L’œil sensible de Geoffrey Posada Serguier

Montrer, éditer, publier, diffuser est le credo de Corridor Eléphant qui, chaque année, sort une douzaine d’ouvrages et met en ligne plus de cent cinquante expositions. Tout au long de l’année, ArtsHebdoMédias vous invite à entrer dans un univers auquel notre partenaire a consacré un livre. En juin, nous vous proposons de tourner les pages de L’abri de nos regards de Geoffrey Posada Serguier. Interview.

Corridor Elephant. – Qu’est-ce qui vous a conduit à la photographie ?

Geoffrey Posada Serguier. – Le travail de Diane Arbus, ma rencontre avec Francis Helgorsky, la réalité qui va souvent trop vite pour moi et ce besoin d’arrêter les choses pour les voir, pour donner la vision d’une autre réalité.

L’abri de nos regards, Geoffrey Posada Serguier, Corridor Éléphant éditions, 38 euros.

Comment vous est venu le « désir » de cette série ?

Les sujets de ce livre étaient quotidiennement devant mes yeux avant que je choisisse d’en faire une série. Le premier confinement dû à la pandémie du covid a été un révélateur. Les seules personnes restant dans les rues étaient celles qui y étaient déjà. Il a été question de montrer ce que je voyais déjà. James Baldwin disait que « ni l’amour ni la haine ne vous rendent aveugle : c’est l’indifférence qui obscurcit votre vue ». Un appareil photo, c’est aussi un œil ouvert pour les autres, pour leur cœur, leur esprit, leur conscience. Pour que les choses voyagent en eux et que le regard change.

Comment définiriez-vous votre photographie ?

Les sujets sur lesquels je choisis de travailler me montrent que je vais toujours vers une photographie liée à l’humain, à son rapport au monde, aux autres et à lui-même. Une photographie reste une interprétation, elle prend le réel pour l’emmener ailleurs, et ensuite y revenir. Je pense que cette étape est la forme poétique elle-même, qui existe par la photo et par tout ce avec quoi elle entre en résonance lorsque quelqu’un la voit. Cette traversée-là est la plus importante. Photographier, c’est sortir une image du réel pour que celui qui la voit vienne ensuite lui-même lui trouver une autre place.

Marko, L’abri de nos regards. ©Geoffrey Posada Serguier

Quel regard portez-vous sur le monde qui nous entoure ?

Un regard inquiet car notre monde est détruit à grande vitesse, critique car seulement certains d’entre nous sont aux commandes de cette destruction générale, mais aussi bienveillant car la plupart des gens subissent ce système et en sont les victimes. Les choses vont mal et la tentation, outre l’indifférence, est de répondre par du cynisme. Je crois que le cynisme nourrit le mal qu’il voudrait combattre. J’essaye de montrer les choses par leur beauté, même celles que je dénonce. La sensibilité des gens est un levier énorme pour porter un autre regard sur le monde et le faire évoluer.

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Image d’ouverture> Marinella et Marius, L’abri de nos regards. ©Geoffrey Posada Serguier

Antonio, L’abri de nos regards. ©Geoffrey Posada Serguier