Pour sa première exposition personnelle en Belgique, au BPS22, l’artiste mexicaine Teresa Margolles rassemble des pièces produites au Mexique, au Venezuela, en Croatie, ainsi qu’à Charleroi où elle est venue s’imprégner de la réalité économique et sociale. Une œuvre forte qui interroge les violences subies et les résistances qui en émergent.
Ce sont les mêmes façades aveugles, volets baissés, peinture écaillée. Les auvents défraîchis et salis pendouillent de lassitude, les murs couverts ici de tags, là-bas de traces de balles. Quelques panneaux délavés affichent sans trop d’espoir A Louer ou Se Vende. On est à Charleroi et à Ciudad Juárez. Les photos ont été réalisées dans les deux villes par l’artiste mexicaine Teresa Margolles. Invitée par le BPS22, pour une première exposition monographique en Belgique, elle a fait cinq séjours à Charleroi. Elle y a découvert une pauvreté et un délabrement social qu’elle n’attendait pas. Les chapelets de commerces réduits à l’inactivité sont une conséquence de la violence économique en Belgique en bordure de la Sambre comme ils sont un effet de la violence des gangs au Mexique sur les rives du Rio Bravo. Le titre de l’exposition, Te alineas o te alineamos (Tu t’alignes ou on t’aligne), gravé en grand sur un des murs, est un des dix commandements que l’artiste a rassemblés à partir des messages laissés par les narco-trafiquants à côté des corps de leurs victimes. Une injonction de soumission dont la portée est tout aussi valable dans le pays noir que dans l’état de Chihuahua. L’ordre économique peut être aussi impitoyable que celui des armes.
La grande halle, c’est l’espace qui accueille la ou les pièces maîtresses d’une exposition. Ici, c’est d’abord le vide qu’on perçoit et puis, en son centre, un cube d’acier forgé, une tonne d’acier récupéré sur le site de l’aciérie de Carsid, en démantèlement non loin du musée. Un geste minimaliste et culotté pour rendre compte du sentiment qui l’a envahie quand elle s’est promenée dans l’ancienne ville industrielle. Pour répondre à cette absence, des présences. Celle des sans-abris, ces morts sociaux, dont elle a pris l’empreinte des visages qui s’alignent comme des masques mortuaires (notre photo d’ouverture). De l’autre côté du vide, sur le mur qui fait face, des petits haut-parleurs qui diffusent les confessions sans filtre de ces laissés-pour-compte du système. Il faut coller son oreille pour les entendre dans toute leur force. Un peu plus loin, c’est un autre message brut et hypnotique qu’on entend dans la vidéo Pička. Ce mot, qui désigne la chatte en croate, est inlassablement répété par une jeune femme de la communauté LGBT, victime de nombreuses violences sexuelles. T-shirt blanc, pantalon noir, elle déambule comme un animal sauvage, lâchant face caméra ce mot unique qui la hante comme un mantra cathartique. (…)
Dans le cadre d’un partenariat engagé avec notre consœur belge Muriel de Crayencour, fondatrice et rédactrice en chef du site d’actualité artistique belge Mu-inthecity.com, nous vous proposons de poursuivre la lecture de cet article d’un clic.