Domaine de Chaumont-sur-Loire – Au jardin comme au musée

C’est parti pour une nouvelle édition du Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire ! Placée sous le thème de la collection et la présidence de Patrick Blanc – botaniste, chercheur et inventeur des murs végétaux –, cette 24e saison offre, comme chaque année, de découvrir le savoir-faire et l’imagination débridée d’une vingtaine d’équipes – sélectionnées parmi plusieurs centaines de dossiers – composées de paysagistes, d’architectes et/ou de plasticiens d’horizons variés. Des « cartes vertes » ont, par ailleurs, été octroyées, notamment au Conservatoire des collections végétales spécialisées, aux Jardins botaniques de France et au paysagiste sud-africain Leon Kluge ; le parc du Goualoup s’enrichit, quant à lui, de deux nouveaux jardins, japonais et coréen.

« Le Festival international des jardins, qui a reçu en 2014 un prix international le désignant comme “meilleur festival de l’année”, constitue un laboratoire et un observatoire de la création jardinistique dans le monde, rappelle Chantal Colleu-Dumond, directrice du Domaine de Chaumont-sur-Loire. En 23 saisons, plus de 700 jardins ont été créés, prototypes des jardins de demain. A la fois lieu d’invention et pépinière de talents, le festival contribue à renouveler et dynamiser l’art des jardins, toujours à la recherche de nouveaux végétaux et matériaux, d’idées inédites et de mises en scène originales. » S’inscrivant dans la droite ligne de cette analyse, l’édition 2015 s’articule autour du thème « Jardins de collection », une façon de rendre hommage aux curiosités végétales comme à la passion des collectionneurs et, plus largement, à « celle de tous les amateurs qui célèbrent, à leur manière, le génie des plantes ». Une fois de plus, la manifestation prend la forme d’un véritable hymne à la biodiversité, dévoilant des espèces rares tout en éclairant de manière inédite des plantes à la réputation surannée. C’est le cas, par exemple, du Jardin des 101 pélargoniums de l’architecte-paysagiste néerlandaise Katarina Brandt, qui rappelle avec force couleurs, textures et parfums la grande variété de ces plantes aux noms souvent aussi insolites qu’évocateurs : Bird Dancer, Purple Gipsy, Cola Bottles ou encore Vaudou en sont quelques exemples.

Avec L’ivresse des elfes, Florence Guin et Aurélie Gueniffey souhaitent « faire sortir les conifères de l’oubli » ; Le collectionneur de l’ombre – conçu par les Français Antoine Ruellan et Yves Philippot – abrite pour sa part quelque 250 fougères botaniques provenant des quatre coins de la planète, tandis que les mousses tiennent la vedette de Silence ! Ça mousse…, jardin orchestré par Chloé Ricou, Agathe le Mire et Florian Dubos. Dans Porte-Bonheur, le visiteur déambule parmi les trèfles, bien évidemment animé du secret espoir d’en dénicher un à quatre feuilles. « Véritable objet de collection, nous l’avons mis ici en avant sous cadre, à la manière d’un herbier un peu fantastique », explique Claire Dugard, co-réalisatrice du jardin avec Christelle David. Mathilde Gachet et Julien Leroy – respectivement paysagiste et architecte – convient quant à eux l’univers mystérieux et élégant de la joaillerie : leur Jardin noir se veut un lieu tenu secret, appartenant à un fin collectionneur issu du monde de la parure et passionné par le règne du végétal. « Un joailler obsessionnel de la couleur noire et qui s’inspire des végétaux pour créer », précise Julien Leroy

Chloé Ricou, Agathe le Mire et Florian Dubos, photo Eric Sanders courtesy Domaine de Chaumont-sur-Loire
Silence ! Ça mousse…, Chloé Ricou, Agathe le Mire@et Florian Dubos, 2015
La couleur, bleue cette fois, est également au cœur de la réflexion de Nicolas Jomain et Boriana Tchonkova : « La notion de collection est liée à celle de rareté, note cette dernière. D’où la volonté d’articuler notre proposition autour du bleu, rare dans la nature. Le fait de mettre en pot chaque espèce rappelle aussi les gestes du collectionneur qui sélectionne, classe, répertorie, etc. » S’appuyant aussi sur une palette de teintes bleutées, Pierre Labat et Delphine Gueret ont imaginé Nuances, une « invitation au voyage », un véritable « musée à ciel ouvert » : assis sur un banc face à un cadre offrant une vue plongeante sur le jardin, le visiteur fait l’expérience de la contemplation, prenant pleinement conscience de l’expression « tableau vivant » ! La plasticienne Solène Ortoli travaille elle aussi sur la notion de musée, dressant au fond de son enclos une haute cimaise couverte de tableaux-miroirs qui dévoilent des paysages éphémères intimement liés au déplacement du visiteur. « Réflexion d’un collectionneur est une forme de mise en abyme, confie-t-elle. On y rentre en franchissant une haie tressée en osier. » Pour elle, le promeneur s’aventure ici, à l’image d’Alice, en un territoire propice aux questionnements divers.Festins prometteurs

Alliant l’utile à l’agréable, les Néerlandais Jeroen Marseille et Monika Popczyk entendent célébrer avec A table ! le plaisir le plus simple de l’existence, partager un repas, et réunissent pour l’occasion « une grande collection de plantes comestibles, souvent oubliées ». Tomates noires, poivrons pourpres, choux-fleurs violets et autres aubergines blanches sont autant de témoins d’un festin des plus prometteurs. Manger ou être mangé, telle est le « dilemme » que s’amuse à évoquer le duo belge composé de Mathieu Allain et de Stéphane Le Gourrierec à travers leur Carnivore Parc, dédié comme son nom l’indique aux plantes carnivores. « Nous avons voulu les regarder d’un œil différent, en s’appuyant sur une mise en scène qui met en exergue le fait qu’on les perçoit comme dangereuses, alors qu’elles sont en réalité fragiles », explique Stéphane Le Gourrierec.

D’une nourriture à l’autre, passons à celle de l’âme : la méditation, prisée par les concepteurs de jardins asiatiques. En 2015, le Domaine de Chaumont-sur-Loire enrichit en effet sa collection de jardins permanents – développée à partir de regards contemporains portés sur les traditions séculaires des grandes civilisations du jardin – avec deux créations, d’une part japonaise et de l’autre, année dédiée aux relations France-Corée oblige, coréenne. La première est le fruit d’un travail mené par Hiroshi Naruse autour de celui de ses prédécesseurs, Shodo Suzuki et Fumiaki Takano ; la seconde met en lumière la singularité structurelle des jardins coréens – formes binaires composées de terrasses, bassins et îlots –, lieux considérés à la fois comme mythiques et comme de grands réceptacles du vide. A Chaumont-sur-Loire, cultiver son jardin est un exercice qui d’année en année se fait toujours plus réjouissant.

Solène Ortoli, photo Eric Sanders courtesy Domaine de Chaumont-sur-Loire
Réflexion d’un collectionneur, Solène Ortoli, 2015

GALERIE

Contact
Festival international des jardins, jusqu’au 1er novembre au Domaine de Chaumont-sur-Loire , 41150, Chaumont-sur-Loire, France.
Tél. : 02 54 20 99 22 www.domaine-chaumont.fr.

Crédits photos
Carnivore Parc © Mathieu Allain et Stéphane Le Gourrierec, photo Eric Sanders courtesy Domaine de Chaumont-sur-Loire,Jardin japonais © Hiroshi Naruse, photo Eric Sanders courtesy Domaine de Chaumont-sur-Loire,Jardin coréen © Photo Eric Sanders courtesy Domaine de Chaumont-sur-Loire,Le jardin des 101 pélargoniums © Katarina Brandt, photo Eric Sanders courtesy Domaine de Chaumont-sur-Loire,Réflexion d’un collectionneur © Solène Ortoli, photo Eric Sanders courtesy Domaine de Chaumont-sur-Loire,Silence ! Ça mousse… © Chloé Ricou, Agathe le Mire et Florian Dubos, photo Eric Sanders courtesy Domaine de Chaumont-sur-Loire,Nuances © Pierre Labat et Delphine Gueret, photo Eric Sanders courtesy Domaine de Chaumont-sur-Loire
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