Fréquence Anarkhé jusqu’en août au Centre Wallonie Bruxelles

Attention, le Centre Wallonie Bruxelles brouille les ondes ! Qu’elles soient sonores, magnétiques, aériennes, temporelles, électroniques, ou gravitationnelles, ce sont toutes les (bonnes) ondes qui se donnent en spectacle au Centre Wallonie Bruxelles, à Paris dans le cadre du stratosphérique festival (((INTERFÉRENCE_S))) jusqu’au 17 août 2024. Lancé le 24 mai dernier, le festival s’inspire largement de l’univers spatial et plus particulièrement du Voyager Golden Record, qui lors d’une mission lancée en 1977, par la NASA  visait à envoyer deux dispositifs contenant « les sons de la terre » telles des bouteilles à la mer dans l’espace.

Fort de cette image vertigineuse,  le « Vaisseau belge » abrite cet été les œuvres d’une trentaine d’artistes de tous horizons, visant à décrypter ce que peuvent être les ondes d’un point de vue sensible avec une prédominance d’œuvres sonores. On pourra y admirer entre autres, le  Pendule acoustique  de Virgile Abela, assurément cousin du pendule de Foucault à la différence que celui-ci utilise le mouvement et la gravité pour produire des sons, une innovation conçue avec le CNRS à Marseille ; y rencontrer d’immenses papillons de nuit et plonger dans la réalité des paysages du film VR de Heewon Lee, The Rain, révélée par les poignants témoignages de femmes ; apprécier le son plus léger d’une ravissante collection de mobiles en verre filé signée Julie Krakowski et Florence Cats, et parmi d’autres curiosités vibrantes, y découvrir une mangeoire à messages pour nos amis les pigeons…

L’installation Eunoé de Clarisse Calvo-Pinsolle, au Centre Wallonie Bruxelles © A. Bouyssoux

Le festival (((INTERFÉRENCE_S))) se compose ainsi d’une exposition, d’un jardin sonore et d’une série de performances produites lors du week-end d’ouverture. Ces performances, aussi appelées « fulgurations d’œuvres » au Centre Wallonie-Bruxelles, font entrer l’évènement dans la catégorie des « Anarkhé-expositions » (1), terme imaginé par Stéphanie Pécourt, directrice des lieux. Le terme fait référence aux « an-architectures » de Gordon Matta Clark, architecte rendu célèbre par ses 
building cuts, littéralement « coupes d’immeubles » qu’il opérait dans le Bronx des années 1970 pour protester contre l’austérité ambiante. Faire des trous dans les immeubles en ruine lui permettait alors de questionner la légitimité de l’anarchie en opposition avec un environnement urbain devenu grotesque de dépérissement. Une façon de donner un bon coup de balais anarchiste aux lieux d’exposition souvent laissés en proie à la jachère conformiste.
L’Anarkhé-exposition a une dimension plus spectaculaire et spontanée qu’une exposition classique. L’accent y est mis sur des œuvres réalisées spécialement pour l’événement et parfois même in situ. Beaucoup de supports artistiques y sont déployés comme le cinéma, le spectacle vivant, la performance, la réalité virtuelle, l’installation, et ce, de manière quasi simultanée pour un résultat explosif !

L’installation Incantations de Julie Krakowski & Florence Cats au Centre Wallonie Bruxelles ©A. Bouyssoux

Tant pis alors si vous n’avez pu voir fonctionner Vivre dans du papier aluminium de Charlie Aubry, artiste aux nombreuses casquettes, dont l’installation a été réalisée avec les rebuts de l’exposition précédente  produisant un champ magnétique avec lequel il compose de la musique ! Tandis que  Clara Levy, violoniste et scénariste, rendait hommage à la musique médiévale autant qu’au minimalisme des années 1970 dans une envoûtante œuvre scénique, Thomas Teurlai détournait une machine à laver pour en faire un outil de spectacle sons et lumières. « Ces performances n’auront existé que par le souvenir qu’elles auront laissé à celles et ceux qui les auront vues », tel est le jeu de la perf et de l’Anarkhé voulu par la maîtresse de cérémonie.

La machine à laver modifiée de Thomas Teurlai  © A. Bouyssoux

En s’attaquant à un sujet relevant des lois physiques, le festival (((INTERFÉRENCE_S))) encourage entre autre, à se poser davantage de questions sur le travail scientifique, qui à l’époque dans laquelle nous vivons a besoin plus que jamais de visibilité. Il n’est pas seulement destiné « aux créateurs de musique de toutes les galaxies et de tous les temps » (2) mais ravira aussi initiés et novices en matière d’arts contemporains avec une grande variété dans les types d’œuvres présentées.

(1) Selon Stéphanie Pécourt, une anarkhè-exposition est un territoire liminal où cohabitent des œuvres matérielles et immatérielles, comme des œuvres sonores et où des traces d’agentivités persistent dans l’espace : archives, artefacts de gestes performatifs développés lors de sa mise en acte. Une anarkhè-exposition donne à imaginer ce qui y fut vécu et à projeter des états postérieurs. Elle est le réceptacle de performativités humaines et non humaines – où est célébré autant le « genius loci » d’artistes que d’éléments comme des éléments végétaux, liquides… Elle échappe par principe à sa totale maîtrise et à toute aspiration à la conservation. Octobre 2023.

(2) Les Voyager Golden Records contenaient les sons de la terre enregistrés sur deux disques de cuivre sur lesquels était gravé manuscritement : To the makers of music – all worlds, all times.

Informations pratiques> L’Anarkhè-exposition : 
Lundi, mardi, mercredi, vendredi, samedi de 11h à 19h, 
jeudi de 14h à 21h. En entrée libre. Du 24 mai au 17 aout 2024 Centre Wallonie Bruxelles, 127-129 rue Saint-Martin 75004 Paris. Tel : 01 53 01 96 96. www.cwb.fr

Visuel d’ouverture> image extraite de la vidéo  Son seul de Felix Blume