A l’occasion du cinquantenaire de Mai 68, les institutions culturelles bruxelloises ont articulé une partie de leur programmation autour d’un projet commun intitulé « 2018, année de la contestation ». C’est dans ce cadre que le Centre d’art contemporain la Centrale présente, jusqu’au 27 janvier, Résistance, à la fois exposition d’envergure et plate-forme d’actions et de réflexions où sont explorées les différentes façons dont la contestation et la résistance s’inscrivent dans le corps des œuvres d’art.
On arrive doucement au bout de cette année de commémoration de Mai 68, avec l’effet paradoxal de muséifier une contestation pour mieux l’anesthésier. Résistance, qui s’est ouverte à La Centrale, s’éloigne de ces sables mouvants. Les choix de la curatrice Maïté Vissault laissent une large place aux artistes contemporains et s’intéressent, à travers quelques œuvres marquantes, aux pratiques artistiques qui ont pu trouver un prolongement chez des créateurs d’aujourd’hui.
D’emblée, la mise en espace de l’exposition atténue l’effet musée pour se rapprocher d’une déambulation dans un quartier occupé avec ses barricades, ses calicots et ses murs qui parlent. Il y a 50 ans, les artistes étaient invités à sortir de leur tour d’ivoire et à se joindre aux voix de la rue. C’est ce qu’a fait Jochen Gerz en apposant au pied des célèbres statues dans l’espace public un petit autocollant portant la mention Attention l’art corrompt. L’exposition montre une grande photo d’un Michel-Ange rappelé à l’ordre en Italie et a eu la bonne idée de rééditer les autocollants à destination des visiteurs pour qu’ils puissent, s’ils le souhaitent, poursuivre l’action. En 1968, Marcel Broodthaers (1924-1976) était un des artistes à investir le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et à l’occuper en solidarité avec les mouvements étudiants. Il y avait laissé un Drapeau noir et ouvert le Département des Aigles, chez lui, quelques mois après pour contester l’autorité des musées.
Chez les artistes, la résistance peut s’exprimer de manière détournée, par le choix des matériaux pauvres, voire dégradables. Robert Filliou (1926-1987), avec ses Boîtes optimistes, désacralise l’œuvre d’art réduite à un fragment de pierre ou témoigne, à l’aide d’un balai et d’un seau, que La Joconde est dans l’escalier. Dieter Roth (1930-1998) a façonné des sculptures humbles et touchantes à partir de déchets et de matières alimentaires. S’imaginait-il alors que les directeurs de musée s’arracheraient aujourd’hui les cheveux pour arriver à conserver ses œuvres ? Face à un mur où s’affichent les désormais iconiques sérigraphies produites par les Ateliers populaires de l’ex-école des Beaux-Arts de Paris, Dan Perjovschi s’est emparé d’un mur façon street art-graffiti-cartoon pour détourner les symboles et les slogans de notre présent. Pour Emmanuel Van der Auwera, la première résistance est dans le regard pour ne pas accepter au comptant les images du discours dominant. Il le traduit dans une installation où un cache de plastique lacéré est posé devant les images de commémoration du 11 Septembre. Cécile Massart a consacré l’essentiel de son travail d’artiste à la question nucléaire. A la Centrale, elle a installé l’esquisse du Shelter studio qu’elle se propose d’établir à proximité de la centrale de Tihange (au sud-ouest de Liège). En octobre, elle y passera de nombreux après-midi pour y accueillir les visiteurs. (…)
Dans le cadre d’un partenariat engagé avec notre consœur belge Muriel de Crayencour, fondatrice et rédactrice en chef du site d’actualité artistique belge Mu-inthecity.com, nous vous proposons de poursuivre la lecture de cet article d’un clic.