Leporello de couleurs
par Alain Clément

La galerie Catherine Putman accueille jusqu’au 19 mars le travail d’Alain Clément. Aux cimaises des peintures sur papier et des reliefs en bois peints. Superpositions de formes et de couleurs, transparence et légèreté, courbes et entrelacs animent des compositions à la rythmique endiablée. En nous offrant cette exposition, la galeriste parisienne poursuit un travail exigeant qui sert opportunément la singularité de l’artiste.

L’exposition d’Alain Clément à la galerie Catherine Putman montre les multiples aspects du talent de l’artiste. Nous sommes plus souvent habitués à ses grands formats, inspirés des grands peintres de l’art américain comme Stella, De Kooning sans compter les œuvres de Matisse dont on retrouve l’audace et la vitalité, mais dans ce travail plus intimiste, la particularité de Clément réside dans l’échelle corporelle de ses gestes. Le pinceau vit sur le support, s’étire et se charge avec une spontanéité toute en maîtrise comme si la couleur ne devait en aucun cas faire route toute seule. Le dessin, les lignes tracées qui la couvrent ou la révèlent l’accompagnent jusqu’au bout, jusqu’aux bords de la toile où la figure se précipite hors champ.
Les œuvres de la galerie Putman sont une sélection d’eaux-fortes, de gouaches et aquarelles ainsi que de petits reliefs muraux. Ils nous rappellent que Clément est aussi graveur, sculpteur, et qu’il accorde ici une livraison inattendue, dont la cohérence et la vitalité ajustent couleurs, formes et matériaux.

Sans titre, gouache sur papier. ©Alain Clément, Galerie Catherine Putman

Les gravures et œuvres sur papier déclinent des transparences, des superpositions de couleurs formées de lobes entrelacés, de larges entrelacs qui ne cessent de rappeler la patte matissienne des séries Jazz. Or c’est un véritable rythme que l’on découvre dans ces œuvres.
Alors que parmi les plus récentes d’autres semblaient dessiner les contours de leur propre contenant, les coups de brosse s’arrêtant net au bord du support, délimitant des sortes de carrés, on découvre dans cet accrochage discret la rondeur et la danse de tracés bulbeux, de couleurs actives et réactives où les pièces s’articulent, dialoguent les unes avec les autres. Qu’il s’agisse des gouaches et des strates colorées qui s’entrelacent en courbes, ou des gravures aux tracés affirmés et terriblement solides, ancrées dans le périmètre du papier, le plaisir de la peinture est présent partout et éveille le regardeur qui passe d’un support à l’autre sans lassitude. Le spectateur est pris dans cette musique picturale, il emporte en farandole les formes d’une œuvre à l’autre jusqu’à en composer sa propre superposition.
L’accrochage présente en vis-à-vis des gouaches des reliefs muraux, extirpés tout droit de la peinture, comme si cette dernière se hissait hors support avec une très grande liberté, son besoin d’espace.

Sans titre, relief mural en bois peint, 2019. ©Alain Clément, Galerie Catherine Putman

Ces reliefs sont en bois découpés, peints de couleurs très vives, jaunes, rouges éclatants, tous contenus dans le cadre sobre des torsions plates, mesurées. Le relief ne doit pas excéder une dizaine de centimètres du mur et environ 40 à 50 cm de surface. Il est intéressant de noter que ces reliefs reprennent une tradition des bas-reliefs, dont l’Italie chère à Clément a laissé des traces dans l’intelligence de la découpe. Ni angelot ni personnage héroïque mais des lignes de force puissantes tressant leurs couleurs dans un ordonnancement très énergique.
En réalité et à y bien regarder, ce qui est nouveau dans cette exposition c’est la tranche du pinceau. Jusque-là il circulait à plat-corps sur la toile pour l’ensemble des gestes qui structure la forme, ici le geste se termine ou commence (?) en biseau, la plus grande charge de pigment se trouve au centre dans le ventre de la forme et finit sa course dans un pincement ambigu. On peut dire cela car la forme semble gonflée et en volume mais toutes les figures restent plates, le volume est créé par les superpositions de couleurs, les lignes de dessin les poursuivent, s’attrapent de temps à autre mais la profondeur se joue du réel. Il y a plusieurs plans, de l’air et de l’espace et pas de volume réel. Lorsque le volume existe réellement et n’est pas une illusion de profondeur, il aplatit sa figure jusqu’à en rendre une surface plate, la profondeur est alors la distance qui sépare l’œuvre du mur mais son recto est toujours plat, il effleure notre espace à l’image d’une surface picturale. Pas de pique, pas d’extension, le volume ne fend pas l’espace, il l’habite, à la fenêtre de la peinture.
Contact> Alain Clément, jusqu’au 19 mars 2022, Galerie Catherine Putman, Paris.
Image d’ouverture> A gauche, Sans titre, gouache sur papier. A droite, Sans titre, gouache et aquarelle sur papier, 2019. ©Alain Clément, Galerie Catherine Putman

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