Apprivoiser ses peurs au Musja

L’entrepreneur et collectionneur d’art romain Ovidio Jacorossi est décédé à Rome, la semaine dernière, à l’âge de 85 ans. A peine quinze jours après l’inauguration, le 9 octobre dans la capitale italienne, du Musja, musée bâti à son initiative et abritant sa collection d’art contemporain. Débutée dans les années 1970, celle-ci compte pas moins de 2 500 œuvres d’artistes italiens du XXe siècle. Si elle offre l’occasion d’en découvrir quelques-unes, la première exposition présentée par le lieu réunit par ailleurs une dizaine d’œuvres signées de grands noms de la scène de l’art internationale. Intitulée The Dark Side – Who is afraid of the Dark? (Le côté obscur – Qui a peur du noir?), elle est à découvrir jusqu’au 1er mars 2020.

« Le Musja, et son don à la communauté, sont l’expression d’une notion de culture accessible, démocratique et partagée », insistait Ovidio Jacorossi peu de temps avant l’ouverture des portes du Musja début octobre. Au cœur de son initiative, l’idée de la contribution fondamentale de l’art au développement de l’individu comme de la collectivité. La programmation ambitieuse affichée par la nouvelle institution s’ouvre sur un cycle d’expositions placées sous le thème « The Dark Side » (Le côté obscur) et déclinant respectivement « la peur du noir », « la peur de la solitude » et « la peur du temps ». « Ce projet a pour ambition de faire ressortir les ombres, discrètes, silencieuses, incertaines et pourtant toujours présentes, qui nous accompagnent au grand jour, écrit Danilo Eccher, commissaire de l’exposition. The Dark Side s’intéresse aux non-dits de nos pensées, aux secrets enfouis de notre âme, mais aussi à ce curieux défi qu’est le courage de traverser les ténèbres, à la nécessité de dépasser toutes les peurs. » Parmi les œuvres des treize artistes internationaux – Christian Boltanski, Monica Bonvicini, James Lee Byars, Monster Chetwynd, Gino De Dominicis, Gianni Dessì, Flavio Favelli, Sheela Gowda, Robert Longo, Hermann Nitsch, Tony Oursler, Chiharu Shiota et Gregor Schneider – rassemblés dans le cadre de la manifestation inaugurale, plusieurs ont été conçues in situ. La plus spectaculaire étant sans doute Sleeping is like Death (2019), une installation signée Chiharu Shiota et composée de lits comme pris au piège dans un dense et inquiétant entrelacement de fils noirs (notre photo d’ouverture).
« Le titre The Dark Side fait référence au côté obscur qui est en chacun de nous, aux obstacles réels ou supposés rencontrés au cours de l’existence et qui nous obligent à faire une pause, à réfléchir, qui font s’accélérer les battements de notre cœur, tout en ouvrant de nouvelles possibilités, réflexions et perspectives, poursuit Danilo Eccher. Il nous faut pénétrer dans une sombre et obscure dimension même si nous tentons en vain de l’éviter ou de nous en cacher, ce qui nécessite d’affirmer notre présence et d’oser porter un regard audacieux. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut apprivoiser la peur, la contrôler, la rendre à la fois inoffensive et complice de toute aventure humaine : le côté obscur ne doit pas être nié ni délaissé, mais au contraire reconnu, accepté, investi et vécu. » A noter l’organisation, tout au long de l’exposition, d’une série de rencontres autour de la notion d’obscurité et de l’inquiétude qu’elle suscite orchestrées par Federico Vercellone, professeur d’esthétique au Département philosophie de l’Université de Turin. Pour plus d’infos, rendez-vous sur le site du Musja.

Contact

The Dark Side – Who is afraid of the Dark?, jusqu’au 1er mars 2020 au Musja, Via dei Chiavari 7/9, Rome, Italie. Tél. : +39 06 68 21 02 13 ; info@musja.it

Crédits photos

Image d’ouverture : Sleeping is like Death (2019), par Chiharu Shiota, et, à l’arrière-plan, Untitled (1985), par Gino De Dominicis © Chiharu Shiota, Gino De Dominicis, courtesy galerie Templon et Collezione Jacorossi – Camera scura © Gianni Dessì – End of the Museum © Gregor Schneider – Hell Mouth I © Monster Chetwynd – Untitled © Hermann Nitsch – Bat © Monster Chetwynd, courtesy Fondazione Sandretto Re Rebaudengo

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