La belle envolée du Hangar Y

Bel endormi depuis plus de quarante ans, ce bâtiment historique de Meudon, qui a accueilli en 1884, le premier vol mondial d’un dirigeable avant de devenir le premier musée de l’Air et de l’Espace, réouvre sous forme d’un lieu culturel et évènementiel dont la programmation inédite mêle les thématiques science, nature et art. Pour son inauguration, le Hangar Y présente Dans l’air, les machines volantes, une exposition à découvrir jusqu’au 10 septembre. Le 3 juin prochain, dans le cadre de Nuit Blanche, de 18h à 23h, le Hangar Y propose une soirée dédiée à la danse contemporaine qui se déploiera dans tous ses espaces, sous la direction artistique de Benjamin Millepied : Exaltations !

Posé au cœur d’un parc de 9 hectares situé à l’orée du domaine forestier de Meudon (92), cet incroyable hangar de fer et de briques apparentes, emblème de l’architecture industrielle de la fin du XIXsiècle, retrouve toute sa splendeur sous les bons hospices du groupe Culture et Patrimoine et du mécène Frédéric Jousset. Dotée d’une extraordinaire façade de verre, s’étirant sur 70 mètres de longueur pour une hauteur de 23 mètres en faîtage, ce nouveau lieu d’art du Grand Paris accueille depuis ce printemps expositions temporaires, ateliers créatifs et expérience immersive. Le parcours artistique se poursuit dans le parc, rythmé par les œuvres signées d’une vingtaine d’artistes internationaux, parmi lesquels Kiki Smith, Subodh Gupta ou encore Wang Keping. La découverte multisensorielle de l’endroit passe également par le Perchoir Y, restaurant bistronomique inspiré des guinguettes de l’ouest parisien, et joliment perché au-dessus du bassin de Chalais.

Jalsa de Subodh Gupta. ©Photo Matthieu Joffre

Mais revenons sur l’inauguration du lieu, qui a confié à Marie-Laure Bernadac, en collaboration avec Blanche de Lestrange (Art Explora), le commissariat de sa première exposition en hommage à la fonction première du Hangar Y, et nous propose d’explorer l’histoire de l’aéronautique à travers peintures, sculptures monumentales, installations, ou encore maquettes, archives et photographies. Dès l’entrée et avant même de monter aux étages, l’imposante sculpture de l’artiste coréenne Lee Bul, Willing to be vulnérable, imitant la forme d’un dirigeable rappelle l’histoire du lieu et souligne, s’il en est besoin, ses dimensions hors du commun. La dépouille dégonflée suspendue comme un rideau de Bertrand Lavier, bel écho aux montgolfières, et l’aéronef grandeur nature de Roman Signer qui pique du nez sous l’élégante structure métallique annoncent elles aussi une belle envolée.

L’accrochage riche de plus de 150 œuvres se poursuit sur les deux mezzanines situées de part et d’autre de la grande nef, et passe en revue les moyens d’élévation et de transport aérien qui ont su inspirer nombre d’artistes, depuis la Renaissance et les fameux croquis de Léonard de Vinci, jusqu’au élucubrations poétiques de Laure Prouvost, les ailes de Rachel Labastie et la fusée couleur « Barbie » de Sylvie Fleury, en passant par le célèbre Voyage sur la lune de Georges Méliès ou encore les curieuses machines de Panamarenko.

Adel Abdessemed, Model for Madame Butterfly, 2022. Média mixte
 20 × 49 × 49 cm 
Courtesy de l’artiste et de Galleria Continua (San Gimignano, Pékin, Les Moulins, La Havane, Rome, Sao Paulo, Paris, Dubaï)

Autres belles surprises à découvrir au fil de cette balade dans les airs, quelques-unes des plus belles maquettes de soufflerie de l’exceptionnelle collection Seydoux, et plus loin l’étonnante « escadrille d’art brut » extraite des chefs-d’œuvre de la collection du LAM (Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut). Un choix érudit et éclectique qui nous fait résolument voyager dans le temps et dans l’espace, et nous invite à découvrir ou redécouvrir l’une des plus fabuleuses épopées des temps modernes !

A l’extérieur, et à voir les nombreuses sculptures et installations qui parsèment l’écrin de verdure entourant le bassin, l’art paraît avoir toujours habité le parc. À commencer par Jalsa, l’œuvre de Subodh Gupta, réplique à l’échelle réduite du Hangar Y et réalisée par l’artiste indien comme il aime à le faire en une joyeuse accumulation d’ustensiles de cuisine de récupération. L’improbable et scintillant édifice bruisse sous l’effet du vent et réserve la surprise en son intérieur d’être équipé d’un bar cuisine prêt à recevoir, soyons en sûr de belles performances gustatives. Un grand bronze de Wang KepingDécouverte, semble en garder sagement l’entrée.

Tony Cragg, Mean Average, 2018. DR

Plus loin en longeant la rive, la poésie se poursuit avec la découverte de Florian & Kevin, les « courgettes » XXL de Sarah Lucas, drolatiques sculptures mais aussi peut-être bancs géants sortis tout droit d’un conte pour enfants, tandis que Cold Moon, l’arbre blanc d’Ugo Rondinone se mire dans le plan d’eau. La promenade n’est pas finie, qui passe encore par Animanitas, la forêt de clochettes japonaises de Christian Boltanski dont le carillon évoquait pour lui « la musique des astres et la voix des âmes flottantes », s’arrête autour de l’étrange Teath fontaine de Kiki Smith, mâchoire géante suggérant à la fois émerveillement et effroi, pour finir par croiser les gentils monstres Geraldine et Party Animal de grès ou de marbre de Stefan Rinck.

Teath fontaine de Kiki Smith. ©Photo Jean-Marc Dimanche

Les œuvres ont bel et bien envahi le lieu tout entier et il nous faut nous enfoncer dans les sous-bois pour toutes les découvrir, en notant que quelques-unes d’entre elles seulement sont pérennes mais que ce nouveau parcours d’art en plein air évoluera bien sûr au cours des saisons et des thématiques d’exposition.

Peut-être faut-il retenir de cette échappée belle à seulement quelques encablures de Paris, que ce nouveau lieu dédié à l’art n’est pas tout à fait comme les autres, tant par sa diversité d’activités que par son engagement à accueillir tous les publics sur un site historique magnifiquement restauré, et pourrait-on dire même réinventé. De fait, en parcourant ce domaine tout juste réveillé, on ne peut s’empêcher de penser qu’il est né des suites de la grande exposition universelle de 1878, au temps des premiers dirigeables et des débuts de l’impressionnisme… ce qui peut prêter à rêver, et pourquoi pas, entourés de toutes ces œuvres, nous donner à nous aussi la folle envie de nous envoler !

Stefan Rinck, Party Animal.©Photo Jean-Marc Dimanche

Infos pratiques> Exposition inaugurale Dans l’air, les machines volantes, jusqu’au 10 septembre 2023, Hangar Y, 9, avenue de Trivaux 92360 Meudon. www.hangar-y.com

Samedi 3 juin, de 18h à 23h : Exaltations, programmation de danse contemporaine dans les espaces du Hangar Y sous la direction artistique de Benjamin Millepied. Production du Paris Dance Project, en coproduction avec la Philharmonie de Paris et le Hangar Y, avec le soutien de Richard Mille et de la Ville de Meudon. Chorégraphes invités : Mellina Boubetra, Anna Chirescu, Jerson Diasonama, Alexandre Fandard, Anatole Hossenlopp, Leïla Ka, Sixtine Manigot. Plasticiens invités : Diane Cherry, Margot Pietri, Marie de Villepin, Dhewadi Hadjad, Arda Asena.

Gratuit – réservation en ligne obligatoire : infos ici

Visuel d’ouverture> Le Hangar Y – Week-end de préouverture octobre 2022 –  Art Explora, ©photo TLMALP – Salvador Banyo

 

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