L’art est à l’honneur dans la capitale bas-normande grâce à une nouvelle manifestation : Arkan, rencontres internationales d’art contemporain. Le projet est ambitieux et les atouts pour le servir certains.
Adossé à l’imposante abbaye aux Hommes fondée par Guillaume Le Conquérant, l’hôtel de ville de Caen est tout auréolé en ce beau jour de printemps. A gauche de l’accueil, s’ouvre la très belle salle du Scriptorium qui abrite une partie d’Arkan, une toute nouvelle manifestation organisée par une poignée d’artistes de la région et dont l’ambition est de créer des synergies pour permettre une meilleure visibilité de l’art contemporain en Basse-Normandie. Au centre de l’espace, les sculptures de Marc Petit aimantent le regard. Fidèles à leur créateur, elles parlent aux hommes de vie et de mort, de douceur et de frayeur, de joie d’être et de souffrance d’exister. Au fond de la salle, les grandes toiles de Roland Devolder leur répondent. L’artiste ostendais offre une vision rêvée de cette humanité. Sur un fond noir, un homme portant pantalon rouge et chemise blanche sans col tient dans ses bras un poisson de belle taille. Il règne une atmosphère étrange. Est-ce l’œil si rond de la bête, ou l’air détaché de celui qui la porte, qui distille cet infime et pourtant puissante impression de décalage ? Un peu comme si l’artiste avait peint juste après avoir fait un pas de côté. Illustrant, à dessein, un esprit si magnifiquement belge.
Les deux invités d’honneur de la manifestation sont en bonne compagnie. Installées en épis de chaque côté de la pièce, les œuvres d’une quinzaine d’autres artistes offrent une vision éclectique de la création picturale d’aujourd’hui. Deux personnages suivent une faille. Peut-être un homme et une femme. Lui avec un chapeau, elle, plus menue, s’agite. Ils évoluent dans une architecture chaotique faite de cubes. Amoncellement de détails et de nuances colorées, la composition invite à un voyage de funambule sur une des lignes de fracture qui traversent la toile. La rumeur est implacable, même si Jean-Marc Léger lui donne des traits tantôt ahuris, tantôt souriants ou grimaçants, qu’il peint avec légèreté sur les murs de sa cité imaginaire. Plus loin, des formes humaines sortent des limbes. Travail de la matière et de la lumière pour les toiles d’Isabelle Vialle. Au bout d’une corde un être pend. Compagnons de dernière heure, des corbeaux attendent le bon moment pour se repaître de sa chair… ô Frères Humains titre Oxo/Yutz. Puis viennent les portraits de Bertille ou de Loki Baal, les fantaisies de Charlotte Massip et les calligraphies irréelles de Lydie Adrian, pour ne citer qu’eux. A noter la présence et la poésie d’une série de photographies de paysages signée Frances P. Ryan.

Non loin de la mairie, l’église du Vieux Saint-Sauveur est ouverte. Lieu d’exposition bien connu des Caennais, elle est la deuxième étape majeure d’Arkan. A l’entrée, Iziak accueille le visiteur. « Nous avions envie de mélanger les scènes régionale, nationale et internationale pour donner une vision la plus large possible de l’art contemporain. L’année prochaine, nous aimerions pouvoir investir d’autres lieux de la ville pour élargir nos propositions et espérons travailler avec l’école des Beaux-Arts afin d’exposer les projets de fin d’année des étudiants », explique l’artiste et membre du comité d’organisation de l’événement. Rencontre est le maître mot : rencontre entre différentes générations d’artistes, rencontre entre un public d’initiés et un public de curieux, rencontre, enfin, entre les différents médiums.

Les visiteurs conquis filent, direction les boutiques qui jouent le jeu et exposent d’autres œuvres. A la librairie Eureka, l’accueil est chaleureux. Ce n’est pas si souvent qu’une personne entre pour demander à voir les sculptures ! Au beau milieu des livres, ces dernières veillent. L’an prochain, gageons qu’ils seront encore plus nombreux à ouvrir leurs portes à Arkan.