Benoît Barbagli : la photographie pour faire émerger la joie !

Plus l’effondrement frappera fort et plus la joie sera nécessaire : tel est le manifeste du catalogue de la première exposition solo de Benoît Barbagli  Tout autour l’eau à la galerie Eva Vautier à Nice, vernie le 25 novembre 2022 et qui s’achève le samedi 28 janvier, pour laisser place à une rétrospective Fluxus à l’occasion du 60e anniversaire du mouvement.  Mais ne sommes-nous pas déjà face à un bel héritage, tandis que le jeune photographe se questionne sur l’éthique de l’image et l’empreinte qu’elle laisse, brouillant les pistes des questions d’auteurs ou de modèles lors de prises de vue dans la nature, à la fois libres et préméditées lors d’une performance collective *.

Créer du commun est un acte de résistance affirme Benoît Barbagli qui collabore depuis 2018 avec le collectif PALAM (du latin « en présence de ») dont il est un des membres fondateurs. « Ce qui m’intéresse n’est pas temps la technicité en photographie mais la plasticité humaine qu’elle convoque et dont elle se saisit », explique Benoît Barbagli qui se place lui-même au sein du groupe en tant que modèle et utilise le protocole de l’appareil photo volant qui passe littéralement de main en main lors de la prise de vue.

Benoît Barbagli, Atlas Collectif, 2022
130 x 104 cm
3 exemplaires – crédits photos : courtesy de l’artiste et de la galerie Eva Vautier

« Et puis, c’est, dit-il, une bonne manière de déconstruire 2000 ans de patriarcat à fortiori lorsqu’il s’agit d’un regard sur des corps nus ; mais aussi de flouter la notion même d’auteur et de modèle. Et puis l’eau à cette capacité de « dé-genrer » les corps nus. » L’absence de vêtement engendre une résurgence archétypale des mythes a constaté Benoit Barbagli, dont les photographies s’approchent parfois, de la peinture, et font penser à certains états de grâce peints par les Préraphaëlites, autant qu’à leurs dogmes. « À plusieurs, nus, immergés dans l’eau, se déconstruisent les sophistications de notre culture, se redessinent les rapports immédiats dont la nature est le premier lien, omniprésent, indépassable, précise l’artiste. Lors de la création d’une image, ce n’est ni la composition, ni l’originalité visuelle ou conceptuelle qui est recherchée ; c’est la résonance harmonique des liens et des émotions entre individus entourés par la nature, qui pour Benoît Barbagli, compose une esthétique : une éthique de la perception. Un des prismes de cette série « Tout autour l’eau était d’ailleurs de désexualiser les corps le plus possible. »Dans un des grands clichés exposés à la galerie Eva Vautier, trois jeunes gens, immergés dans la transparence aigue marine d’une calanque où se reflète l’azur d’une journée printanière, portent une pierre recouverte d’une algue : Sisyphe collectif ! Mais quel rapport avec le mythe ? « Que peuvent quelques corps immergés nageant en cercle sous l’eau, sans vêtement, sans outil, sans parole, nous interroge l’artiste. En guise de réponse : quelques mouvements frénétiques pour atteindre la surface, prendre une respiration et replonger, en apnée, en apesanteur ? L’action photographiée ici est tout aussi dérisoire que celle de Sisyphe – déplacer une pierre prise sous l’eau d’un endroit à l’autre. « A la différence près, reprend Barbagli, que l’action s’opère à trois. Sans ce commun, la pensée écologique déraisonne, alors que les limites planétaires sont dépassées une à une », reprend l’artiste qui n’a pas terminé sa démonstration. Petit 1, réunir les conditions propices à la photographie de groupe dans la nature pour faire émerger la joie tel est le protocole de Barbagli. Mais que peut donc la joie ? « Elle est le liant de nos interactions, une puissance d’agir, de construire collectivement, explicite l’artiste avec ferveur. En rendant possible le commun, elle devient un acte de résistance. C’est un outil à usage révolutionnaire ! »

© Benoît Barbagli : Tetis et Chronos, Eros et Chronos, Helios et Chronos, Crédits photos : courtesy de l’artiste et de la galerie Eva Vautier

L’exposition est introduite par trois sculptures de gypse et de ciment posées sur une table au centre de la pièce principale : les colonnes de l’anthropocène, comme trois empreintes 3D témoignant de données scientifiques climatiques à l’aune du temps (chronos. Helios et Chronos illustre la courbe des variations des températures terrestres depuis 2000 ans, Tetis et Chronos, celle de la montée des eaux depuis 300 ans ; Eros et Chronos interprète la biodiversité et ses effondrements successifs depuis 600 millions d’années. L’une tient debout l’autre se répand, et la troisième semble échouée. Tandis que les œuvres sculpturales de Barbagli témoignent d’une façon d’être au monde, ses empreintes (emprunts) photographiques tendent vers d’autres alternatives : Tout autour l’eau, c’est tout autour la vie !

© Benoit Barbagli, Vue de l’exposition Tout autour L’eau ! Courtesy de l’artiste et de la galerie Eva Vautier

*Dans le cadre du festival d’art vidéo  Ovni, à l’étage de la galerie étaient projetés le film Immersion, qui raconte la genèse des photographies de l’exposition, ainsi qu’une série de vidéos crées par les artistes Mona Barbagli, Tristan Blumel, Evan Bourgeau,  Aimée Fleury, Camille Franch-Guerra et Justine Leroy.

Informations pratiques> Tout autour l’eau,  du 27 novembre au 28 janvier 2023Exposition personnelle de Benoît Barbagli

Galerie Eva Vautier, 2 rue Vernier Quartier Libération 06000 Nice. Du mercredi au samedi de 14h à 19h
. Tous les jours 24/24 sur la boutique en ligne www.eva-vautier.com – galerie@eva-vautier.com Tél. : 09 80 31 76 63

Visuel d’ouverture> Benoît Barbagli, Sisyphe Collectif III, 2021- crédits photos : détail, capture.  ©orevo