A seulement deux heures en Thalys de Paris, La Haye, siège du parlement des Pays-Bas et de la Cour internationale de justice de l’Onu, a longtemps souffert de la comparaison avec la très touristique capitale qu’est Amsterdam. Ce ne sont pourtant pas les atouts qui lui manquent : avec son charmant centre historique, ses musées à la réputation internationale et sa station balnéaire, Scheveningen, la ville néerlandaise et ses environs regorgent d’idées de visite et d’activités qui en font une destination de week-end parfaite pour qui aime l’histoire, l’art et le vélo ! C’est en deux roues, en effet, que nous vous proposons un mini-circuit « art contemporain » offrant de découvrir notamment les expositions de Yayoi Kusama, Jaume Plensa et du duo formé par Ute et Werner Mahler, respectivement présentées au Musée Voorlinden, au Musée Beelden aan Zee et au Musée de la photographie.
Le Musée Voorlinden célèbre les 90 ans de Yayoi Kusama. A 30 minutes en vélo de La Haye, dans la campagne néerlandaise, se niche le réputé Musée Voorlinden d’art moderne et contemporain. Un chemin traversant les dunes de Wassengar permet d’accéder à l’institution néerlandaise. Outre sa riche collection permanente, dont certaines installations brouillent les repères des visiteurs, comme Open Ended de Richard Serra ou Swimming Pool de Leandro Elrich, le magnifique bâtiment accueille jusqu’au 1er septembre une exposition des œuvres de la Japonaise Yayoi Kusama. Issues elles aussi de la collection du musée, elles composent un parcours modeste mais passionnant, car réunissant des pièces parmi les plus iconiques de cette artiste qui vit et travaille, depuis 1977 et à son initiative, dans un établissement psychiatrique de Tokyo. L’occasion d’y (re)découvrir sa mondialement célèbre Pumpkin (Citrouille) et de plonger dans un univers multicolore dominé par les pois, motif au cœur de son travail qui évoque le concept d’infini.
Des œuvres à vivre, à appréhender comme des expériences, à l’image d’Infinity Mirror Room : Gleaming Lights of the Souls. L’installation prend la forme d’un espace de quatre mètres sur quatre dont les murs et le plafond sont couverts de miroirs, alors qu’un bassin d’eau occupe le sol et que des dizaines de petites lampes rondes changent de couleur à intervalles réguliers ; le tout générant un environnement immersif des plus féériques*. L’exposition a ouvert ses portes le 22 mars dernier, jour du 90e anniversaire de Yayoi Kusama. A noter, l’intéressante rétrospective dédiée au Sud-Coréen Do Ho Suh qu’accueille par ailleurs le Musée Voorlinden, jusqu’au 29 septembre. Inspirées par l’architecture, ses œuvres en explorent les différents univers. Né en 1962, l’artiste s’est installé aux Etats-Unis dans les années 1980. Depuis, il n’a eu de cesse d’explorer les nuances entre maison et chez-soi et crée des pièces en tissu qui enveloppent le visiteur comme une deuxième peau rassurante et chaleureuse. Ses travaux parlent d’identité, de foyer, de mémoire et de migration. Tout un pan de l’exposition est consacré aux maquettes des maisons créées par l’artiste, dont l’architecture sont une hybridation des habitats coréens et américains.
* Pour visiter The Infinity Room Gleaming Lights of the Soul il est nécessaire de demander un ticket spécifique à l’entrée de l’exposition (sans frais supplémentaires).
Calme et volupté selon Jaume Plensa. Dans la petite ville de Scheveningen, station balnéaire de La Haye, de gigantesques portraits de jeunes filles en fonte surplombent les dunes entourant le Musée Beelden aan Zee. Ces figures allongées et aplaties, aux yeux fermés, sont l’œuvre de l’artiste espagnol Jaume Plensa. Calmes, affichant un air méditatif et humble, les visages déformés intriguent et jouent, comme autant de trompe-l’œil, avec notre perception. Si les formes et proportions des têtes sont librement interprétées par l’artiste, elles permettent de saisir de façon touchante l’âme de ces femmes. La rétrospective se poursuit à l’intérieur du musée où les salles épurées laissent pleinement s’exprimer la force des œuvres. Mention spéciale à la pièce accueillant les sculptures du projet Heart of Trees dans laquelle les visiteurs peuvent déambuler parmi des bronzes d’homme à l’image de l’artiste. Assis sur des monticules de terre, ils enlacent des arbres, leur peau tatouée des noms des compositeurs favoris de l’artiste. Corps et nature communient. Programmée à l’occasion des 25 ans du Musée Beelden aan Zee, l’exposition Do Not Touch, Caress! (Ne touchez pas, caressez !) est à découvrir jusqu’au 22 septembre.
De rencontre en rencontre avec Ute et Werner Mahler. L’ordinaire devient extraordinaire sous l’objectif des photographes allemands Ute et Werner Mahler, dont les clichés en noir et blanc capturent des instants de vie de travailleurs et de personnes installées en périphérie urbaine, aussi modestes qu’oubliées. Le Fotomuseum de La Haye présente une rétrospective de leurs travaux, critiques sociales d’un système, à voir jusqu’au 22 septembre. Beyond the borders of the GDR (Au-delà des frontières de la RDA) offre l’occasion d’appréhender leur vision, éloignée des standards, de la beauté et de l’extraordinaire. Respectivement nés en 1949 et 1950 en Allemagne de l’Est, ils se sont connus au lycée mais ont chacun développé une pratique singulière de la photographie avant de s’essayer au travail en duo. Leur premier projet commun, Mona Lisas of the Suburbs (2010), est une série de portraits de jeunes femmes habitant diverses banlieues européennes. Ils capturent l’originalité et la personnalité de chacune d’entre elles, considérant qu’à travers leur objectif, elles deviennent autant de Mona Lisa potentielles. Artistes de cirque, étudiants, figures politiques, quel que soit le groupe de personnes auquel ils s’intéressent, l’humain occupe le cœur de leurs préoccupations.