Biennale de Venise – Quatre jours, c’est juste ! (1)

Parmi les événements les plus prisés de la scène mondiale de l’art contemporain, la Biennale de Venise occupe une place à part. Installée dans la cité des Doges depuis la fin du XIXe siècle, la manifestation n’est pas seulement un baromètre de la création contemporaine, elle est aussi un instantané du monde. Il y a les pays qui en sont et ceux qui n’en sont pas, ceux qui peinent à décrocher un lieu et ceux qui rament pour trouver des artistes. Tous les deux ans, la vie économique et politique de la planète s’expose sur la lagune : les ambitions des uns, les renoncements des autres. Chaque pavillon donne le « la » d’une nation. L’art devient le prétexte à exposer bien autre chose que des œuvres. D’obscurs pays s’offrent des façades d’église pour faire la promotion de leur pavillon ou des espaces pour nous convaincre qu’ils ne sont pas si infréquentables que cela. Entre « Realpolitik », qui répète inlassablement que l’art sert de cheval de Troie, là où la liberté et les droits de l’homme sont bafoués sans cesse, et le sentiment difficile à combattre d’un enfumage général au service d’intérêts particuliers, il faut se résigner à avancer. Les yeux ouverts. Parce que nous devons croire que l’art peut rapprocher les hommes et aider à la compréhension du monde, la Biennale de Venise demeure un extraordinaire moment de découverte et d’échange. Alors fonçons sans hésiter, convaincu qu’un regard bienveillant est souvent plus utile qu’une plume trop acérée.

PREMIER JOUR

Rirkrit Tiravanija, photo Alessandra Chemollo, courtesy La Biennale di Venezia
Untitled (14086 unfired), Rirkrit Tiravanija, 2015.

Au commencement était le train ! Long et inconfortable comme il se doit. Tout cela pour, au matin, pousser la porte de la gare et se retrouver face au Grand Canal. Première image de Venise, à jamais gravée dans la rétine du voyageur. Le rituel peut alors s’accomplir : acheter le pass qui permet de grimper aussi souvent que nécessaire dans les vaporettos, déposer son bagage au Lido et foncer à l’Arsenal récupérer son accréditation pour circuler sans entraves pendant les jours qui suivent. Le soleil est radieux et dans l’air plane un sentiment d’exaltation contenu par la confondante beauté des lieux. Dans l’imposant office de presse, des confrères tapent déjà frénétiquement sur leur clavier. Le bâtiment de pierre et ses arcades intérieures massives signalent le point de départ d’un marathon de quatre jours destiné à explorer la 56e édition de la Biennale de Venise. A l’extérieur, des navettes s’activent pour transporter des invités d’un bout à l’autre du site. Si le soleil est doux et un café en terrasse tentant, les bruissements qui filtrent des murs de pierre ont raison de tout. Il fait sombre. Sur l’établi, des morceaux de bois, quelques outils, de la sciure… Le sentiment d’être dans l’atelier qui a servi à fabriquer Armpit, la proposition de la Lettonie signée par Katrina Neiburga et Andris Eglitis. Des escaliers de guingois mènent à l’étage comme ils grimperaient au grenier. Rapidement, l’effet cabane dans les arbres s’estompe à mesure que défilent les vidéos sur les écrans. Les artistes s’intéressent aux garages, autant d’espaces de passion ou de repli pour les hommes. Les vues et les histoires défilent avec cette esthétique propre aux contrées ex-soviétiques. Un environnement suranné, des images blanches, des sujets comme figés dans une époque à l’arrêt. Pourtant, certains détails alertent : nous sommes bien aujourd’hui ! Poursuivons. Dans une grande pièce baignée de lumière, des briques s’entassent. L’Argentin Rirkrit Tiravanija, – né à Buenos Aires, il a vécu en Thaïlande et fait ses études au Canada et aux Etats-Unis – a installé au cœur de la Biennale une fabrique de briques. Chaque pièce estampillée par les mêmes idéogrammes clame : « Ne travaillez jamais » ! Pour 10 euros, vous pouvez en embarquer une et faire bonne œuvre pour l’association Iscos, une organisation à but non lucratif qui se bat pour les droits des travailleurs en Chine. Attention, elle alourdit immanquablement n’importe quel sac. Des dessins du même artiste sont également à découvrir.

Kutlug Ataman, photo MLD
The Portrait of Sakip Sabanci, Kutlug Ataman, 2014.

Bouchon ! Un attroupement ralentit considérablement la circulation. Têtes en l’air à s’en rompre le cou, les visiteurs observent un dais numérique signé Kutlu? Ataman. Le Turc rend ainsi hommage à un compatriote, le magnat et philanthrope Sakip Sabanci. Quelque 10 000 mini-écrans affichent chacun la photo d’une personne ayant bénéficié des largesses de l’homme disparu en 2004. Ils s’éclairent aléatoirement un peu comme les étoiles surgissent la nuit. Autant de visages qui révèlent une part d’un portrait imaginaire du généreux donateur. Au bout d’un fil en Nylon pend un livret au titre de couverture magenta : Transactional Objects. Installés à divers endroits, les pièces de Rupali Gupte & Prasad Shetty ponctuent une réflexion sur l’objet qui n’oublie pas ce qu’elle doit à Marcel Duchamp. Les urbanistes-designers indiens proposent des architectures-objets aux formes vaguement familières mais qui, après examen, s’avèrent totalement originales ! Non loin de l’espace destiné aux autoportraits en pied (de 5 mètres de hauteur) et renversés de Georg Baselitz, une haie d’honneur bien singulière attend le visiteur. Installés au sommet d’un morceau de bois comme on le ferait pour des affiches en vue d’une manifestation, des vêtements – tee-shirts, vestes, pantalons – s’exhibent et protestent. Clothes for the Demonstration Against False Election of Vladimir Putin de Gluklya (Natalia Pershina Yakimanskaya) est, comme son nom l’indique, un projet artistique contestant la légitimité de la réélection du président russe. En brandissant des oripeaux intimes, l’artiste affirme que chacune de ces « pancartes » représente une personne qui lutte pour un changement politique et social dans son pays. Il faut être vu pour être entendu, affirme-t-elle ainsi.

Sur le sol, un tapis, sur les murs, des tableaux textiles. Maja Bajevic – née à Sarajevo, elle vit désormais à Paris – provoque des rencontres improbables entre des techniques ancestrales, comme le tissage ou la couture, et le mouvement très contemporain des cours de la bourse. Les indices en pleine fluctuation sont représentés à l’instar de toute autre courbe mathématique. Dans ces paysages abstraits et colorés naît une géographie hérissée de pics, conséquence d’un travail manuel qui n’a plus guère de place dans une finance mondialisée. Juste de l’autre côté du mur, Barthélémy Toguo a dressé sa dizaine d’« escabeaux », transformés en étagères, sur lesquels il a disposé une cinquantaine de tampons cyclopéens en bois, gravés de slogans ou de mots évoquant des combats comme « Tibet », « Torture never again », « Podemos », « Stop Lampedusa »… « Urban Requiem médite sur nos destins contemporains. C’est un cri, une messe consacrée à la mémoire de ceux qui endurent l’injustice, matière de toutes les souffrances de notre monde », écrit l’artiste dans sa note d’intention.

Barthélémy Toguo, photo S. Deman
Urban Requiem, Barthélémy Toguo, 2015.

En avançant un peu apparaît un comptoir éclairé par deux suspensions, installé là par l’Argentine Mika Rottenberg. Sur son plan sont alignés des dizaines de colliers de perles, tandis que d’autres non encore enfilées attendent dans de grands sacs en plastique transparent. Une bassine jaune en est également pleine. En empruntant la porte à battants, juste en face, vous entrez dans une salle et oscillez entre subjugation et écœurement. Sur l’écran, une personne ouvre et vide d’énormes coquillages dont les entrailles viennent en rejoindre d’autres jetées en un impressionnant tas. Confiné dans cet endroit clos, chacun ressent l’oppression de la pièce sans fenêtre dans laquelle se déroule la scène. Au bout de quelques minutes, il vous semble sentir des remugles de marée et de renfermé. Vous fuyez, renonçant à jamais à tous les colliers de perles de la terre ! Au mur, les portraits de Kay Hassan chassent définitivement les images de mollusques agonisants. Chacun de ces visages croisés à Johannesburg, ville natale du plasticien, ou lors de voyages est le résultat d’une accumulation de papiers peints, collés et déchirés. On y voit l’ordinaire d’une vie et la fantaisie graphique de l’artiste. Un vrai plaisir.

Chantal Akerman, photo Alessandra Chemollo, courtesy La Biennale di Venezia
Now, Chantal Akerman, 2015.

Tous à terre ! L’installation de Chantal Akerman secoue. Cinq écrans en suspension saturent l’espace. Invité à avancer entre eux, le visiteur se trouve pris entre le « feu » croisé des images et des salves d’armes automatiques. Des paysages de désert en gros plan alternent avec des horizons plus larges où, parfois, domine sans conteste le ciel. Au fond, comme un modeste autel improvisé, quelques objets posés à terre. Une petite grenouille verte en tissu, beaucoup de fausses fleurs, un mini-ballon jaune et noir… Entre fiction, documentaire et film expérimental, Now témoigne d’une approche à l’intersection de l’art et du cinéma. Inspirée par deux stars de la caméra, nous dit-on, Jean-Luc Godard et Michael Snow. En route vers la sortie de l’Arsenal, un temps d’arrêt s’impose pour prendre la mesure de l’installation monumentale d’Ibrahim Mahama intitulée justement Out of Bounds (« hors limites »). Le Ghanéen a entièrement drapé le long couloir extérieur qui longe le bâtiment central de l’Arsenal. Un patchwork immense de sacs en toile de jute encadre les allées et venues des visiteurs. Vides du cacao qu’ils avaient vocation à transporter, ces derniers se dressent pour raconter l’histoire politique, économique et sociale du Ghana, dont l’économie repose essentiellement sur le commerce de la précieuse fève.

Dans Venise, la pression monte. L’heure des vernissages approche. En chemin pour attraper un vaporetto, deux jeunes Asiatiques en pleine contemplation arrêtent la course de notre regard. Au rez-de-chaussée de l’Institut Santa Maria della Pietà, un espace a complètement été investi par Yahon Chang. Le Taïwanais ne s’est pas contenté de peindre les murs mais il a également recouvert plafond et sol. Des figures cernées de noir surgissent, le corps d’une femme à la peau verte s’impose, des centaines d’yeux percent un enchevêtrement de coups de pinceau vifs et impulsifs. La fresque semble jaillie d’un seul et unique élan. Comme si du peintre endormi, les songes du moment s’étaient échappés et imprimés alentour. Jeter un dernier coup d’œil par une des fenêtres et tomber nez à nez avec un petit personnage en terre tenant une énorme vis à la main. Posé là sans plus d’intention, le minuscule golem protège les délires picturaux de l’artiste. Sur le bateau, en direction de l’île San Lazzaro, chacun s’accorde un temps de pause et de contemplation. La lagune s’étire si délicieusement sous le soleil déclinant. Dès le ponton, l’effervescence reprend ses droits. L’inauguration qui bat son plein est celle du Pavillon de l’Arménie. L’exposition collective Armenity a choisi de s’installer dans ce lieu emblématique de la présence arménienne à Venise : un monastère, fondé il y a quelque 300 ans et toujours tenu par des moines de l’Ordre mekhitarien, gardiens d’une prestigieuse bibliothèque de manuscrits essentiels dans l’histoire de la culture arménienne. Dix-huit artistes y ont été invités à réfléchir au concept de déplacement et de territoire, de justice et de réconciliation, d’ethos et de résilience. Autant de sujets qui, en cette année du centenaire du génocide arménien, se sont donnés à voir avec un sens et une sensibilité exacerbés. Parmi les différentes propositions, relevons les scènes photographiques revisitées par le trait d’Aram Jibilian, les vitraux suspendus de Sarkis, l’étrange « orgue » à lettres d’Hera Büyüktaşçıyan et les plaques mémorielles de Melik Ohanian. Le Pavillon arménien a reçu le Lion d’or.

DEUXIÈME JOUR

Céleste Boursier-Mougenot, photo MLD
Rêvolutions, Céleste Boursier-Mougenot, 2015.

Décidément, quelle chance… le temps est au beau fixe ! Les allées des Giardini charrient déjà leur lot de professionnels affairés. Au Pavillon français, c’est la surprise : trois arbres (des vrais, de la taille de ceux qui préservent dans la ville une respiration) hors-sol se déplacent imperceptiblement tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du bâtiment. Cette nature en mouvement dotée de capteurs d’énergie est l’œuvre de Céleste Boursier-Mougenot. L’artiste sur le pied de guerre attend l’arrivée de la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin. Son costume, ses chaussures, sa coiffure : tout est impeccable. Non loin, Chiharu Shiota, l’invitée du Pavillon japonais, est elle aussi à pied d’œuvre. Comme à son habitude, la plasticienne au touchant et modeste sourire se tient un peu en retrait, mais toujours prête à échanger un mot avec quiconque est intéressé par son travail. A l’intérieur, une de ces installations dont elle a le secret, de celles qui font mouche à chaque fois. Deux barques célestes laissent échapper un nuage rouge de fils et de clefs. « Les barques viennent de Venise, les clés d’un peu partout dans le monde. Elles sont pour moi comme autant d’êtres humains – la tige représente le corps, l’anneau la tête – réunis par d’indispensables liens. » La poésie et la mémoire forment de nouveau la matière d’une œuvre qui se laisse contempler pour elle-même, sans nécessité d’en savoir plus.

Bien sympathique et bizarroïde pavillon que celui du Canada ! Il faut pousser la porte du magasin. L’extravagant et provocateur collectif québécois BGL y présente Canadissimo, un parcours original à travers une boutique aux rayons remplis de denrées proposées dans des packagings aux images floues, un espace de vie sous l’influence d’effigies en terre – divinités indoues, Bouddha, un bonze en train de lire, le maneki-neko (chat asiatique porte-bonheur), un Indien d’Amérique et sa coiffe en plumes, etc. – qui dégoulinent quelque peu et un atelier bourré de pots émaillés de peinture multicolore et plein de pinceaux. Autant de matériaux et d’objets recyclés qui construisent un discours plastique interrogeant les modes de vie contemporains. Du Pavillon russe reste la stupéfaction éprouvée devant le haut d’une combinaison de protection démesurée, sorte de casque intégral, avec lunettes et masque intégrés, posé au milieu de la pièce et relié à un tuyau que l’on imagine apportant de l’oxygène à cette tête dont on ne voit que les yeux explorant avec incrédulité l’espace dans lequel nous nous tenons. Une création d’Irina Nakhova. Terrible ! Au Pavillon belge, un comédien lit un passage du Soliloque du roi Leopold – pamphlet signé Mark Twain datant de 1905 –, assis dans une installation d’Elisabetta Benassi. Le tout en rapport avec le passé colonial de la Belgique : le nom de l’œuvre, M’fumu, étant une référence à Paul Panda Farnana M’fumu (1888-1930), premier nationaliste congolais ayant dénoncé les méthodes belges appliquées à son pays. Juste à côté, le Pavillon hollandais n’accueille qu’un seul et unique artiste : herman de vries. Fidèle à ses sujets de prédilection, l’artiste, né aux Pays-Bas en 1931, poursuit sa réflexion sur les relations de l’homme à son environnement ; opérant sans cesse des allers-retours entre nature et culture, il nous invite à « être par tous les moyens » ! Titre de la proposition : To Be All Ways to Be. Un cercle au sol en roses de Damas séchées sert de cœur à ce bel espace laissé à la lumière. Autour, de nombreuses pièces : rassemblement de faucilles, herbes folles mises sous-verre, pierres taillées ou non, bois calcinés, feuilles de papier frottées avec diverses terres… En sortant, une invitation à découvrir l’île de Lazzaretto ne se refuse pas. Mais il faudra attendre demain ! Direction donc le bâtiment principal, occupé par une partie de l’exposition orchestrée par le Nigérian Okwui Enwezor, commissaire de cette 56e édition de la Biennale. Difficile de se frayer un chemin à travers une foule désormais compacte. L’abandon pour aujourd’hui s’impose. Belle consolation, Tsibi Geva anime une visite du Pavillon israélien qui lui a été confié. L’artiste très impliqué explique lui-même son travail – essentiellement de la peinture. Initiative suffisamment rare pour être saluée ! L’heure tourne, il faut rejoindre l’Arsenal si l’on ne veut pas manquer le vernissage du Pavillon turc. Non sans avoir découvert The Infinite Nothing, exposition consacrée aux toujours attrayantes installations vidéo du Hongkongais Tsang Kin-Wah.

Yahon Chang, photo MLD
The Question of Being, Yahon Chang, 2015.

Le palmarès 2015

– Le Lion d’or de la meilleure participation nationale : la République d’Arménie, pour Armenity.
– Le Lion d’or du meilleur artiste : l’Américaine Adrian Piper, pour The Probable Trust Registry: The Rules of the Game #1-3.
– Le Lion d’argent du meilleur jeune artiste : le Sud-Coréen Im Heung-Soon, pour Factory Complex.
– Le jury a également décerné des mentions spéciales à l’Allemand Harun Farocki, au collectif syrien Abounaddara, à l’Algérien Massinissa Selmani et au Pavillon américain pour la présentation du travail de Joan Jonas.
Un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière a été décerné au Ghanéen El Anatsui et un autre pour « Services rendus aux arts » a été remis à l’Américaine Susanne Ghez.

La suite de nos pérégrinations vénitiennes à lire demain !

A noter que vous pouvez retrouver cet article et quelque 300 événements estivaux d’art contemporain, sélectionnés par notre rédaction en France et en Europe, dans le numéro spécial Eté 2015 de l’e-magazine pour tablettes numériques ArtsHebdo|Médias. Il suffit pour cela de télécharger gratuitement notre application sur l’Appstore ou sur Google Play.

Contact

La 56e Biennale de Venise se déploie jusqu’au 22 novembre aux Giardini, à l’Arsenal (ouverts de 10 heures à 18 heures tous les jours sauf le lundi) et dans divers lieux de la ville. Plus d’infos sur www.labiennale.org.

Crédits photos

Image d’ouverture : Sur les quais, près de l’Arsenal © Photo S. Deman – The Portrait of Sakip Sabanci © Kutlug Ataman, photo MLD – Rêvolutions © Céleste Boursier-Mougenot, photo MLD – Untitled (14086 unfired) © Rirkrit Tiravanija, photo Alessandra Chemollo, courtesy La Biennale di Venezia – Urban Requiem © Barthélémy Toguo, photo S. Deman – Now © Chantal Akerman, photo Alessandra Chemollo, courtesy La Biennale di Venezia – The Question of Being © Yahon Chang, photo MLD

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