Tandis que la 35e édition des Instants Vidéo s’achève ce week-end à Marseille, les appels à projets pour l’année prochaine sont déjà lancés jusqu’au 31 mars : art vidéo, installations multimédia, performances, poésie électronique, musique, rencontres… Le festival transcontinental itinérant d’art vidéo, fondé en 1988 à Marseille, étend parallèlement sa « constellation poétronique » pour une meilleure reconnaissance de la poésie électronique au sein d’un réseau de structures militantes jusqu’en Iran, à Gaza ou en Italie…
Ses programmations sont en provenance d’Europe, du Moyen-Orient, d’Asie, d’Amérique du Sud et du Nord, et sélectionnées avec une attention toute particulière parmi plus de 3300 œuvres reçues cette année : 183 œuvres dont 32 installations, 5 performances et 147 films réalisées par 206 artistes issu(e)s de 42 pays auront été montrées depuis octobre 2022, commençant par un hommage aux courts métrages de Godard au Vidéodrome, avant d’enchaîner sur les Rencontres internationales qui conviaient 50 artistes entre le 9 au 12 novembre, dans 7 lieux d’exposition différents.
Il est tout de même un peu dommage que la 35e édition des incontournables Instants Vidéo de Marseille ait été quelque peu occultée – du moins le jour du vernissage de son exposition – par la Biennale Chronique qui se termine également par des journées professionnelles à la Friche belle de Mai ce week-end du 20 au 22 janvier ; comme si le festival des arts médias-numériques n’était lui-même le descendant direct de l’art vidéo, plus proche des arts plastiques par ses pratiques d’auteur(e)s solitaires et leur regard portés sur nos contemporanéités que de l’entreprise collective du 7e art, de son économie ou de ses circuits de diffusion. Il suffit d’ailleurs de faire un détour par le Musée du Jeu de Paume à Paris (jusqu’au 29 janvier 2023) et de Renverser ses yeux autour de l’arte povera, mouvement italien des années 1960-1975 dédié aux postures performatives autant qu’à l’expérimentation des nouveaux outils qu’ont été à l’époque, l’appareil photographique ou la caméra vidéo, pour s’en persuader. Se réapproprier le réel, (se) détourner des présupposés du quotidien… Voici des objectifs qui résonnent avec espoir en ce jour de grève nationale.
« L’élément commun à l’art et la politique est que tous deux sont des phénomènes du monde public. » Autrement dit, s’intéresser à l’art d’une manière politique c’est comme être « quelqu’un qui sait choisir ses compagnons parmi les hommes, les choses, les pensées, dans le présent comme dans le passé ». (Hannah Arendt).
Cette réflexion de la philosophe Hannah Arendt s’inscrit en préambule de la manifestation qui se veut être un laboratoire où se côtoient artistes et œuvres de réputation internationale autant que des travaux encore fragiles, en gestation. « Chaque programmation d’environ 1h y est, par exemple, annoncée sous une forme « poétique » pour ne pas enfermer le propos des artistes dans les mailles d’une thématique trop rigide, ce qui aurait aussi pour conséquence de trop orienter le regard du/de la spectateur.rice, d’empêcher la multiplicité des interprétations qu’offre une œuvre », explicite l’équipe directrice. En voici quelques exemples : Oops, je l’ai encore fait, Encore des mots toujours des mots Danse avant de tomber, Qu’est-ce que j’peux faire de moi, Ecoutant la grosse horloge , Les filles, elles respirent sous l’eau,ou encore Que nos vies aient l’air d’un film parfait ! Rien que des préoccupations existentielles de premier choix !
Je me souviens, il y a quelques années déjà, avoir été en arrêt devant le mur gris d’un immeuble marseillais, près de la gare, non loin de l’ancien QG des Instants vidéo : y était inscrit la phrase suivante : « Tu me voulais vierge, je te voulais moins con ! » Avec quelle justesse et quel humour cette réflexion résume-t-elle aujourd’hui le basculement irréversible qui est en train de se produire pour une humanité plus équilibrée, plus adulte, plus saine et plus heureuse. Tous les espoirs sont donc permis !
Pour l’heure, voici les dernières chances de profiter/jouir de l’exposition en cours au 5e étage de la Friche Belle de Mai à Marseille. Sans oublier que les personnes qui nous accueillent au festival, qui tiennent le bar, servent les repas, traduisent en anglais (ou en français) les débats, viennent chercher les artistes…, ne sont pas rémunérées pour ces fonctions. Elles accompagnent le projet poélitique des Instants Video et en font un festival d’humanités, de la même façon que plus de 30 % des retraités s’investissent dans des associations susceptibles de tenir un projet de civilisation digne de ce nom. Celles-ci s’appellent Ella Carrara, Sophie Charlotte, Gautier Benoit Charasse, Nadège Cormier, Patrice Garnero, Yann Gicquel, Vincent Makowski, Cerise Martens, Gabriel Mattei, Lola Mercier, Marine M’Sili, Sophie Poulard, Gatien Raimbault.
Quant à l’appel à participation 2023, il est ouvert jusqu’au 31 mars ; qu’on se le dise !
Visuel d’ouverture> ©Vue de l’exposition Instants vidéo 2023, à la Friche Belle de Mai, Marseille.
Informations pratiques> Exposition Instants vidéo, jusqu’au 22 janvier 2023, au 5e étage de la Friche Belle de Mai à Marseille. Instants Vidéo Numériques et poétiques, Friche la Belle de Mai, 41 rue Jobin, 13003 Marseille. www.instantsvideo.com