Écrire, dessiner

Elle est écrivaine et elle dessine. Elle a publié deux romans, plus récemment un livre de dessins, et elle travaille régulièrement avec des artistes et des musiciens : Magali Brénon révèle sa pratique dans une discussion avec Geneviève Hergott, artiste et cofondatrice des éditions « solo ma non troppo ». Ce texte est un extrait d’une publication de notre partenaire TK-21. Pour profiter de l’intégralité, il vous suffira de cliquer !

Geneviève Hergott. – Comment a surgi chez toi, qui es écrivaine, la pratique du dessin ? De quelle façon est-elle venue accompagner ton quotidien et ton travail d’écriture ?

Magali Brénon. – J’ai toujours écrit dans des cahiers ou carnets, en associant aux mots dessins automatiques et motifs librement composés. Il y a chez moi une relation spontanée au dessin à côté de toute forme manuscrite d’écriture. Pourtant je n’ai jamais pensé que je dessinais. À une période, dans le contexte complexe d’un emploi salarié, j’ai commencé à saturer de couleurs des feuilles, Post-it, enveloppes, prospectus ou journaux pour répondre au gris comptable d’une situation professionnelle devenue absurde. Puis des mots sont venus s’inscrire dans les dessins : pense-bêtes ou notes pour l’écriture. Ces mots se passaient de phrases pour exprimer certains aspects de mon quotidien ou du monde, en y créant des discordances.

Y a-t-il une façon d’avancer dans ton écriture qui se rapproche de ce que tu fais en dessin, ou est-ce l’inverse ?

J’écris à partir de listes de mots empruntés à des choses lues ou entendues. Mes dessins, eux aussi, multiplient les sources, outils et couleurs, font se télescoper formes et supports. Dans le dessin comme dans l’écriture j’assemble des fragments, je mélange les registres, les rythmes. Cela crée des harmonies comme des dissonances, jamais de l’uniformité.

J’ai vécu au sein d’un poeme lyrique, 2022
21 x 21 cm. ©Magali Brénon

Comment se passe le va-et-vient entre les deux pratiques ?

La circulation entre dessin et écriture est constante. Les recherches pour écrire en passent par le dessin, qui se fait avec les outils de l’écriture, parfois un peu de peinture. Ce qui s’écrit dans le dessin n’a rien à voir avec ce que je rédige ensuite. Mais les trouvailles qui découlent du dessin viennent jouer sur le rythme de ce qui va s’écrire. Pour les rencontres en librairie, ou les expositions, je prélève du vocabulaire dans les dessins et j’écris des textes qui donnent une lecture possible de ce qui est vu. Si l’écriture s’inscrit dans le dessin, le dessin se redistribue dans l’écriture, qui retourne au dessin ; ils se recyclent et se mettent en abyme.

Comment collabores-tu avec des artistes et des musiciens ?

C’est la même relation. Dessiner avec un autre artiste, avec un enfant, entendre une voix donner ses propres résonances à l’un de mes textes me dévie de mes trajectoires. Les collaborations sont l’occasion de renouvellements ; écrire des fictions pour des artistes impacte aussi mes pratiques. Tout est matière à travailler. La collaboration, j’y tenais aussi pour la forme que prendrait mon livre Bonne continuation. Mon corpus de dessins devait en passer par un regard autre. L’éditrice Charlotte Othman et Dune Lunel, pour la conception graphique, ont inscrit leur point de vue dans ce livre en privilégiant lisibilité et rapports colorés, sans sacraliser les dessins en tant qu’objets. Ce livre est le fruit d’un travail éditorial pluriel.

Hexomedine transcutanee, 2020
29,7 x 21 cm. ©Magali Brénon

Suite de la discussion sur le site de TK-21. Cliquez !

Image d’ouverture> Dessin ©Magali Brénon