La création à quatre mains célébrée à Aubusson

Alors qu’est fêté cette année le dixième anniversaire de l’inscription par l’Unesco des savoir-faire de la tapisserie d’Aubusson au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité, la Cité internationale de la tapisserie offre de découvrir, jusqu’en octobre, deux expositions revenant respectivement sur le tournant marqué dans l’histoire de l’art par les premières éditions de la Biennale de Lausanne – dédiée, entre 1962 et 1995, à la tapisserie contemporaine – et sur les liens complices noués depuis plus de 150 ans entre les maîtres lissiers des Ateliers Pinton, installés à Felletin, et des artistes de tous horizons.

Aedicule, Charlotte Lindgren, 1967.

En 1962, la ville de Lausanne accueillait la toute première Biennale internationale de la tapisserie. Porté essentiellement par le Français Jean Lurçat (1892-1966) et le Suisse Pierre Pauli (1916-1970), le projet avait pour ambition de mettre en exergue le dynamisme et l’inventivité de la tapisserie contemporaine, plus particulièrement à travers des œuvres de très grandes dimensions venues de France et de Suisse, mais aussi des Pays-Bas, d’Allemagne, du Canada, d’Italie ou de Pologne. Les compositions des artistes polonais – Magdalena Abakanowicz (1930-2017), Jolanta Owidzka, Wojciech Sadley – seront parmi celles qui marqueront alors le plus les esprits. Le mur et l’espace, l’exposition actuellement présentée au Centre culturel et artistique Jean Lurçat d’Aubusson, s’intéresse aux quatre premières éditions de la biennale qui furent à l’époque qualifiées de véritable séisme en matière de création textile : en sept ans, le paysage mondial de la tapisserie fut radicalement transformé, ses règles, usages et techniques remis en cause ; en témoignaient alors les nombreuses pièces en trois dimensions, qui peu à peu s’imposaient face aux réalisations murales, ainsi que l’incursion de techniques telles la broderie ou le tissage. Fruit d’un travail de recherche mené en collaboration avec la Fondation Toms Pauli de Lausanne, l’exposition réunit quelque 35 œuvres illustrant notamment la production murale française classique, à travers les travaux de Jean Lurçat et de ses amis peintres-cartonniers (Mario Prassinos et Michel Tourlière), ainsi que ceux de certains grands peintres tissés par les manufactures nationales ou les ateliers d’Aubusson (Picasso, Delaunay, Estève). D’autres tapisseries de lisse montrent la diversité de la production européenne et américaine ; elles sont signées du Belge Roger Somville (1923-2014), des Britanniques Maureen Hodge et Archie Brennan, de la Suisse Françoise Ragno, de la Québécoise Mariette Rousseau-Vermette (1926-2006) et de l’Américain Jan Yoors (1922-1977), pour ne citer qu’eux. En regard, sont accrochées les pièces des artistes polonais mentionnés plus haut ainsi que plusieurs créations tridimensionnelles réalisées par l’artiste suisse Arthur Jobin (1927-2000), le Français Pierre Daquin, la Canadienne Charlotte Lindgren ou encore la Croate Jagoda Buić.
Chaque été, la Cité de la tapisserie est par ailleurs en charge du commissariat d’une exposition présentée au sein de l’église du Château de Felletin, non loin d’Aubusson. L’édition 2019 de l’événement met à l’honneur le savoir-faire des Ateliers Pinton, installés depuis 1867 dans la commune. Une trentaine de tapisseries et d’œuvres graphiques viennent souligner les liens ayant toujours existé entre les artisans lissiers de cette entreprise familiale et les artistes contemporains. Parmi les œuvres les plus récentes, citons celles produites en collaboration avec Jean-Michel Othoniel, Marc Couturier, Benjamin Hochart et le street artiste Dem 189. A noter que la notion de tapisserie à quatre mains sera au cœur des animations organisées à Aubusson à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine, les 21 et 22 septembre prochains : rendez-vous est ainsi donné au public à la Cité internationale de la tapisserie pour découvrir en détail le processus de création d’une tapisserie, depuis le carton jusqu’à la « tombée de métier », moment solennel où l’œuvre est séparée du support ayant permis sa réalisation.

Contacts

Le mur et l’espace – Séismes dans la tapisserie aux Biennales internationales de Lausanne 1962-1969, jusqu’au 6 octobre à la Cité internationale de la tapisserie à Aubusson.
La Maison Pinton, jusqu’au 27 octobre à l’église du château de Felletin.

Crédits photos

Image d’ouverture : Vue de l’exposition Le mur et l’espace – Séismes dans la tapisserie aux Biennales internationales de Lausanne 1962-1969 (au premier plan, détail de Elsi Giauque (1900-1989) © Elsi Giauque, photo Cité internationale de la tapisserie – Aedicule © Charlotte Lindgren, photo collection Fondation Toms Pauli – Winterwood © Maureen Hodge – Vue de l’exposition La Maison Pinton © Photo Ateliers Pinton – Mospalis © Pierre Daquin, photo Archives CITAM – La nuit blanche © Wojciech Sadley

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