L’œuvre de Peter Klasen reçoit cette année les honneurs du Nord : trois expositions majeures, organisées à Lille, Dunkerque et Roncq (dans la banlieue lilloise) lui offrent chacune un éclairage particulier. La capitale des Flandres propose ainsi une rétrospective couvrant, de manière chronologique, cinquante années de recherche, de réflexion et de création picturales et photographiques, sans compter la sculpture, l’installation, et le multimédia, parties intégrantes de l’œuvre prolifique de cet artiste pluridisciplinaire attachant et captivant.
Originaire de l’hanséatique Lübeck, posée sur la côte nord de l’Allemagne, Peter Klasen y subira, enfant, les affres des bombardements alliés et la perte de son père. Mais aussi celle de son oncle, peintre expressionniste dont l’œuvre sera l’un des fondements de ses aspirations artistiques. Après avoir suivi les cours des Beaux-Arts de Berlin, dans les années 50, le jeune homme choisit de poursuivre son éducation à Paris, où il s’installe. Curieux impénitent, observateur attentif et perspicace de l’environnement sociétal, urbain, et culturel de ses contemporains, il livre, au gré de la vie qu’il découvre et des médias qu’il rencontre, son regard lucide et dépourvu de complaisance sur les contradictions inhérentes à nos sociétés en constante mutation. Dénonçant les perversions de la publicité, les travers de la médiatisation, la violence de l’individualisme forcené dont les populations souffrent de plus en plus, Peter Klasen développe en même temps, avec une tendresse particulière, une thématique industrielle, où il exprime toute sa fascination pour ce monde de machines, de valves, de rouages et de tuyaux, univers grandiose, puissant, esthétique et pourtant bien souvent désolé, abandonné, sacrifié sur l’autel des sempiternels progrès technologiques.
Tour à tour acteur incontournable de la scène de la Nouvelle figuration, puis de celle de la Figuration narrative, Peter Klasen a très tôt saisi toute la subtilité et le potentiel offert par la photographie, puis par le multimédia. C’est ce pan de son œuvre qu’a choisi de mettre en lumière le Laac de Dunkerque ; il y présente notamment, à l’invitation de la ville, un travail mené sur le paysage urbain et industriel singulier de cette agglomération portuaire, venant élargir une série thématique entamée voici plus de trente ans. Témoins d’un monde contemporain en constant développement et avide de progrès, les ports – le visiteur plongera aussi dans les univers antinomiques de La Havane et de Los Angeles – constituent pour l’artiste d’inépuisables sujets exploratoires et une source d’inspiration privilégiée. L’exposition de Roncq, enfin, présente un ensemble de collages et d’estampes où voisinent photographie, toujours, et aérographie. La rétrospective remonte jusqu’à 1969 et met en exergue une série de travaux centrés sur le Mur de Berlin et réalisés avant la chute du Rideau de fer, il y a tout juste vingt ans. Questionnements et angoisses du plasticien sourdent ici aux côtés de ses aspirations et espérances. Car pour l’artiste, il s’agit moins d’asséner ses points de vue que de générer chez l’autre, par le regard intransigeant, juste et qui souvent devance son temps, une prise de conscience et une réflexion forcément salutaires.