Balade en photographie à l’Abbaye de l’Epau

Chaque année depuis 2013, l’Abbaye de l’Epau, située près du Mans, accueille un ensemble thématique d’expositions photographiques. Après « la terre », « le voyage », « l’engagement et la citoyenneté », c’est la notion d’itinérance qui est mise à l’honneur à l’occasion de la septième édition de la Saison photographique de l’Epau. Présentées en grand format au sein même de l’édifice cistercien, mais aussi suspendues aux branches d’un arbre, plantées au beau milieu d’une pelouse ou sur le bord d’une des allées du parc, les œuvres de huit artistes – l’Allemande Karolin Klüppel, le Belge Bernard Mottier, les Français Alexa Brunet, David Richard et Sébastien Tixier, le Mexicain Alejandro Cartagena, le Slovène Matjaz Krivic, ainsi que l’Américaine disparue Dorothea Lange – sont à découvrir jusqu’au 4 novembre.

Extrait de la série Mädchenland, Karolin Klüppel, 2013-2015.

« Est itinérant celui qui va d’un lieu à un autre, qu’il se mette en chemin pour le bout du monde, en bas de chez lui, ou nous invite à un voyage immobile. A mi-chemin entre “l’itinéraire”, que l’on peut préparer et que l’on suit, et “l’errance” par laquelle on se laisse porter au gré du hasard, “l’itinérance” est au cœur des enjeux qui animent nos sociétés aujourd’hui. » Ces quelques mots introduisant la programmation photographique 2019 de l’Abbaye de l’Epau laissent augurer de la diversité des parcours comme des démarches des artistes invités, interrogeant tour à tour, entre poésie et gravité, la relation à l’autre, le rapport à l’environnement, la mémoire collective ou encore les évolutions de la société. Comme en écho aux reportages de son aînée, Dorothea Lange (1895-1965), qui avait placé la condition humaine au cœur de ses préoccupations, et dont est présenté un extrait du travail documentaire réalisé auprès d’ouvriers agricoles migrants américains dans la seconde moitié des années 1930 (Le récit de la migration), le Mexicain Alejandro Cartagena livre une singulière galerie de « portraits » de travailleurs, tous comptant parmi ses concitoyens (Carpoolers), saisis selon le même angle, sans doute depuis un pont, alors qu’ils sont transportés à l’arrière d’un pick-up (notre photo d’ouverture). Avec sa série Dystopia (2012-2015), Alexa Brunet a entrepris, non sans un certain humour noir, de dresser un panorama prospectif du monde agricole français, en mettant en scène une multitude de conséquences possibles des dérives du secteur observées depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est dans le monde industriel que Matjaz Krivic invite pour sa part le spectateur à entrer : La route du lithium (2016) livre le fruit d’une enquête menée par le photojournaliste slovène sur ce métal alcalin – considéré comme la pierre angulaire du bouleversement électrique annoncé dans l’automobile –, depuis son extraction jusqu’à son utilisation en tant que source d’énergie, en passant par les conséquences de son exploitation sur l’environnement, notamment en Bolivie et en Chine.
C’est à une autre forme de voyage que nous convient, chacun à leur manière, l’Allemande Karolin Klüppel et le Français Sébastien Tixier. La première a passé neuf mois dans le village de Mawlynnong, au nord-est de l’Inde, auprès de la communauté Khasi dont les femmes occupent un rôle dominant : la mère y transmet héritage et nom de famille, la plus jeune de ses filles devenant la gardienne du patrimoine familial ; c’est à ces fillettes qu’est consacrée la série Mädchenland (2013-2015). Le second nous embarque à bord du mythique Transsibérien, à la rencontre de ses passagers, des bourgades et paysages traversés, soit « 146 heures de train, réparties sur huit jours sans escales, photographiées depuis la fenêtre », précise-t-il. C’est un moment de pause, entre ombre et lumière, de douce tranquillité en noir et blanc, que nous propose quant à lui Bernard Mottier au sortir d’un séjour de quelques mois auprès des moines de l’Abbaye d’Orval, dans le sud-est de la Belgique. De répit, encore, il est question avec David Richard et sa série Sur un air d’autoroute, succession d’instants saisis lors des temps de détente que s’accordent les automobilistes lors de leurs longs trajets. « Les aires d’autoroutes du sud de la France sont pendant la période estivale des “non lieux” extrêmement fréquentés de jour comme de nuit, rappelle le photographe montpelliérain sur son site Internet. (…) L’aire de repos devient dans ces moments de halte le théâtre de scènes de vie banales et en même temps extraordinaires par la juxtaposition des situations, des nationalités, des classes sociales et par le lieu même où se jouent ces instants de vie. » Une programmation hors les murs, déployée sur les grilles de l’Hôtel du Département, dans l’enceinte de la gare et jusqu’à l’écluse de Solesmes permet de prolonger le plaisir de la découverte en compagnie des travaux de Nicolas Lund (jusqu’au 5 juin), de Gildas Corouge et du collectif Endurance photos (du 7 juin au 7 juillet), d’Alexis Berg (de mi-juillet à octobre), de Jean-François Mollière (d’octobre à décembre), et d’Erik Johansson (jusqu’au 22 septembre).

Contact

Saison photographique de l’Epau 2019, jusqu’au 4 novembre à l’Abbaye Royale de l’Epau à Yvré-l’Evêque, près du Mans.

Crédits photos

Image d’ouverture : Vue de l’exposition de la série Carpoolers d’Alejandro Cartagena à l’Abbaye Royale de l’Epau © Alejandro Cartagena, photo Abbaye Royale de l’Epau – Dystopia © Alexa Brunet – La route du lithium © Matjaz Krivic – Mädchenland © Karolin Klüppel – © Sébastien Tixier – © Bernard Mottier – Sur un air d’autoroute © David Richard

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