées par sujet et par genre. Elles ont été choisies pour leurs « qualités graphiques ou émotionnelles », également pour leur sens et leur puissance d’évocation. Certaines proviennent d’animations vidéo, d’autres doivent être numérisées. Si les sources iconographiques sont très diverses, il faut noter que nombre de photographies ont été réalisées en vue d’un tableau précis. La découpe du pochoir est un moment crucial. Il s’agit de rendre évidente une forme dont la compréhension initiale est liée autant à son environnement qu’à la complexité des conditions de son apparition. Elle doit être simplifiée, mais aussi redessinée, tout en demeurant explicite en dehors de son réel d’origine. Qu’il s’agisse de la rendre effective sur un mur ou sur un écran. Mais vouloir transférer cette pratique d’un médium à un autre nécessite une analyse fine du processus de création initiale. Non seulement de la technique élaborée au fil d’un apprentissage souvent long et répétitif, mais aussi des intentions qu’elle sert. Il faut pouvoir mettre en place les conditions d’un retour au « sentiment de naturel ». Retrouver avec la génération de pixels la même sensation qu’avec une bombe aérosol, redimensionner chaque intervention sans perdre le plaisir de la composition et de la narration. Phil Macquet doit projeter son monde à l’échelle d’un écran.

Paris, 1991. ©Phil Macquet
East Ketchup, 1991. ©Phil Macquet

L’« effet pixel » deviendra sa marque

Le problème avec les technologies numériques est qu’elles ne sont pas admises comme les techniques picturales. En tant que médium, la peinture est utilisée, regardée, depuis tant de générations qu’elle dit quelque chose même à ceux qui s’en moquent. Point n’est besoin d’être un amateur pour se sentir en familiarité avec elle. Son pouvoir artistique est reconnu et indiscutable. Il est même possible d’observer un phénomène d’adhérence tel que n’importe quelle touche de peinture peut être envisagée comme une œuvre potentielle, même involontaire, elle est en mesure d’en revendiquer le statut. Autant dire que ce n’est pas le cas pour les peintures numériques qui, dès l’origine, sont entachées de « technicité », le savoir-faire n’arrivant pas à être attribué à l’humain qui, cependant, est aux commandes de la machine. Pourtant, les questions du peintre demeurent les mêmes. A commencer par celles liées au support. Avec les premiers scanners, les images sortent en noir et blanc et l’analogie avec les pochoirs se fait facilement. Mais leur texture est bien différente. Il n’y a plus de distinction entre le support et la peinture. Une autre réalité se fait jour : le support et la peinture ont une même trame. Tout n’est que pixels. L’artiste décide de l’assumer pleinement. L’« effet pixel » sera recherché et deviendra sa marque. Autant dire que plus d’une fois, il s’est vu demander des images en meilleure définition par ceux qui avaient envie de reproduire ses œuvres dans un journal ou autres ! Le parti pris artistique est resté longtemps ignoré, voire inaccepté. Avant d’être repris un peu partout, même sur des tableaux tout en châssis et en toile !
Petit rappel : le pixel est l’unité de base de la résolution, soit le nombre maximal de points que peut contenir un écran. Plus cette dernière est importante, meilleure sera la définition de l’image réalisée. Car tout ce que l’ordinateur affiche peut apparaître comme une magie mathématique, qui traduit des suites de 0 et de 1 en image, certes, mais aussi en musique, vidéo, et autre texte. Cet aspect spectaculaire préoccupe l’artiste qui comprend sans attendre que le danger est de voir « le procédé engloutir le résultat ». Il explique notamment que l’ordinateur et son programme sont capables d’afficher plus de 16 millions de couleurs, alors que les productions infographiques ne donnent lieu en majorité qu’à un chromatisme, certes intense, mais « bien peu raffiné ». Là encore, il lui faut tout réapprendre. Les couleurs mises à disposition par la machine ne sont pas les mêmes que celles qu’il utilise depuis l’enfance et leur apparition bénéficient par défaut d’une lumière identique. Autant de paramètres qu’il faut s’approprier. L’artiste doit absolument inventer ce qu’il nomme une « pauvreté calculée », en d’autres termes une palette de couleurs qui lui sera propre. Une attitude qu’il doit cultiver à tous les niveaux pour éviter le « prêt-à-créer ». Car les immenses qualités de la machine peuvent aussi se retourner contre l’art. Ainsi, grâce à l’automatisation de nombreuses tâches, tout un chacun se trouve en mesure de produire quelque chose. Certes l’occupation est plus proche du loisir créatif que de la pratique artistique, mais cette simple mise à disposition jette la suspicion sur les qualités de ceux qui utilisent l’ordinateur en artiste.
Tout ne serait-il donc que difficulté ? Non. Et parmi les choses qui ont convaincu Phil Macquet, il y a le caractère malléable du « matériau » numérique, dont les caractéristiques de transparence et de couleurs peuvent être paramétrées finement et modulées à l’envi, ainsi que la capacité de revenir à volonté sur la dernière opération effectuée. Ce qui est si évident aujourd’hui est nouveau à la fin des années 1980. Le repentir exercé très largement depuis des siècles devient « indolore ». Il ne laisse plus de traces. L’artiste peut véritablement essayer pour voir. La composition n’est pas obligée de s’accommoder ou d’être effacée, elle acquiert une souplesse en même temps que l’artiste ressent un sentiment accru de liberté. Notons que cette fonctionnalité, après avoir été améliorée, permet aujourd’hui de découvrir l’exécution complète d’une œuvre. Geste après geste. Ainsi David Hockney a-t-il eu cette générosité lors de la première exposition de ses peintures numériques à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, à Paris, en 2010. Les visiteurs pouvaient y voir se construire sous leurs yeux un bouquet de fleurs acidulées comme s’ils observaient les mains du peintre par-dessus son épaule. Avec infiniment plus de facilité d’ailleurs que ce qu’il avait fallu d’imagination et de moyens à Cluzot pour réaliser (magistralement) une scène du Mystère Picasso (1955) où l’œil du spectateur pouvait suivre le pinceau du maître. Mais revenons à l’artiste britannique. Il a commencé à peindre sur (et pour) écran grâce à l’apparition de l’iPhone en 2007. Pratique de peinture qu’il n’a jamais abandonnée et a toujours revendiquée comme une part pleine et entière de son œuvre.

1930, 1991. ©Phil Macquet
Fears, 1991. ©Phil Macquet

Un panthéon plein de justes et de super-héros

Si Hockney et Macquet usent des outils numériques pour peindre et que tous les deux aiment les couleurs pop, ils cultivent une différence fondamentale : les œuvres du premier n’ont pas vocation à sortir de l’écran (elles sont d’ailleurs exposées la plupart du temps dans leur appareil d’origine ou alors projetées), tandis que celles du second n’existent vraiment qu’au moment où elles sont tirées sur un support. Pendant des années, Phil Macquet n’a pas souhaité montrer ses toiles (donc n’a pas exposé), car, précisément, il n’avait pas trouvé la matière susceptible de servir ses intentions plastiques. La série réalisée pour son diplôme de maîtrise avait à l’époque été tirée sur papier, faute de mieux et par obligation universitaire (l’étudiant se devait d’exposer des travaux). A ce moment de l’histoire, être peintre ne pouvait pas s’entendre en dehors d’une certaine matérialité. Ce qui, finalement pour Phil Macquet, reste vrai. Il lui aura fallu de nombreux essais infructueux pour trouver la « toile » idéale : une bâche de marque italienne ni complètement lisse, ni complètement texturée, qui offre une « définition parfaite » de ses pixels, en plus d’une stabilité remarquable. Résistante au feu et au chlore, elle a été choisie pour durer. Autant les pochoirs sur les murs de la ville intégraient leur part d’éphémérité, autant ceux d’aujourd’hui visent une longévité supérieure à celle de leur auteur. Phil Macquet a choisi d’inscrire son travail dans la durée.
Comprenez, ce texte est écrit parce qu’une excellente nouvelle vient de tomber : la série de 1991, composées de 13 toiles, va être enfin réalisée et montrée. A l’époque, l’artiste aurait pu fanfaronner. Combien sont-ils à obtenir un tel résultat ? De surcroît par eux-mêmes. Peu, très peu, pour ne pas écrire moins encore ! Mais l’important n’a jamais été la « prouesse ». Ce que voulait l’artiste, c’était que chaque tableau produise le même effet à plusieurs mètres que celui offert par l’écran 13 pouces situé juste devant son nez. « Contrastes et aplats compris ! » Pour ce faire, il a non seulement dû trouver la fameuse bâche, mais aussi détourner une chaîne graphique complète, dérégler des machines industrielles pour qu’elles n’interprètent pas l’image de base, pour les obliger à respecter la définition de chaque pixel et à projeter de l’encre quasi sérigraphique. Impossible, dans ces conditions, de tirer plus d’une toile par demi-journée. Un détournement et une lenteur qui s’inscrivent en faux contre l’automatisation, l’accélération, la standardisation qui collent aux pratiques numériques. Depuis plus de 40 ans et les expéditions à la bombe aérosol, Phil Macquet enrichit sans cesse sa peinture au détour d’une nouveauté technologique ou pas. Ainsi, dès 2013, il expose à Miami (on n’est rarement prophète en son pays) ses premières peintures augmentées, pratique qu’il qualifie de street digital. Certains pochoirs peuvent s’activer grâce à une application pour que le regardeur puisse accéder, via une tablette, à un au-delà de l’œuvre livrant vidéo, musique, décors… en lien avec le sujet de la toile. Aujourd’hui, l’artiste s’intéresse évidemment à l’IA. Mais rien ne sortira de l’atelier qui n’ait été « plié » à sa main. Malgré des résultats parfois spectaculaires, Phil Macquet n’accorde aucun esprit créatif à la machine. Il apprend à se servir de l’intelligence artificielle, mais n’a pas encore déterminé si elle fera, un jour ou l’autre, partie de ses « pinceaux ».

Musik, 1991. ©Phil Macquet
Rock, 1991. ©Phil Macquet

Dans son imaginaire et dans sa pratique, ce qu’il fait est pop et rock. Impossible de l’ignorer. Tombé dans la marmite du temps en 1967, il en porte tous les stigmates. Pour son premier anniversaire, les Beatles sortent leur 9e album et Warhol fête ses 40 bougies. Un vent de liberté et d’insolence souffle sur le monde de tous les arts. Il y a dans la trajectoire de l’Américain, tant personnelle, que professionnelle et artistique, bien des points propres à inspirer le jeune Lillois. Non qu’il développe une fascination de fan, mais plutôt qu’il identifie des points de convergence. Nul doute que le choix d’une expression aux accents urbains qui intègre sujets populaires, esprit comics, couleurs franches, procédés machiniques, répétitions et superpositions de récits, n’est pas le fruit du hasard. Sans même avoir besoin de s’appesantir sur le choix d’un double cursus (art et informatique) qui le mènera à développer une œuvre et une entreprise, tout comme son aîné. Si Phil Macquet colle à son époque par une exploration méthodique des avancées technologiques, il n’oublie jamais l’histoire avec un grand H, celle de l’univers, de l’humanité, des arts et des sciences. Curieux compulsif, travailleur acharné, il apprend de tout. De la nature qu’il parcourt sans compter à pied, à vélo ou survole aux commandes d’un avion biplace, des découvertes archéologiques ou spatiales, de la musique comme de la peinture. Son panthéon est plein de justes et de super-héros ! Chez lui, tout fait épopée. Mais personne n’entre dans son atelier, jamais. Car il n’y a, paraît-il, rien à voir. Manière simple et directe de se ménager un espace de totale liberté.
Dr Table Adventure, East Ketchup, Fears, Femme Esthetis, Liberation, Mecanik Marilyn, Musik, Night Mare, Paris, Rock, Skate-Rock, War composent la série de 1991. Tout ce qui aujourd’hui est la marque de l’artiste s’y trouve déjà. Non, l’œuvre ne bégaie pas, elle repose sur de solides piliers. Le « système Macquet » s’autoalimente et se rafraîchit sans cesse à l’air du temps et de ses technologies. Chaque toile est un précipité, une narration formée par réaction entre différentes substances en solution : considérations plastiques et déploiements de références forment un maillage irréductible. Rien n’y est hasardeux, à peine une petite bavure de peinture industrielle est-elle à l’occasion acceptée ! Les scénarios s’enchaînent au pixel près,célébrant l’interaction entre l’artiste et un certain progrès. Phil Macquet rappelle sans se lasser que l’évolution des techniques provoque toujours une autre façon de créer. Elle ouvre des perspectives et, parfois, exauce ce que seuls les écrits d’anticipation ont su appeler de leurs vœux. Une logique comprise très tôt en découvrant l’histoire de l’art du XIXe siècle, quand impressionnisme et pointillisme frayent avec les travaux sur la décomposition de la lumière blanche de Newton et la loi du contraste simultané des couleurs de Chevreul. Phil Macquet a compris alors que si la peinture est éternelle, c’est avant tout parce qu’elle sait demeurer actuelle.

Mecanik Marilyn, 1991. ©Phil Macquet
Femme Esthetis. ©Phil Macquet

Contact> Site de l’artiste.

Image d’ouverture> Night Mare, 1991. ©Phil Macquet

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