Henri Landier, une vie de liberté au bout des pinceaux

Pour ses 70 ans de création, le peintre-graveur Henri Landier, âgé de 86 ans, ouvre son atelier au public du 12 mai au 26 juin avec une rétrospective de sa production dantesque, aux couleurs chatoyantes. À découvrir au 1 rue Tourlaque, à quelques pas de l’ancien atelier de Toulouse-Lautrec.

À Paris, certains quartiers comme celui de Montparnasse ou de Montmartre font résonner les noms de grands artistes que l’on célèbre sans relâche dans les musées et collections du monde entier. Au sud, Giorgio de Chirico, Amedeo Modigliani, Vassili Kandinsky, Max Ernst, Joan Miró ou encore Alberto Giacometti. Au nord, Edgar Degas, Vincent Van Gogh, Pablo Picasso, Salvador Dali… ont créé le mythe de l’artiste bohème cher à la butte. Et c’est à deux pas de l’ancien fief de l’un d’entre eux et non des moindres, Henri de Toulouse-Lautrec, au 1 rue Tourlaque précisément, que l’on trouve le dernier grand atelier d’artiste indépendant, encore vivant, ouvert au public : celui du peintre-graveur Henri Landier.

Discret tout autant que rebelle, l’artiste est à la tête d’une production artistique foisonnante, composée de plus de 5000 peintures et 2000 gravures, qu’il presse lui-même dans son grand atelier de la butte. Attaché au travail artistique, Henri Landier travaille du matin au soir depuis sept décennies, à observer et à traduire le monde qui l’entoure avec autant d’innocence que de profondeur. Loin des diktats des white cube, ces galeries d’art aux murs blancs impersonnels, il entretient un lien privilégié avec son public et ses collectionneurs, hors des conventions.

Henri Landier dans son atelier, 2022.

Libre et rebelle, Landier arrive très tôt à Montmartre, à dix-sept ans à peine, pour conquérir le monde de la peinture. Il peint alors un Paris aux teintes sombres mais ne s’en sort pas. Pauvre et bohème comme le veut la tradition locale, il s’embarque quelques années dans la marine marchande et en rapporte un amour de la mer inconditionnel, et une palette chatoyante qu’il promènera désormais au gré de ses créations.

Féru de voyages et de découvertes, l’amoureux de la butte peint alors le quartier des cabarets, des spectacles et des célébrités, croisant tour à tour Brassens, Michou ou Ferré qu’il campe dans des portraits dessinés, peints et gravés. Observateur de son temps, Henri Landier s’attache aussi bien à documenter artistiquement les cités dortoirs comme Chanteloup-les-Vignes, que les régions d’Europe qui le fascinent. Ainsi, il passe plus de trente ans à saisir l’âme de Venise entre gravures, dessins et aquarelles maîtrisées, au dégradé d’ocres rouges aux roses poudrés. Une Venise vivante, saturée de bâtisses, et peuplées de gondoliers et de promeneurs. Puis l’œil de l’artiste s’attarde sur les paysages toscans qui fleurent bon la dolce vita. Ou encore sur la Bretagne et ses paysages maritimes où les vagues rappellent quelquefois la fougue d’un Hokusai. Henri Landier se tourne également vers d’autres contrées : des villes européennes à l’instar de Prague dont il capte l’intensité lumineuse, ou Maastricht dont il traduit avec brio l’ambiance chaleureuse et flamboyante du carnaval. Et d’autres terres européennes encore nourrissent sa création : de Londres à Iéna, de Chypre à Gibraltar, d’Édimbourg à Lausanne…

La vague blanche, huile, 2020. ©Henri Landier

Boulimique, Landier poursuit sa quête artistique au travers de séries d’autoportraits et de portraits de célébrités et d’inconnus, de femmes et de musiciens. Ici, un clown au regard fragile, là, un violoniste à l’allure romantique et plus loin, un nu féminin aux couleurs chaudes sur un fond saturé de motifs disposés en all over. Tantôt le motif abonde, tantôt il s’assagit derrière des figures souriantes aux regards par moments apaisés, par moments « intranquilles » ; ou encore il prend la forme de géométries abstraites et finit par disparaitre dans un geste minimaliste.

Dans l’atelier de Landier, on entend des mélodies jazzy courir sur de grandes toiles vivantes, au milieu des musiciens et leurs instruments hauts en couleur. Puis viennent les natures mortes et les bouquets de fleurs parme, ou jaunes, qu’on se surprendrait presque à humer. L’univers de Landier regorge de vitalité, et c’est précisément ce témoignage d’une vie riche si variée que l’artiste nous offre en une sélection d’une centaine d’œuvres, entre eaux-fortes, aquatintes, dessins et huiles. L’installation laisse entrevoir également les presses à bras dont l’artiste se sert encore régulièrement. Et quand on quitte enfin l’atelier montmartrois de l’artiste octogénaire, on a comme l’impression d’emporter avec nous un bout de sa vie foisonnante et d’avoir voyagé bien au-delà de la butte aux artistes. « Je suis donc je peins. Je suis dans la peinture, je suis la Peinture », dit-il et nous le croyons aisément.

Au revoir Montmartre, huile, 1954. ©Henri Landier

Contact> Henri Landier : 70 ans de voyage et de création dantesque !, du 12 mai au 26 juin 2022, à L’Atelier d’art Lepic, 1 rue Tourlaque, 75018 Paris. Ouvert de 14h à 19h sauf le lundi. Entrée libre et pour tout public.

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