Quand le MAXXI bat le pavé

Dès les années 1960, les artistes se sont emparés de la rue, la considérant comme un territoire potentiel de combat politique, intellectuel et social. S’appuyant sur leur héritage, le Musée national des arts du XXIe siècle (MAXXI), à Rome, a entrepris d’explorer l’évolution tant des définitions que des fonctions octroyées à cet espace particulier ces vingt dernières années, à travers l’interprétation qu’ont pu en faire les artistes comme les architectes et les urbanistes. Des recherches dont le fruit prend la forme d’une exposition singulière, The Street. Where the world is made, à découvrir jusqu’à fin avril.

Angry Sandwich People, Chto Delat, 2006.

Prenant pour point de départ le postulat selon lequel « la rue est le lieu où le monde se crée » – une conviction brandie dès le titre de l’exposition –, l’équipe curatoriale du musée, conduite par son directeur artistique Hou Hanru, a choisi de l’aborder tour à tour « comme un manifeste de la vie contemporaine, un scénario et un point de vue privilégié, mais aussi un paysage dans lequel les créateurs et les citoyens donnent vie à une nouvelle communauté et à un nouveau monde de créativité urbaine », selon leur texte d’intention. Plus de 200 œuvres signées par quelque 140 artistes du monde entier – citons parmi eux Adel Abdessemed, Yael Bartana, Eric Baudelaire, Cao Fei, Sam Durant, Jimmie Durham, Olafur Eliasson, Kendell Geers, Jeppe Hein, Thomas Hirschhorn, Alfredo Jaar, Barbara Kruger, Carsten Nicolai, Rirkrit Tiravanija, Sissel Tolaas ou encore Raphaël Zarka – sont ainsi réunies pour évoquer un espace public qui, non seulement fait partie des infrastructures fondamentales de l’activité humaine, mais est aussi un lieu de rencontres, de croisements et d’expérimentations. Le parcours s’articule autour de sept grands chapitres. « Street Politics » s’intéresse à la rue en tant que théâtre de moments de fête et de célébration collective comme de tensions sociales, de protestations et de résistance au pouvoir en place. « The Good Design » rassemble des œuvres la considérant comme une plateforme idéale pour tester diverses innovations technologiques, notamment en matière de communication, de mobilité et de développement durable, à l’image des prototypes de véhicules imaginés par le Mexicain Pedro Reyes (Ciclomóvil) ou l’Italien Patrick Tuttofuoco (Velodreams), pour ne citer qu’eux. Immigration, minorités, diversité et vivre ensemble sont parmi les thèmes abordés dans la partie intitulée « Community », où la rue, véritable laboratoire, occupe une place centrale dans le développement d’une conscience collective. Une fresque monumentale réalisée in situ par les street artistes du groupe espagnol Boa Mistura et les bancs à vocation sociale en forme de cercle (Modified Social Benches), conçus par le Danois Jeppe Hein, sont deux des pièces témoignant de recherches menées en ce sens. « Everyday life » vient rappeler combien la rue, empruntée pour aller travailler, se détendre ou se nourrir, fait partie de notre quotidien ; ceux qui y vivent, en marge de la société et/ou exclus, sont également présents dans la réflexion développée ici. La cinquième étape du parcours, « Interventions », regroupe exclusivement des œuvres vidéo – moyen essentiel d’observation du monde contemporain, le médium occupe une place particulière dans toute l’exposition – d’une trentaine d’artistes ayant adopté le territoire urbain comme cadre de leurs performances, notamment. Le très intéressant chapitre « The open institutions » se propose de montrer comment le musée s’est peu à peu approprié les caractéristiques de la rue, d’une part en accueillant des expériences, travaux et recherches conçus pour l’espace urbain et, d’autre part, en devenant un lieu ouvert et de partage, dans lequel des événements se déroulent et se succèdent, davantage qu’un lieu de protection d’un patrimoine partagé, sa définition initiale. Enfin, « Mapping » met en exergue les points communs relevés entre les thèmes explorés par les artistes contemporains et les axes de travail, liés à la ville d’aujourd’hui comme du futur, des architectes et des urbanistes. Il y est question, pêle-mêle, de circulation (des biens et des personnes), d’élévation et de construction. D’utopie aussi.
L’exposition s’accompagne également d’un cycle de conférences transdisciplinaires et de performances, toutes en accès libre : en mars, le Chinois Lin Yilin présentera The back, spécifiquement pensée pour l’occasion, et en avril, le collectif italien Office for a Human Theatre partira à la rencontre des habitants de deux banlieues de Rome. Avec The Street. Where the world is made, le MAXXI initie un passionnant débat sur le futur de la vie en milieu urbain, ainsi que sur le rôle présent et à venir que les institutions artistiques et culturelles peuvent y jouer.

Contact

The Street. Where the world is made, jusqu’au 28 avril au MAXXI à Rome.

Crédits photos

Image d’ouverture : Angry Sandwich People, 2006 © Chto Delat, courtesy KOW Berlin – Velodream (Riccardo) © Patrick Tuttofuoco, courtesy Padova and Federica Schiavo gallery – Untitled 2005 (Green Woman on the Traffic Light) © Anna Scalfi – A Needle Woman © Kimsooja, courtesy galleria Raffaella Cortese – The Devil You Know © Kendell Geers, photo Lydie Nesvadba courtesy a/political – Ink Media © Chen Shaoxiong – RMB City: A Second Life City Planning © Cao Fei, courtesy Vitamin Creative Space – © Boa Mistura – Modified Social Benches A-K © Jeppe Hein, courtesy König galerie, 303 gallery et galleri Nicolai Wallner

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