Des Migrations pendulaires aux Voisins avec Frédéric Taddeï Ange

Frédéric Taddeï Ange inscrit son art dans l’économie de moyens et la proximité d’un espace familier, en capturant avec un téléphone portable des images à partir desquelles il fabrique des compositions élaborées avec ce même outil. Il revient sur la genèse, l’évolution et le sens d’un travail aux multiples ramifications, les Voisins. Ces propos ont été publiés par TK-21 et nous vous proposons de les découvrir dans le cadre d’un partenariat qu’ArstHebdoMédias entretient désormais avec la revue. Première ouverture à un regard commun qui s’enrichira de mois en mois.

« Ma manière de photographier n’est jamais qu’une tentative de retournement de mon être social et de ma destinée, une projection, une défense psychique ou tout autre procédé qui relève de ma subjectivité et qui ne prétend à rien d’autre que de s’exercer dans l’infini possible du territoire qui m’est le plus familier et qui s’impose à moi comme un horizon.
L’idée que la source d’un projet photographique se trouverait dans l’espace immédiat de l’auteur ou bien encore dans la temporalité de ses déplacements réguliers m’est venue à partir de 2018.
Je décidai à cette époque de mettre à profit mes déplacements en transports en commun en photographiant les paysages urbains que je traversais quotidiennement en banlieue sud de Paris. J’entamai ainsi une série que j’appellerai plus tard les Migrations pendulaires. Le paysage urbain défilait sous mes yeux sans que je n’aie rien d’autre à faire que de déclencher, je jouais sur la vitesse de déplacement en mettant à profit la fonction rafale de mon appareil photo numérique. Les conditions de répétition du « voyage » participaient aussi du résultat, avec la possibilité de photographier un site plusieurs fois dans des conditions de lumières différentes. J’obtenai ainsi des images assez « rêveuses » du fait des superpositions et des effets résultant du mouvement.

Frédéric Taddeï Ange, Lonjumeau, 2019, série les Migrations pendulaires.

Selon les écoles, réalistes ou pas, on pouvait s’offusquer du fait que ces images ne rendaient pas compte de la situation de contrainte économique — pourquoi ne pas photographier les voyageurs ? — ou au contraire apprécier que ces vues restituent une certaine poésie propre au paysage. Quoi qu’il en soit, je choisis à ce moment-là une esthétique qui me soulageait de ma condition, je passai d’un statut de personne qui doit faire la navette entre son domicile et son lieu de travail à celui d’un voyageur pouvant accéder à une forme de contemplation.
Fort de cette expérience, j’ai considéré par la suite que la contrainte d’évoluer dans un espace familier était une chance et m’évitait de ruminer sur la frustration possible de ne pas être dans tel ou tel endroit « extraordinaire », voire dans une situation exotique politiquement parlant.
Dès mon emménagement à Ablon-sur-Seine en 2011, je m’étais intéressé à différents espaces, rivières et plans d’eau, jardins partagés, parcs paysagers, plus tardivement les bords de l’Orge. Mais c’est en 2021, dix ans plus tard, que je décidai de mettre de côté mon boîtier numérique pour utiliser un smartphone Androïd, afin de me donner la possibilité d’être disponible en permanence pour répondre à des stimulations visuelles — j’avais déjà expérimenté la photophonie avec un smartphone première génération dès 2008. Suite de l’article sur le site de TK-21.

Frédéric Taddeï Ange, Copropriété, série l’Orge 2023.

Image d’ouverture> Frédéric Taddeï Ange, Faux semblant, série L’Orge, 2023.

 

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